Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Bretécher : son histoire d’amour avec L’Obs !
Claire Bretécher fait son entrée dans les pages du n° 466 du Nouvel Observateur daté du 15 octobre 1973. Pendant sept ans, la page des « Frustrés » tournera en dérision les lecteurs de l’hebdomadaire de gauche. Aujourd’hui, L’Obs rend hommage à la dessinatrice disparue qui fut son icône pendant 35 ans, jusqu’en 2008.
La célèbre photo réalisée en 1978 par Michel Queneville pour F Magazine orne la couverture de cet excellent numéro hors-série de L’Obs qui lui est dédié, sous le titre « Le Destin de Claire ». Un numéro passionnant et quelque peu différent des autres hors-séries consacrés à des auteurs de BD. Le voyage commence par une visite guidée de l’atelier de l’artiste par Arnaud Gonzague, accompagné par Martin (le fils de Claire) et du constitutionnaliste Guy Carcassonne (son compagnon depuis 1983) : un pèlerinage émouvant sur les toits de Montmartre dominant Paris illustré par de superbes photos.
Éric Aeschimann, qui dirige ce numéro, et Arnaud Gonzague reviennent sur la vie de Claire depuis sa naissance à Nantes, au sein d’une famille catholique le 7 avril 1940, jusqu’à son décès à Paris le 11 février 2020. C’est ensuite sa carrière, dominée par une féroce passion de dessiner, qui est évoquée : de ses débuts discrets dans la presse jeunesse jusqu’à L’Écho des savanes, en passant par Pilote. Un long chapitre est bien sûr consacré à sa longue collaboration au Nouvel Observateur, avec la reprise d’un texte de Gotlib et d’une préface de Jean Daniel : l’homme qui lui a ouvert les pages de l’hebdomadaire politique.
« Les Frustrés », « Sainte Thérèse d’Ávila », « Les Mères », « Le Destin de Monique », « Docteur Ventouse » et bien sûr la délurée « Agrippine » sont bien entendus présents par le texte, mais aussi avec la reprise d’un choix d’une vingtaine de pages de BD.
Ruth Valentini, Guy Sitbon et Olivier Todd, qui l’ont bien connue à la rédaction, reviennent sur les passages hebdomadaires et discrets de la dessinatrice au journal. Sept dessinateurs parmi les meilleurs de la génération des romans graphiques lui rendent hommage avec de belles pages inédites :Riad Sattouf, Catherine Meurisse, Blutch, Posy Simmonds, Ruppert et Mulot, Catel et Charles Berberian. Enfin, le linguiste Pierre Encrevé évoque l’artiste dans son intimité, peignant sa famille : des tableaux intimes rarement exposés et qu’elle montrait peu hors du cercle familial.
Ce fascicule rempli d’émotion se lit avec plaisir de bout en bout. L’iconographie est riche de documents souvent inédits.
Henri FILIPPINI
Les Hors série de L’Obs n° 104, juin 2020
100 pages en noir et en couleurs (6,90 €), en kiosque.