Dans le cinquième volume de ses aventures, « Le Grimoire d’Elfie T5 : Les Reflets de Walpurgis », la jeune Elfie découvre le marais poitevin (entre La Rochelle et Niort) et des festivités réservées aux magiciens et sorcières depuis le temps de la mystérieuse fée Mélusine. Une nouvelle enquête pour la jeune adolescente, avec l’apport non négligeable de son grimoire magique, à l’issue de laquelle elle en aura appris beaucoup sur les dangers contemporains qui guettent cette zone humide remarquable et sa propre famille.
Lire la suite...Jean Pape : l’homme aux deux casquettes…
Jean Papazian plus connu sous son nom d’auteur, Jean Pape, a été, tout au long de sa carrière, l’homme à l’unique éditeur et aux deux casquettes. Il a toujours travaillé pour la SFPI (Société française de presse illustrée), à la fois animateur de la rédaction, dessinateur et scénariste. Près de 40 années passées au service de la bande dessinée, dont, hélas !, bien peu de lecteurs conservent le souvenir…
Jean Papazian est né le 30 mai 1920 à Smyrne (devenu depuis Izmir) en Turquie. Ses parents étant des rescapés du génocide arménien, il voit le jour un mois après le décès de son père, alors âgé de seulement 30 ans.
Il gagne la France avec sa mère en 1925, réside dans un premier temps à Aubenas, puis à Choisy-le-Roi en banlieue parisienne. Passionné depuis toujours par le dessin, il obtient une bourse qui lui permet de rentrer à l’École d’art et des techniques publicitaires.
En 1939, à la recherche d’un emploi, il devient lettreur dans un studio de cinéma spécialisé dans les génériques de films.
Deux ans plus tard, il est embauché comme lettreur des bandes dessinées d’origines étrangères publiées par Hurrah ! et L’Aventureux : deux hebdomadaires publiés par les éditions Mondiales de Cino Del Duca. Peu après, il y est nommé secrétaire de rédaction, recevant les auteurs prestigieux de ces temps lointains : René Giffey, Raymond Poïvet, Paul Derambure, Rémy Bourlès…
Sa première bande dessinée, due aux circonstances de l’époque, est publiée dans L’Aventureux : une demi-page du « Robin des bois » d’origine américaine n’étant pas parvenue à la rédaction, c’est lui qui se propose pour la réaliser au pied levé, le temps d’un week-end. Il quitte bien malgré lui Del Duca, qui l’apprécie pourtant, pour l’Autriche, contraint d’y effectuer son Service du travail obligatoire (S.T.O.). Il ne perd pas complètement son temps, puisqu’il en revient avec une jeune épouse.
De retour en France, en 1945, il dessine des couvertures de romans populaires pour les éditions Damour (« Le Pétrole sanglant » de Georges Rhody), des maquettes, des illustrations pour Sagédition… En 1946, il réalise quatre fascicules de récits complets publiés jusqu’au début 1947 dans la collection À travers le monde de la Société générale d’éditions (SGE) : « Kansas Bill », « Panique dans la jungle », « Alerte à Shanghai » et « La Mine d’argent ».
C’est en présentant le projet d’un journal (qu’il a conçu sous le titre Boum) qu’il est embauché sur le champ par Jean Chapelle au poste de chef de fabrication de Jeudi magazine : l’hebdomadaire qu’il a lancé peu de temps auparavant, le 6 juin 1946. Il devient rapidement l’homme à tout faire de l’éditeur.
Il confiera à Guy Lehideux dans le n° 86 du Collectionneur de bandes dessinées (été 1998) : « Il faut savoir que Monsieur Jean Chapelle ne connaissait rien à la bande dessinée. C’était avant tout un commerçant. De surcroît, il était président des éditeurs de presse enfantine. Il me disait souvent : “Je ne sais pas tenir un crayon, je ne sais pas faire la cuisine, mais je sais manger !” Il prétendait trouver en moi un dénicheur de talents. Je ne lui ai jamais ciré les bottes comme certains, et il appréciait mon comportement… Il me disait souvent : “vous défendez les intérêts des pigistes mieux que les vôtres”. Il considérait que je devais travailler en exclusivité pour lui. ». Et effectivement, de sa rentrée à la SFPI à la fin 1946 jusqu’à son départ à la retraite en 1980, il n’a jamais, ou si peu, publié une page chez un autre éditeur.
L’homme à tout faire de la S.F.P.I.
