Dix ans après la parution de « Résurrection », la première partie d’un diptyque accouché dans la douleur, voici enfin « Révélations » : conclusion du dernier récit du regretté Philippe Tome, décédé alors qu’il travaillait sur les dernières pages de son scénario. Les éditions Dupuis proposent, enfin, l’intégralité de cette aventure magistralement dessinée par Dan Verlinden, digne successeur de ses deux prédécesseurs : Luc Warnant et Bruno Gazzotti.
Lire la suite...Sortez de votre confinement : visitez d’improbables musées avec l’ours Barnabé…
L’ours Barnabé quitte sa campagne pour déambuler dans les allées de musées, parcourir intrigué expositions et galeries et même s’essayer à l’art. Imperturbable, le sympathique plantigrade porte un regard sans concession sur l’art moderne. On est ravi de retrouver dans ce vingtième volume de la série Barnabé et ses compagnons, de partager leur joie de vivre, leur humour parfois absurde porté par une ironie bienveillante. Cela autorise évidemment plusieurs niveaux de lecture, l’éditeur affirme qu’il s’adresse aux lecteurs de 6 à 96 ans. De quoi sourire en famille confinée pendant encore un certain temps.
Depuis 1980, en 20 albums, Philippe Coudray donne vie au petit monde de l’ours Barnabé. Ce plantigrade un peu lymphatique vit tranquillement dans un pavillon à flanc de montagne, près d’amis fort différents : une renarde, un kangourou ou un petit lapin. La petite troupe animale vit de courtes aventures en une page, de trois et sept cases, qui n’ont rien de commun avec les fables d’Ésope ou de La Fontaine : pas de morale lénifiante, un humour absurde parfois nonsensique règne en maître sur ce petit univers.
Dans ce vingtième album, Barnabé quitte ses alpages pour se rendre en ville, visiter différents lieux culturels : des musées classiques comme le musée de peinture, le muséum d’histoire naturelle ou le musée des arts décoratifs, d’autres plus orignaux tels les musées de la météo, celui de la contrefaçon ou du microbe. Si Barnabé est surpris de certains travers de l’art contemporain, il n’en laisse rien paraître. Il continue de s’intéresser au processus créatif, pratique la sculpture ou la peinture à l’occasion et s’abime dans la contemplation de la nature qu’il trouve plus belle que tout.
Nous souhaitons une rapide convalescence à Philippe Coudray, atteint par le Covid-19 en début d’année. Guéri de cette attaque virale, l’artiste, bédéaste mais aussi peintre, poursuit une œuvre originale, identifiable du premier coup d’œil. Il joue toujours avec les mots et avec les images. Ce côté ludique de la narration rapproche son travail d’auteurs pour la jeunesse comme Claude Ponti.
Nous ne pouvons que vous recommander la lecture d’une série récompensée fort justement du Prix des écoles lors du festival d’Angoulême 2011 et prescrite pour les élèves de cycle III par l’Éducation nationale. Dans le monde doux et poétique de Barnabé, tout se résout en jeux de mots ou en jeux visuels. Le rejoindre par la lecture est un bonheur toujours renouvelé, une douce addiction dont il est difficile, voire impossible, de se défaire. À vous de vous laisser tenter, si ce n’est déjà fait depuis longtemps !
Chez le même éditeur, La Boîte à bulles, nous vous conseillons la lecture de « Superman n’est pas juif (…et moi un peu) » de Jimmy Bemon et Émilie Boudet. Dans les années 1980, à Nice, le petit Benjamin subit le divorce de ses parents, situation compliquée par le fait que son père est juif et sa mère catholique. Le petit garçon s’interroge alors sur une judéité défendue par un père qui lui assure que Superman est juif, du moins ses créateurs. Il en est tellement fier qu’il clame partout à l’école qu’il est juif avant de faire le lien entre son zizi circoncis et la religion. Il préfère alors cacher son origine. Benjamin grandit ainsi, tiraillé par les contradictions de sa situation, entre une famille sépharade exubérante et une mère rassurante. Devenu adulte il peut enfin s’affirmer face à son père et lui dire qu’il n’est pas juif…tout en priant avec lui lors des regroupements familiaux.
Dans ce récit initiatique le cinéaste Jimmy Bemon raconte avec humour son enfance et son questionnement d’alors sur la religion et sur sa propre identité. Porté par un humour constant cette BD autobiographique bénéficie du trait rond mais vif, sans bordure de case, d’Émilie Boudet. C’est une approche moderne et pertinente de la judéité racontée à la première personne par un enfant. La naïveté propre à l’enfance l’autorise à poser crûment certaines questions. Ce one-shot émouvant est l’occasion de porter un regard à hauteur d’homme sur le multiculturalisme français et sur les difficultés à assumer une double culture. Un moyen métrage éponyme a été tourné par Jimmy Bemon à l’été 2013.
Terminons cette chronique du temps du confinement par une visite du riche site des éditions La Boîte à bulles. On y trouve des fiches pédagogiques très bien faites à destination des enseignants. Par exemples ici, celle de Stéphane Lastère et Armelle Le Béhérec-Thomas sur des planches de « L’Ours Barnabé » et ici l’étude proposée par Alain Demarco à partir de la lecture de « Superman n’est pas juif (…et moi un peu) ».
Vous trouverez aussi sur le site de l’éditeur tourangeaux des albums en lecture numérique gratuite au moins le temps du confinement. Allez donc y faire une visite, cela vous sortira de votre quotidien confiné.
Laurent LESSOUS (l@bd)
« L’Ours Barnabé T20 : Visite guidée » par Philippe Coudray
Éditions La Boîte à Bulles, collection La Malle aux images (9,50 €) – ISBN : 978-2-84953-361-1
« Superman n’est pas juif (…et moi un peu) » par Émilie Boudet et Jimmy Bemon
Éditions La Boîte à Bulles (20,00 €) – ISBN : 978-2-84953-360-4