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Entretien avec Art Jeeno, jeune prodige de la BD thaïlandaise…

03/12/2019
Par Laurent Lessous

La BD thaïlandaise existe ! BDzoom.com a rencontré un de ses auteurs phares, le jeune et talentueux Art Jeeno. Ses bandes dessinées, « Now » puis sa trilogie « Juice », sont publiées aux éditions çà-et-là. Une œuvre centrée sur le mal-être adolescent sublimée par de belles séquences aux couleurs aquarellées. De passage à Angoulême, en janvier dernier, Art Jeeno a bien voulu répondre à nos questions.

Né en 1987 dans le Nord de la Thaïlande, à Chiangmai, Art Jeeno se passionne très vite pour le média bande dessinée. A partir de 2011, il publie une dizaine de livres bientôt traduits dans plusieurs pays et même primés au Japon.

Les Éditions çà-et-là font connaitre depuis deux ans son travail en France. D’abord avec « Now », un brillant exercice de style, jugez-en un peu : c’est une BD muette réalisée en 100 jours avec pour sujet une jeune femme seule dans un espace blanc, sans murs, entièrement vide à l’exclusion d’une porte, qu’elle n’arrive pas à ouvrir !

Vient de sortir le troisième volume de « Juice », une bande dessinée d’atmosphère, à la thématique universelle : le malaise d’adolescents qui se cherchent au lycée, entre premiers émois, ennui et exutoire musical.

Nous remercions Art Jeeno pour le temps qu’il a consacré à répondre à nos questions.

BDzoom.com : Bonjour, pouvez-vous vous présenter ? Quelle a été votre formation ?

Je m’appelle Piyaphach Jeeno, Art est un surnom artistique. Je suis diplômé de l’université des Beaux-Arts de Chiangmai, section peinture.

Juice T2 page 7

- Y-a-t-il beaucoup d’auteurs de bande dessinée en Thaïlande ? Quel est l’état de l’édition dans le pays ?

Il y a peu à vrai dire : les gens aiment lire du manga, car ça coûte moins cher et propose beaucoup de choix différents. Les éditeurs thaïlandais ne veulent pas prendre le risque de publier des auteurs thaïlandais par soucis financier, et je les comprends !

- Depuis quand dessinez-vous des bandes dessinées ? Combien en avez-vous réalisées ?

J’ai maintenant 10 livres à mon nom qui sont publiés, mais la moitié seulement sont des bandes dessinées.

Juice T2 page9

- Avez-vous développé des échanges avec d’autres auteurs asiatiques ou d’autres continents ?

Les seules personnes auteur-e-s de bande dessinée avec qui je discute viennent de Thaïlande. Je les ai rencontrés durant mes études. C’est intéressant car elles ont toutes un style très particulier et différent du mien. Sur internet, ce que je recherche c’est un ou une artiste avec un style de dessin vraiment unique, nouveau. Je ne connaissais personnellement aucun auteur étranger avant d’être publié en France.

- Quelles sont vos premières influences graphiques et vos influences dans le domaine du 9e art pour la narration et pour le dessin ?

Au lycée je lisais surtout « Slam Dunk » de Takehiko Inoue. Maintenant, je suis admirateur de Naoki Urasawa, Inio Asano et Taiyo Matsumoto. Je lis leurs mangas en anglais, surtout ceux d’Asano qui n’a jamais été traduit en thaï.

Juice T2 page 11

- Quelle est votre première BD publiée en Thaïlande ? Avez-vous eu des difficultés pour être édité ?

Ma première bande dessinée publiée en Thaïlande s’appelle « Be right back », elle est tirée de mon blog. En gros j’ai posté pendant 6 mois une sorte d’autobiographie comique et les éditions Salmonbooks m’ont contacté car ils étaient intéressés par mon projet. C’était encore un très jeune éditeur à ce moment-là. Par la suite j’ai fait des petites BD courtes en espérant trouver un nouvel éditeur, mais tout le monde me rejetait !

- Avez-vous rencontré le succès rapidement ?

J’ai été publié très vite après avoir quitté l’école. En un an mon premier album paraissait. Je pense donc que oui, cela était un succès !

Juice T2 page 13

- « Now » est votre première œuvre publiée en France, pouvez-vous nous en résumer l’action ? Avez-vous été surpris d’être édité en Europe ?

J’étais vraiment surpris oui ! « Now » est une œuvre muette où l’on suit une fille dans ses pérégrinations. Quand j’ai appris qu’il allait être publié en Europe j’étais inquiet que ce nouveau public ne puisse pas comprendre à quel point nos cultures sont différentes.

Juice T2 page 188

- Les Éditions çà et là publient en ce moment la trilogie « Juice », l’histoire chorale de lycéens en Thaïlande, en quoi est-ce une œuvre autobiographique ?

Oui, j’aime qu’une histoire que je raconte soit directement dictée par mes sentiments. Presque toute l’histoire et les personnages sont inspirés d’amis à moi de l’époque, sans pour autant que cela soit évident pour les gens qui nous connaissent de nous reconnaître. C’est dans la personnalité et non dans le physique des personnages que je me suis inspiré de ma vie.

- Pouvez-vous nous en expliquer le titre ?

Selon moi, « Juice » fait directement référence à l’adolescence. C’est comme dire que le lait c’est pour les enfants et le whisky pour adultes. Quand on est ado, on boit du jus tout simplement.

- Vous êtes venu en janvier dernier à Angoulême, qu’avez-vous fait lors du FIBD ? Qu’avez-vous pensé de la manifestation ?

C’était super, je n’avais jamais vu un festival aussi grand et je suis persuadé que le plus gros festival regroupant autant de bande dessinée indépendante est bien celui d’Angoulême.

Le seul hic c’est que toutes les BD sont en français, il va falloir que je me mette à apprendre votre langue !

- Quels sont vos projets en bande dessinée ?

Après avoir fini le dernier épisode de la trilogie « Juice », je me lancerai dans un projet un peu plus fantastique, mais je ne peux pas en dire plus pour l’instant !