Le travail principal de Jean Pape consiste à s’occuper de la réalisation technique des journaux publiés par la SFPI : maquette, lettrage, mise en page, recherche des dessinateurs, achat du matériel étranger… Au début, Jeudi magazine (lancé en 1946, puis ayant fusionné avec France-Soir jeudi, rapidement devenu Zorro au n° 39) est l’unique journal publié par Jean Chapelle. D’autres titres suivent rapidement, remplacés peu à peu, à partir de 1953, par les revues de formats de poche. Jusqu’à trente titres seront proposés au cours des années 1950/1960 : Bimbo, Dennis, Bison noir, Caramba, Arc en ciel, Aigle d’or, Tartine, Popeye, Geppo, Teddy, Cap 7, M. 15, Kwaï, Olac, Titan, Signe de piste, Érik le viking, Ajax, Amigo, Kébir, Alamo… De quoi largement occuper son homme. Mais pas Jean Pape qui entend bien conserver un peu de temps libre afin de s’adonner à sa passion : la bande dessinée. Dans un premier temps, il dessine les titres des histoires de ses confrères : « Lieutenant X » de Roubinet…, mais aussi un « Zorro » brandissant en Une du journal un révolver qui effraya les censeurs alors très vigilants.
Jean Chapelle ayant acheté les droits de publication en France du « Corentin » de Paul Cuvelier (à l’époque, il n’existait pas encore d’édition française du journal Tintin), il reproduit sur calques au trait les pages en couleurs, afin d’éviter les frais de photogravure alors très élevés. La mention d’après P. Cuvelier est ajoutée à la demande des éditions du Lombard. Notons que la série publiée sous le titre « Robin l’intrépide » à partir du n° 102 (16/05/1948) sera longtemps poursuivie par André Oulié, dès le n° 145, mais parfois aussi par Moreau de Tours et Pierre Chivot… dont quelques épisodes sont repris par l’hebdomadaire Bimboen Belgique.
O’Brien : un nom, trois héros
Cette expérience convaincante sur « Corentin » incite son patron à lui proposer de lancer sa propre histoire dans l’hebdomadaire Zorro. Dans le n° 120, commence « La Fille du soleil maya », suivi par « Échec au Soleil levant ». Ce récit qui prend fin dans le n° 141 met en scène le sergent O’Brien aux prises avec les troupes japonaises au cours de la guerre du Pacifique.
Ce n’est qu’une mise en jambe, puisqu’O’Brien poursuivra ses aventures jusqu’en 1967, tour à tour officier de l’armée américaine dans le Pacifique, espion, puis agent secret du MI5 en Allemagne et en Europe pendant la guerre froide, enfin détective de Scotland Yard. Inspiré par l’acteur américain Pat O’Brien, le héros de papier possède un flegme tout britannique, une bonne dose d’humour et un courage sans faille face à l’adversité. Le trait de Jean Pape est précis, réaliste, influencé par Alex Raymond et Milton Caniff, mais aussi par John Prentice dont il découpe les strips de « Rip Kirby » dans la presse. Sous le titre « Sergent O’Brien », l’épisode suivant qui dépasse les 20 pages débute dans le n° 142 (28/02/1949) sur une grande page.
« L’Honorable Mister Harold », troisième aventure qui commence dans le n° 175 (16/10/1949) se déroule à Chicago aux États-Unis, où notre héros traque les voleurs des plans d’une bombe volante.
Retour dans le Pacifique au cœur de la jungle des Philippines avec « Mindanao », publié du n° 187 (08/01/1950) au n° 206.
On revient à l’espionnage dans « Le Secret du professeur Farrell » du n° 214 au n° 244 (11/02/1951). Le héros, le plus souvent solitaire, est ici accompagné par son ami Bouly.
Suivront « Le Pirate de l’océan », « Le Rayon noir », « Les Évadés de l’enfer », « L’Heure H », enfin « Sombre Prélude » où O’Brien rejoint Scotland Yard. Cet épisode commence dans le premier numéro de la nouvelle formule du journal baptisé Zig-Zag-Zorro (décembre 1952) sous le titre « Les Enquêtes du sergent O’Brien », puis « Les Enquêtes de l’inspecteur O’Brien ».
Cette nouvelle histoire est réalisée par Jean Pape avec le concours au scénario de Michel Robineau, fils de Marc Robineau : un autre scénariste maison qui signe aussi de nombreux articles sous le pseudonyme Marco Rob. Sous le titre « Dernier Atout », elle démarre dans le n° 66 (janvier 1954) de l’hebdomadaire devenu L’Invincible.
« Un mystérieux coffret », « Le Trésor de Lasting », « L’Ombre maudite », « Zone interdite », « L’Idole aztèque », « Le Suspect »… suivent sans interruption jusqu’à la disparition du journal au n° 144 (3° trimestre 1955).
Le personnage est également présent, depuis avril 1953, dans la formule en format de poche de Zorro, mais l’inspecteur de Scotland Yard cède sa place à l’agent secret O’Brien qui, pendant la Seconde Guerre mondiale, travaille pour le M. 15.
