Les débuts prometteurs d’une belle saga de fantasy : « La Moïra » va frapper trois fois…

Il y a 20 ans déjà, la trilogie « La Moïra » d’Henri Lœvenbruck connaissait un beau succès en librairie. C’est Lylian, un des scénaristes les plus appréciés des pages jeunesses de notre site, qui a adapté la trame de ces romans pour le dessin souple et précis de la néophyte Raka. Adaptation réussie ; vous aurez beaucoup de plaisir à découvrir ou redécouvrir en bande dessinée, un univers d’heroic fantasy original et vite addictif.

Dans une Irlande alternative, à une époque lointaine, commence ce récit légendaire qui s’ouvre ainsi : « En cette ère que l’on nomme le troisième âge, quelque part, aux confins extrêmes de Gaelia. » Nous suivons d’abord la fin de la quête d’un vieux druide. Aldero sait, en entrant dans un vaste palais souterrain, qu’il s’engage pour l’ultime combat de sa longue existence. A l’issue d’une vie aventureuse, il dépose ses armes de métal avant de rentrer dans l’antre du mal où règne Maolmòrdha, car celui-ci ne craint ni l’épée ni la flèche. Aldero perd son dernier combat et avant de mourir il donne le nom du dernier adversaire de Maolmòrdha. Celui qui veut détruire le conseil des druides pour s’emparer du pouvoir envoie un guerrier sans pitié sur les traces d’Ilvain Iburan.

La Moïra T1 page 3

Dans le même temps, dans un village sans histoire, la toute jeune orpheline Aléa doit voler sa nourriture pour survivre. Cela déplait évidemment aux commerçants qui la chasse un temps du bourg fortifié. C’est dans la lande qui jouxte la cité qu’elle découvre la main décharnée d’un cadavre enseveli sous du sable.

Elle s’empare d’une belle bague sertie d’une pierre précieuse et court apeurée se réfugier dans une auberge. Le couple de restaurateurs décide de l’employer. Aléa est satisfaite de sa nouvelle vie plus apaisée jusqu’au moment où se révèle à elle des pouvoirs surnaturels. Son destin ou Moïra est à jamais changé, elle part sur les chemins protégée par un nain et un druide bienveillant.

C’est dans une forêt proche que nous trouvons le troisième personnage important de la série. Une jeune louve blanche est chassée de sa meute car elle s’est accouplée avec un mâle, défiant par là même la domination de la femelle alpha. Imala se réfugie dans une grotte dont elle fait sa tanière pour mettre bas une portée de louveteaux.

Mais la meute est sur sa trace et massacre ses petits pendant qu’elle est partie chasser. En silence, elle s’éloigne pour toujours de ce lieu maudit et s’approche à la nuit tombée d’un feu de camp où discutent trois Verticaux  : un druide, un nain et une jeune fille.

Le village d'Aléa...

Aléa.

Rassurez-vous ces trois récits enchâssés se lisent facilement. Se dévorent, pourrions-nous dire, tant Lylian a adapté avec une grande fluidité le premier volume de la série de romans écrits par Henri Lœvenbruck. Nous vous avons vanté de nombreuses fois dans notre rubrique ses qualités d’écriture pour « La Quête d’Ewilan », « La Famille fantastique », « Meto », « Titouan », « Les Géants » ou plus récemment avec « Les Mondes d’Ewilan ».

Dans les 64 pages de ce volume d’exposition, il réussit à présenter toute une galerie de personnages avec des caractères parfois complexes, sans rien dévoiler du déroulement du récit dans les volumes suivants. La qualité du scénario se retrouve aussi dans le déploiement d’une intrigue qui ne se limite pas aux habituels combats récurrents entre peuples différents comme dans de nombreux albums d’heroic-fantasy. « La Moïra » est un album riche, un véritable récit d’initiation qui se déroule dans un univers de légende riche, on y trouve aussi bien des scènes de combats mortels que des séquences d’émotions avec tendresse et amours véritables.

Aléa chassée du village...

Formée à la Scuola de Comics de Jesi dans la région d’Ancone, Raka est une artiste italienne qui s’est fait connaitre sur internet et par des fanzines en France. La maturité de son trait est surprenante pour son premier album édité. À la fois simple, expressif pour les visages et précis pour des décors travaillés, son dessin crée des ambiances différentes suivant les séquences du récit ; de la violence du premier combat à la douceur charmante de la vie villageoise. Coup d’essai réussi dans le monde de la BD pour cette jeune autrice transalpine.

Le destin modifiée d'Aléa...

Et la Moïra me direz-vous, qu’est-ce que c’est ? Les hellénistes savent que ce mot signifie à la fois destin, portion ou lot. C’est-à-dire qu’il renvoie à la conception grecque du destin, c’est la loi même de l’univers à laquelle il faut se conformer. Transgresser la Moïra, c’est commettre l’hybris, la démesure qui sera sanctionnée par les divinités. Tous les personnages de cette saga sont évidemment marqués par la Moïra, à l’exception peut être de la jeune fille dont le nom – Aléa – désigne un événement imprévisible.

La louve blanche Imala...

Imala.

Fatalité divine, tragédie humaine de personnages qui veulent maitriser leur destin et aléas divers dans un monde d’heroic-fantasy celtique sont au riche menu des prochains volumes de cette série qui commence sous les meilleurs auspices.

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Laurent LESSOUS (l@bd)

« La Moïra T1 : Pas la force » par Raka et Lylian d’après Henri Lœvenbruck

Éditions Glénat (15,50 €) – EAN : 978-2-344-02988-6

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