Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Érotisme et fantastique chez Félès…
Les jeunes éditions Félès nous proposent en cette fin d’année deux voyages : l’un, érotique, vers le Japon de la fin du XIXe siècle ; l’autre, fantastique et contemporain, au Cameroun. Dans les deux cas, deux nouveaux dessinateurs, particulièrement efficaces, à découvrir…
« Shunga », c’est l’histoire d’une femme (Ukiyo) qui a « peur d’aimer » (c’est d’ailleurs le sous-titre de l’album). Refusant toute sexualité, le mari qu’elle n’a évidemment pas choisi, la répudie. Autant dire que la honte s’abat sur sa famille tout entière et qu’elle est obligée de quitter le village. Ukiyo, enseignante, est également bannie de l’école.
Ukiyo est donc contrainte d’aller vivre chez une tante à Kawasaki, ville connue alors pour son pèlerinage célébrant les dieux de la fertilité, tous les ans, en avril. Lors de « l’anamara matsuri » (ou « fête du pénis de fer »), on y promène dans les rues, aujourd’hui encore, d’immenses pénis. Sa cousine Stami la prend en main et va tout faire pour qu’Ukiyo accepte son corps et retrouve le plaisir des sens. Bains, massages et sexualités énergiques vont pousser l’héroïne à comprendre les raisons de son apparente frigidité et le lecteur à entrer dans son histoire.
Cet album très hard, évidemment pour adultes, est cependant dessiné avec beaucoup d’élégance. Les couleurs, très douces font volontairement écho au style des grands maitres des estampes japonaises, notamment pour les paysages et le choix des teintes. Les références sont d’ailleurs explicitées dans l’interview finale où Katsukazan, auteur japonais à la personnalité complexe, explique ses choix et sa méthode de travail. Pour être plus précis, il faut savoir que le terme shunga désigne une estampe japonaise érotique, et que le mot ukyio renvoie au plaisir (plus de détails sur Wikipedia).
Autre destination, autre ambiance, avec l’histoire de Jacques Mékamgang, chercheur internationalement reconnu pour son expertise en physique des matériaux à mémoire de forme, que son passé rattrape un jour, à Lausanne, sous la forme d’un spectre terrifiant, le Mpoue, qui l’a tourmenté durant toute son enfance au Cameroun. Cauchemars et apparitions surnaturelles ramènent cet homme de science à ses origines, voire à sa culpabilité d’expatrié.
Martini Ngola, auteur camerounais dont c’est le premier album, réalise un sans-faute. Les décors africains et les scènes fantastiques sont particulièrement bien travaillés. Quant à la scénariste, Blanche Lancezeur, on a ici même souligné la qualité de son premier album « Ourmiah Requiem », paru cette année également. Enfin, pour en savoir un peu plus sur les éditions Félès, consulter leur site, tout simplement.
Didier QUELLA-GUYOTÂ ; http://bdzoom.com/author/DidierQG/
[L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook.
« Shunga : la peur d’aimer » par Katsukazan
Éditions Félès (19 €) – EAN : 9782956781493
« Le Mpoue » par Ngola et Lancezeur
Éditions Félès (18 €) – EAN : 9782956781479
On a pas fini d’entendre parler des auteurs africains! Le 9ème art se développe en particulier dans toute l’Afrique de l’ouest, à suivre…