Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Tant qu’il y aura des femmes…
Il n’y a pas d’histoires d’hommes sans histoire de femmes et, qu’on parte à la guerre ou qu’on en revienne, elles sont aux premières loges ! Le problème, quand on en revient, c’est que la vie s’est écoulée en votre absence, qu’elle a pris ses aises et ses malaises, loin des combats, mais tout près des rumeurs, des rancœurs, des jalousies… « Puisqu’il faut des hommes » est, typiquement pourrait-on dire, un de ces récits qui fait mal et qui fait du bien, douloureux et savoureux à la fois…
En pleine guerre d’Algérie, Joseph Fournier s’est porté volontaire pour aller combattre. Il y deviendra maitre d’école, dit-on, mais on saura beaucoup plus loin dans l’album pourquoi ce jeune paysan a accepté de quitter sa terre natale. Quand il revient au village, sain et sauf, il est très vite curieusement habillé pour l’hiver par ses copains, qui le traitent de planqué, de tire au flanc, de lâche. Sauver sa peau est troublant aux yeux de ceux qui n’ont rien pour risquer la leur.
Joseph retrouve son frère qui s’est gravement handicapé dans un accident de tracteur, un frangin malheureux, aigri, qui rêvait de devenir champion cycliste et qui vit à présent dans un fauteuil. Les retrouvailles sont tendues. Le père lui-même n’est pas tendre pour Joseph qui n’est effectivement pas paysan dans l’âme. Sa passion, c’est plutôt la cuisine, l’hôtellerie. Les travaux de la ferme, pourquoi pas, pour aider, mais il découvre que le père a retrouvé les chevaux pour retourner sa terre, qu’il travaille à l’ancienne en cette époque où l’on parle de remembrement et de rentabilité.
Bien sûr, il y a les femmes, Louise, la mère, plus compatissante ; la Mathilde, fille du cafetier, à laquelle Joseph a beaucoup écrit et qui n’a jamais rien reçu ses lettres. Or, elle va se marier ; il y a une autre Mathilde, aussi, qui… mais n’en disons pas plus. Bien entendu, le lecteur le pressent, rien ne s’est vraiment passé comme il apparait au premier abord et l’histoire se défait peu à peu de ses non-dits, de ses faces cachées, des sentiments secrets, des lettres jamais lues, pour notre plus grand plaisir d’autant que le dessin de Pinel, sec, clair, efficace, participe grandement incontestablement à ce plaisir.
Tout cela fleure bon la Mayenne profonde des années 1950, dans ce tournant des années soixante où la politique agricole tente de pousser l’agriculteur à produire plus, quitte à s’endetter énormément… Avec, en arrière-plan, la guerre, terrible, la « pacification », lamentable…
Didier QUELLA-GUYOTÂ ; http://bdzoom.com/author/DidierQG/
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« Puisqu’il faut des hommes » par Victor L. Pinel et Philippe Pelaez
Éditions Grand Angle (15, 90 €) – ISBN : 978-2-8189-6907-6
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