Marc Jailloux, sans influence !

À l’instar de ses collègues Christophe Simon et Rafaël Morales, qui ont été, eux aussi, les élèves de Jacques Martin, Marc Jailloux (l’un des meilleurs repreneurs graphiques de la série « Alix »), propose aujourd’hui une nouvelle saga où son style ne doit plus rien à celui du maître : lui qui aurait eu 100 ans cette année, le 25 septembre dernier. (1)

« Le Sang des Valois », ambitieuse saga historique qui suit, sur plusieurs générations, l’histoire de deux familles que tout semble opposer (les Tassin et les Valois), nous permet, surtout, d’apprécier, comme il se doit, le travail d’orfèvre du dessinateur. Changeant donc radicalement de palette graphique, Marc Jailloux met tout son talent d’illustrateur au profit de ce premier tome qui démarre en février 1525, lors de la sixième Guerre d’Italie : alors que l’armée du roi de France est défaite devant Pavie et que François 1er est fait prisonnier par l’empereur Charles Quint.

On sent que ce créateur a pris énormément de plaisir à restituer les décors et les costumes de cette époque, en osmose avec le récit très (trop ?) documenté de l’historien et romancier Didier Decoin, d’après une idée de la figure culturelle qu’est Jérôme Clément. Ces deux derniers ont redonné vie à ce projet télévisuel qui n’a pas pu aboutir. Leur scénario est intéressant, mais comme la narration bédéesque n’est pas la même que celle que l’on utilise pour des romans, ils ont manifestement eu du mal à maîtriser totalement cette spécificité.

Reste la beauté des images de Marc Jailloux, visiblement inspiré par la technique de la gravure ou par les miniatures ottomanes encore en vigueur pendant la période qu’il illustre ici avec brio. Alors, rien que pour cela, il faut soutenir ce prologue, car les responsables des textes vont certainement mieux s’adapter au média BD dans la suite qu’ils sont en train de nous concocter.

Si le dessin que Marc Jailloux utilise pour « Le Sang des Valois », et qui est vraiment son style sans référence exclusive, a de quoi surprendre les amateurs de ses « Alix » ou de son « Orion », il faut savoir qu’il n’en est pourtant pas à sa première expérimentation en ce domaine.

Un extrait du « Château de Monsieur Sangsuc ».

En effet, s’il s’éveille à la bande dessinée en découvrant les classiques franco-belges et qu’après un baccalauréat en arts plastiques, il intègre l’École du Louvre à Paris en 1991, il va se spécialiser dans le story-board à l’École des Gobelins.

Puis, ça sera un passage dans le dessin animé, avant d’être embauché chez l’un des principaux éditeurs de jeux vidéo et de démarrer sa carrière en BD en autopubliant un comic-book (« Gousdaïl le vampire ») et en dessinant un récit de trois pages publiées dans le n° 3220 de Spirou en 1999.

Il réalise ensuite deux albums dans une veine fantastique, où il utilise des styles proches de ceux de Comès ou d’Andreas : « Le Château de Monsieur Sangsuc » chez Pointe noire (2002), puis « Necrolympia » sur un scénario de Stéphane Beauverger chez Panini (2005).

Ayant rencontré à nouveau Jacques Martin — dont il s’était fait dédicacer un ouvrage quand il était jeune — et découvert la beauté de ses planches originales à la même époque, Marc Jailloux fait aussi la connaissance de Gilles Chaillet (en 2005) et saisit l’opportunité d’intégrer son atelier.

Alors que l’ancien collaborateur de Martin cherchait un nouveau dessinateur pour « Vasco », ce dernier conseille plutôt à Marc, dans un premier temps, de se consacrer uniquement à l’encrage de son autre série : « La Dernière Prophétie ».

Parallèlement féru de Grèce antique, notre jeune artiste se lance alors dans l’écriture d’une nouvelle aventure d’Orion : un projet accueilli avec enthousiasme par le comité Martin au sein des éditions Casterman. Ainsi, plus de 20 ans après sa naissance, « Orion » (série créée également par Jacques Martin) revient en 2011 pour un quatrième épisode.

L’album rencontre un notable succès d’estime et incite le comité Martin à confier à Marc le dessin du personnage d’Alix.

En avril 2013 sortira donc « La Dernière Conquête », suivi de quatre autres opus (à ce jour) qui confirme Marc Jailloux comme l’un des plus solides repreneurs de cette série.

Après une commande pour la collection Un pape dans l’histoire des éditions Glénat associées au Cerf (« Saint Pierre : une menace pour l’Empire romain », sur scénario de Pat Perna), notre artiste se consacre aujourd’hui au « Sang des Valois », en attendant de s’atteler à de nouveaux projets à la hauteur de son talent graphique.

Gilles RATIER 

(1)  Pour en savoir plus sur Marc Jailloux, voir Alix, dans les pas de Jacques Martin en Suisse : qu’il était vert, mon Valais !, « Alix », « Lefranc », « Jhen » : Jacques Martin toujours au top…, Alix : deux albums, un héros !, Marc Jailloux : tradition et modernité…

Ce dernier a également illustré la couverture du très documenté catalogue de la belle exposition « Alix, destination Vesunna » sise à Périgueux jusqu’au 22 novembre, dans le cadre du centenaire de Jacques Martin : https://www.perigueux-vesunna.fr/alix-destination-vesunna.

Sur Christophe Simon, voir « Téhéran, 1953 » : première déstabilisation (et pas la dernière…) d’un pays par les USA !, « Corentin : Les Trois Perles de Sa-Skya » par Christophe Simon, d’après Jean Van Hamme et Mickey, Chlorophylle, Corentin et les autres… : encore vivants !.

Raphaël Morales, quant à lui, publie enfin ses « Pharaons d’Alexandrie » le 10 novembre prochain, également chez Glénat.

Pour terminer, vous saurez tout bientôt sur Jacques Martin avec la monographie que lui a consacrée Patrick Gaumer aux éditions Casterman et qui sortira le 10 novembre : « Jacques Martin, le voyageur du temps ». 

« Le Sang des Valois T1 : L’Homme du fleuve » par Marc Jailloux et Didier Decoin, sur une idée de Jérôme Clément

Éditions Glénat (14,50 €) — EAN : 978-2-344-03986-1

Marc Jailloux entre Jérôme Clément et Didier Decoin.

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