Redécouvrez « L’Appel de Cthulhu ! »…

Il serait prétentieux de dire que tout le monde connaît l’œuvre majeure de Lovecraft, mais il est certain que « L’Appel de Cthulhu ! » fait aujourd’hui partie des grands classiques de la littérature. Thierry Smolderen et Alexandre Clérisse ont même surfé sur ce phénomène pour leur livre rempli de références aux années quatre-vingt  : « Une année sans Cthulhu ». Mais qui a réellement lu le récit original de Howard Phillips Lovecraft, et qui s’est intéressé à ses autres écrits ? Gou Tanabe fait partie de ces personnes ! Passionné, il a entrepris de mettre en images, de la manière la plus respectueuse possible, les récits fantastiques de ce maître de l’étrange.

Le récit débute en 1962. Francis Thurston est l’unique héritier de son oncle. Un homme bien étrange qui a collecté durant de nombreuses années des documents liés à une secte qui remonterait à l’origine de l’homme  : le culte de Cthulhu. La suite entraînera le lecteur à la découverte des événements surnaturels entourant ce culte morbide.

Mort à seulement 46 ans, Howard Phillips Lovecraft n’a jamais eu un grand succès de son vivant. Il s’est mis à écrire alors qu’il sombrait dans la pauvreté. Ses récits horrifiques sont notamment publiés dans le magazine Weird Tales (Contes étranges en français). C’est ce que l’on appelait à l’époque les pulps : des revues sur un thème récurrent, peu onéreuses, au papier assez bas de gamme, et remplies par de multiples auteurs souvent ignorés des lecteurs à l’époque, même si certains sont aujourd’hui reconnus. Un seul recueil sera publié de son vivant  : « The Shadow Over Innsmouth » (1). Et encore, en 1936, l’année qui précède son décès. Souffrant de malnutrition, il meurt d’un cancer de l’intestin le 15 mars 1937. Néanmoins, s’étant lié d’amitié, grâce à ses nombreuses correspondances, avec d’autres écrivains, son univers a continué à vivre au travers de nouveaux récits piochant des anecdotes, des lieux ou des figures mythologiques au gré des propres créations de ses amis. Connu sous le nom de Lovecraft Circle (le cercle de Lovecraft), ce groupe va valoriser et faire connaître les innombrables récits étranges d’H.P. Lovecraft. Celui-ci étant aujourd’hui reconnu comme un écrivain majeur du XXe siècle et comme une source d’influence certaine pour tous les amateurs de fantastique.

Gou Tanabe, un mangaka peu connu en France (2), s’est lancé dans le projet ambitieux de mettre en image les romans de Lovecraft. « L’Appel de Cthulhu ! » est le quatrième récit publié en français après « Les Montagnes hallucinées ! » en deux volumes, « Dans l’abîme du temps » et « La Couleur tombée du ciel ». Cette collection est présentée sous une couverture imitation cuir marquée à chaud du plus bel effet. Une présentation, à la fois luxueuse et vintage qui correspond bien à l’atmosphère des histoires contées. Pour « Cthulhu », la couleur du faux cuir choisie est un rouge cramoisi dont les parties embossées sont, comme toujours, remplies de noir. Ces couvertures en bichromie sont à l’image du texte présenté, sombre et mystérieux.

Gou Tanabe est un dessinateur réaliste. Oubliez les grands yeux larmoyants, les cheveux hirsutes ou les effets de vitesse à outrance. Si elle était publiée en couleurs et dans le sens de lecture occidentale, on ne devinerait pas qu’il s’agit d’un manga. Le dessin de Tanabe ne cherche pas à sortir du lot pour en mettre plein la vue : il cherche avant tout l’efficacité et le respect des écrits originaux. Sa représentation de la créature de Cthulhu est conforme aux images que l’on connaît depuis près d’un siècle. Tout en étant sobre, le graphisme reste efficace et sait mettre en avant la dynamique morbide et le mal être que le lecteur peut ressentir à la lecture de Lovecraft.

Cette collection est déjà plébiscitée en France puisque, en 2019, Gou Tanabe a reçu le Grand Prix ACBD Asie pour « Les Montagnes hallucinées » lors de Japan Expo. Ce diptyque publié cinq ans après « L’Appel de Cthulhu » revient sur la genèse des Grands Anciens qui sont longuement évoqués dans les différentes Å“uvres de Lovecraft.

Si le mythe de Cthulhu a largement été exploité dans la littérature ou la bande dessinée, personne n’avait, jusqu’à présent, tenté de créer une collection illustrée de la sorte axée sur les œuvres de Lovecraft. Ce quatrième volume, un énorme roman graphique de près de 300 pages, est sûrement le plus emblématique de la série. Une fois que l’on y a goûté, on n’a qu’une hâte, obtenir les autres tomes qui, une fois rassemblés, sur les étagères de la bibliothèque, intrigueront avec leurs couvertures originales à côté de centaines d’autres mangas aux dos bigarrés et finalement bien banals.

Gwenaël JACQUET

« L’Appel de Cthulhu » par Gou Tanabe
Éditions Ki-oon (17 €)  - EAN : 979-1032706633

(1) « Le Cauchemar d’Innsmouth » ne sera publié en français qu’en 1954 dans « La Couleur tombée du ciel », recueil n° 4 de la collection Présence du futur des éditions Denoël.

(2) Kana avait publié l’un de ses diptyques  : « Kasane » en 2010. Un récit déjà fantastique et noir qui préfigure bien l’énorme travail réalisé sur l’œuvre de Lovecraft.

Illustrations ©Tanabe Gou 2019 / KADOKAWA CORPORATION & © Tanabe Gou 2019 / ACBD

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