À l’occasion d’une nouvelle formule du poche Zorro lancée en novembre 1955, après la disparition de L’Invincible, l’inspecteur O’Brien est de retour pour de nombreuses enquêtes qui se poursuivent jusqu’au n° 140 (février 1967) de la revue, laquelle propose des reprises de temps à autre.
Une cinquantaine d’épisodes sont publiés, majoritairement écrits par Michel Bergerac : « Les Pirates du désert », « Alerte aux torpilles », « Sabotage à Bombay », « L’Espion de Séoul », « Le Rapt », « Dans les griffes du Dragon »… Animé pendant 20 ans par Jean Pape, O’Brien est son héros le plus emblématique.
Un magazine au format classique portant son nom est proposé en 1953, comptant 15 numéros et présentant surtout des reprises.
Non content de porter trois casquettes, O’Brien n’hésite pas à changer de patronyme dans M.15 : mensuel de poche publié de décembre 1965 à mai 1967, spécialisé dans la reprise d’histoires déjà publiées dans d’autres magazines de la SFPI.
Certains anciens épisodes d’« O’Brien » se déroulant au temps de la guerre froide deviennent, après quelques modifications, « Les Enquêtes de Brady » : « Via Berlin », « La Bataille de Cyrénaïque », « Réseau Est »… Un bel exemple de recyclage !
D’autres épisodes sont réédités dans le trimestriel Zorro spécial de 1963 à 1967.
Seconds couteaux
Tout en réalisant les aventures d’O’Brien, Jean Pape trouve encore le temps de mettre en scène d’autres personnages aux destins plus brefs. C’est le cas de Mic Arsène, sympathique journaliste farfelu de L’Écho du jour : héros d’enquêtes policières imaginées par Jean Pape.
Ses aventures, en compagnie de son truculent adjoint Paname, démarrent en 1957 dans le format de poche Dennis : « Destination Cherbourg », « L’Ombre du dragon », « Un certain monsieur Moto », « Bunker 13 », « Le Secret du professeur Goro »… D’autres épisodes sont ensuite publiés par Bison noir et Cap 7, principalement des rééditions.
O’Brien n’est pas le seul agent secret né sous son crayon. Cap 7, le mensuel par excellence de l’espionnage, en présente deux autres : « L’Agent secret Brent » imaginé avec Michel Bergerac, copie conforme d’O’Brien, la mèche sur le front en moins. Ses quelques aventures sont publiées brièvement par Yowa, puis par Cap 7 en 1962 et 1963 : « Latitude zéro », « Réseau Est », « Alerte au Kenya »… Agent du Yard, Brent, le regard dissimulé par des lunettes noires, traque les espions venus de l’Est.
De 1962 à 1965, Dan Jerry, méhariste ancien combattant français de la campagne d’Afrique, parcourt les déserts d’Afrique orientale venant en aide au major Pinkerton. Une dizaine d’épisodes au ton original sont imaginés par Jean Pape : « Les Scorpions d’Arabie », « La Piste du haschich », « Échec à l’émir », « Le Rapt dans le désert »…
Grand admirateur de « Jim la jungle », il crée deux brèves séries dont les héros sont des broussards : à commencer par « Jim Gordon », mettant en scène un célèbre chasseur de fauves, dont les aventures aux prises avec les trafiquants de tous poils sont proposées à partir de 1955 par Zappy, Teddy et Dennis.
Dans le même registre, le chasseur King Horn, accompagné par son boy Lomé, voit le jour dans Yowa en 1958, puis passe dans Cap 7, le temps de vivre quelques aventures en 1962-1964. Notons quelques rééditions dans M.15.
Terminons avec une participation à la collection Signe de piste où il adapte, en 97 pages, le roman de Jean Lozi : « Le Commandant ». Parution dans le n° 8 de décembre 1969 dont la couverture est signée Pierre Joubert.
Et Zorro est arrivé !
André Oulié (1892-1982) dessine pour l’hebdomadaire Zorro, dont il fut le rédacteur en chef (puis pour le pocket du même nom), les aventures de Don Diego de la Vega à partir de l’épisode « Zorro contre X » débutant dans le n° 41 en 1947.
Ayant décidé de prendre sa retraite en 1966, Jean Chapelle propose à Jean Pape d’en assurer la suite, tout en modernisant le personnage. Il accepte le défi, s’inspirant des protagonistes du feuilleton produit par Walt Disney qui, à l’époque, cartonne sur l’unique chaîne de la télévision française.
À propos des droits, Jean Pape confie à Guy Lehideux : « Chapelle n’a jamais payé un seul droit… Nous avons écrit à Disney qui n’a jamais répondu. Jean Chapelle était un grand ami de Paul Winkler (Opera Mundi, et donc Disney). Ils ont dû avoir un arrangement. De même, le patron n’a jamais payé de droits pour “Popeye” que distribuait Opera Mundi et que nous avons publié en petits formats. ».
