Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...Entretien avec Philippe Aymond au sujet de « Lady S T14 : Code Vampiir »…
Lady S prise au piège de la guerre entre services secrets : une histoire complexe et palpitante… On retrouve Shania-Lady S prisonnière à fond de cale d’un mystérieux et inquiétant sous-marin. Au même moment, l’OTAN teste son nouveau drone sous-marin : le Vampiir, conçu pour aspirer les données numériques. Les ennuis ont donc déjà commencé et vont empirer : les services secrets concurrents effectuent leurs inévitables basses œuvres. Long flash-back, sans ralenti.
Le tome précédent, « Crimes de guerres », laissait Shania-Lady S en partance pour les États-Unis, pour rejoindre son compagnon Conrad, mais aussi pour échapper à l’emprise de la CIA qui l’a utilisée et doublée, ainsi qu’à la police française après le meurtre du dictateur africain qu’elle traînait au Tribunal international. Comment Shania-Lady S a-t-elle finie dans un sous-marin ? Au lieu du repos promis, elle se trouve obligée de répondre à l’appel de sa tante estonienne. Elle accourt, découvrant une parente en perte de mémoire, mais qui l’éclaire sur une partie de son éprouvant passé. Shania est surveillée puis prise par une équipe spéciale, probablement d’agents russes. Wilkins, agent de la CIA du tome précédent, la perd de vue et s’en inquiète, lui qui souhaite la récupérer, pour rattraper son récent échec. Entretemps, les aventures et déconvenues de l’OTAN croisent ces événements, jusqu’à les rejoindre… On ne résumera pas toutes les péripéties et rebondissements, retors à souhait, mais il y a de l’action et de l’occupation pour tous les protagonistes. Le dessinateur au découpage et à la mise en scène efficace et solide, aussi scénariste depuis plusieurs tomes, tisse et croise des fils de plus en plus complexes, pour le plaisir du lecteur, avec dextérité. La grande originalité, au-delà de l’intrigue palpitante et sans répit, réside dans le long retour en arrière sur 3/4 de l’album (37 planches), l’un des plus longs en BD donc. Et ce choix n’entame pas l’action. L’autre point saillant, à ce moment de la série, ce sont les couleurs : tantôt comme auparavant, classiques, pastels, tantôt plus hardies, intenses, tranchées et hétéroclites selon les courtes scènes. Comme si l’on passait de la mise couleurs à la mise en lumière, un peu comme au cinéma.
Du suspense, de l’action bien menée, bien construite… : finalement, un album passionnant et recommandé.
 Entretien avec Philippe Aymond, illustré par des pages crayonnées du tome 14 de « Lady S ».Â
 BDzoom.com : Vampiir, pourquoi ce nom bizarre ?
Philippe Aymond : Je l’ai choisi comme nom pour le prototype de drone sous-marin, car cet appareil aspire les informations numériques des câbles sous-marins, comme un vampire aspire le sang de sa victime. Et si je l’ai choisi, c’est aussi parce que c’est le même mot en estonien qu’en français, Vampiir, mais sans le e, et avec deux i. Ça permettait d’utiliser un mot compréhensible, mais avec ce petit décalage de langue, puisque l’album se passe en Estonie.
BDzoom.com: Comment vous est venue l’idée de ce long flash-back, sur 3/4 de l’album, l’envie de faire un record ?
Philippe Aymond : Le flash-back est là pour deux raisons. La première, c’est que je tenais à ouvrir l’album par une séquence de sous-marin et mettre Lady S dans une situation critique dès le départ. Procédé assez classique, en fait. On espère ainsi attirer le lecteur, qui, du coup, a envie de savoir pourquoi et comment elle en est arrivée là . Et la deuxième raison, c’était un moyen pour introduire en douceur un procédé narratif que je n’avais jamais employé, qui est le monologue intérieur. Depuis un moment, je cherchais un moyen d’humaniser un peu plus Lady S, de lui permettre d’exprimer ses sentiments pour que le lecteur se sente proche d’elle, presque un ami. Et le monologue intérieur est un bon moyen pour ça. Mais il me fallait une structure d’album qui me le permette, sans que ça tombe comme un cheveu sur la soupe. D’où l’idée du flash-back, qui permet à Shania de raconter les événements directement en s’adressant au lecteur.
BDzoom.com: La mise en couleurs est différente, nouvelle, plus hardie. Quelles ont été vos motivations ?
Philippe Aymond : Je me suis retrouvé un peu obligé de les faire les couleurs, car mon coloriste habituel [Sébastien Gérard, NDLR] n’était pas disponible. Si vous les trouvez plus hardies, c’est tout simplement parce que j’ai eu très peu de temps pour les faire, à peine plus d’un mois, et que j’y suis allé sans me poser de questions, avec une grande spontanéité. Je crois que c’est dans ces moments-là qu’on est le plus audacieux, finalement. Quand on a le temps, on se pose plein de questions, on tourne autour du pot, on digresse. Là , il fallait foncer, aller à l’essentiel. Mais en même temps, j’ai pris beaucoup de plaisir à les réaliser. Ça a été un grand bonheur, ce mois de travail. Et mon épouse m’a bien aidé en faisant pour moi toute la préparation des fichiers numériques, les tours de cases, les sélections de zones…
 « Lady S T14 : Code Vampiir » par Philippe Aymond
Éditions Dupuis (12,50 €) – ISBN : 9 782 800 174 396