Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...Ces jours qui disparaissent et vous transforment en tueur…
Nouvelle série sanglante chez Ki-oon, avec l’histoire de ce jeune fils de tueur en série. Sauf qu’il n’est pas comme son père : il a une vie d’étudiant puceau bien simple. Du moins, c’est ce qu’il croit. Après s’être réveillé à côté de l’une des plus belles filles de son bahut, il va comprendre qu’il est sujet à des troubles de la mémoire. Certains jours disparaissent complètement de son subconscient. Cela vous rappelle bien sur l’excellent « Ces jours qui disparaissent » de Timothé Le Boucher, pourtant, la finalité est bien différente, une fois que l’on est plongé dans l’histoire…
Ce dimanche 23 octobre, Eiji vient de perdre à un jeu enfantin, lors d’une soirée entre garçons et filles. Il a droit à un gage et doit donc dévoiler un secret. Il choisira d’avouer qu’il est toujours puceau : ce dont tout le monde se doutait. Dépité, il n’en fait quand même pas un drame et rentre se coucher bien seul. Or, le 24 au matin, il se réveille à côté d’une camarade de classe qu’il ne connaît que de vue. Il se dit qu’il a forcément trop bu et cherche donc à comprendre comment un garçon banal, comme lui, a pu se retrouver dans cette situation. C’est en discutant avec son meilleur ami, qu’il découvre une vérité qui l’effrayait  : il se serait battu avec le colosse du lycée pour défendre cette fille qui, maintenant, lui est tombée dans les bras. Cette victoire, prouvée par les traces ensanglantées sur ses poings, lui a changé la vie. En plus d’avoir une copine, les voyous lui mangent dans la main : il est devenu un vrai caïd, sans comprendre comment. Mais, surtout, il découvre que cette histoire ne s’est pas déroulée hier, car, contrairement à ce qu’il pense, nous ne sommes plus le 24, mais le 27 octobre. Eiji a eu une absence de mémoire de trois jours : étrange…
Le souci pour lui, c’est que cela va se reproduire. Le lecteur va, au fil de l’histoire, découvrir que son père était un tueur en série et, qu’apparemment, durant ses absences, Eiji aurait peut-être repris le flambeau. En tout cas, il s’est fourré dans une histoire qui le dépasse. Bien sûr, la police va s’intéresser à son cas et il va, de son côté, faire sa propre enquête. Celle-ci va l’amener à côtoyer de vrais voyous sanguinaires et ce n’est que le début de ses soucis.
Le scénario assez violent de Hajime Inoryu est soutenu par le dessin réaliste de Shota Ito. Ce dernier n’hésite pas à visuellement détailler les crimes commis. Peu nombreux, ils sont néanmoins, pour certains, exposés en plein page, de la façon la plus crue qu’il soit. Une manière de bien montrer l’horreur des actions commises par le mystérieux tueur que le lecteur ne connaît pas encore, même s’il soupçonne Eiji. Bien évidemment, les séquences intimes sont elles aussi réalistes et joliment travaillées. Elles ne sont pourtant pas si nombreuses et servent avant tout le récit. C’est dans les expressions des personnages que la force du dessin de Shota Ito est la plus visible. Eiji a l’air un peu benêt et ses moments de surprise sont très convaincants, tout comme le dégoûté et la terreur qui se lit sur les différents visages. Cette expressivité renforce l’empathie que le lecteur peut développer pour ces êtres de papier.
À l’instar du roman graphique « Ces jours qui disparaissent » de Timothé Le Boucher, « The Killer Inside » met en scène un héros qui a des absences de plus en plus régulières. Comme si une autre personne vivait dans son corps et l’utilisait à son insu pour commettre des actes qu’il ne ferait pas naturellement. Or, dans l’œuvre de Timothé Le Boucher, cet ersatz ne s’accapare pas ce corps pour commettre des crimes sordides comme le père d’Eji a pu en commettre.
« The Killer Inside » est un thriller surprenant. Comme le héros de l’histoire, le lecteur est constamment dans le doute. Si le fil du récit est bien linéaire et semble facile à comprendre, ce sont ces zones d’ombre, ces jours perdus, qui intriguent. Qui est le copycat à l’origine de ces meurtres ? Est-ce qu’Eji a raison de se sentir coupable ? Est’il un psychopathe qui s’ignore ?
Voilà un manga à l’atmosphère anxiogène, où le lecteur frémit face aux défis qui attendent le héros. Avec la fin, en cliffhanger du premier tome, on n’a qu’une hâte, c’est que le second volume arrive vite entre nos mains.
Gwenaël JACQUET
 « The Killer Inside » T1 par Hajime Inoryu et Shota Ito
Éditions Ki-oon (7,90 €) — ISBN : 979-1032705667