Le même Paul Winkler publie dans son Journal de Mickey l’adaptation BD US par Alex Toth des films de « Zorro », dont les droits du personnage ont été rachetés par Disney en 1958.
Et, plus cocasse encore, des aventures inédites du héros masqué dessinées par Robert Rigot y sont présentées de 1974 à 1977… En même temps que celui de Jean Pape. Heureux temps pour les éditeurs où la notion de droits d’auteur était bien floue.
Le premier épisode des « Nouvelles Aventures de Zorro » réalisé par notre dessinateur est publié dans le n° 141 (février 1967) et compte 40 pages.
« Le Village condamné », écrit par F. Prévot, permet à Jean Pape de se faire la main sur les divers protagonistes présents dans le feuilleton.
Son trait aux noirs plus appuyés, aux décors plus précis, plus dynamique aussi, a de quoi ne pas dépayser les jeunes téléspectateurs.
La parution se poursuit au rythme mensuel jusqu’au n° 153 (février 1968) et ultime de la série.
Le même mois, sort le premier numéro d’une nouvelle formule mensuelle du pocket Zorro qui présente un dos carré. Les récits passent à 110 pages, mais avec seulement deux ou trois dessins par page. Les scénarios sont signés Jean Pape, Paul-Henri Plantain, Jean-Marie Nadaud, Marijac, Oki, Yves Chéraqui, Michel Hébert…
Publiée jusqu’en février 1977, la série compte 107 numéros : tous dessinés par Jean Pape, couvertures comprises. Au fil des parutions, notons : « Le Signe de Zorro », « Le Testament », « Zorro joue banco », « Les Otages », « L’Usurpateur », « Le Proscrit »… et pour conclure « Pour une poignée de pesos » dans le n° 107 et dernier. Au fil des épisodes, Jean Pape modernise son trait subissant l’influence des nouveaux venus dans le western que sont Jean Giraud ou Victor de la Fuente.
Une nouvelle série est lancée en février 1977 avec un format plus grand, dont les dessins sont confiés au studio italien de Nicola Del Principe (1927-2002) et pour quelques épisodes à Maxime Roubinet. Jean Pape n’apparaît pas dans cette série qui prend fin en 1983.
On lui doit quelques épisodes inédits de 1977 à 1983 dans les hors-séries Zorro géant : « La Pierre qui bouge », « La Course au trésor », « La Rançon », « Juan Maldido »…, dans Zorro super poche ou encore « Le Masque d’or » dans un Zorro spécial poster en 1980.
Jusqu’en 1986, le personnage à l’agonie est présent dans des fascicules édités par DPE de Jean-Clément Bismuth, par Greantori de Nicole Rusconi et enfin par les éditions de la Page blanche de Claude Convert.
Les aventures publiées dans ces journaux sont en grande partie des reprises d’histoires de Jean Pape, souvent remontées, provenant des anciens titres.
Il faut attendre 2014 pour trouver un album cartonné de qualité réunissant des épisodes de Zorro réalisés par Jean Pape, sur scénario de son frère André Papazian : « La Rançon » chez Trois L éditions, puis deux autres aux éditions Varou : « L’Enlèvement de Juanita » en 2016 (préface de François Corteggiani) et « Les Espions » en 2018.
Jean Pape n’aura travaillé qu’une seule fois pour un autre éditeur. Il s’agit de deux courtes histoires à l’ancienne avec les textes placés sous les images réalisées en 1953 pour Jeunesse et Missions (modeste bimensuel proposé par l’œuvre pontificale de la propagation de la foi) : « Tony » et « Gaby et Mouloud ».
Retraité en 1980, après la brutale mise en liquidation judiciaire de la SFPI, Jean Pape est décédé à 82 ans : le 8 novembre 2002, en Basse Normandie où il s’était retiré auprès de son fils.
L’évocation de sa riche carrière de dessinateur ne doit pas faire oublier son rôle de secrétaire de rédaction de la SFPI (officialisé seulement en 1970) qui lui a permis de participer au lancement de quelques belles pointures de la bande dessinée : Jean-Claude Forest, Lucien Nortier, Martial, Maxime Roubinet, Guy Marcireau, Mic Delinx, Pierre Le Goff, Marcel Radenen, Claude-Henri, Pierre Dupuis, Jean Marcellin, Ramon Monzon, Francis Bergèse…
On peut estimer à plus de 15 000 le nombre de pages dessinées par Jean Pape qui n’a pas le moindre lien familial avec le Belge Eddy Paape.
Henri FILIPPINI
Relecture, corrections, rajouts, compléments d’information et mise en pages : Gilles RATIER
Maintenant, vous nous devez un article sur André Oulié – l’autre dessinateur français de Zorro…