Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Un polar, à la composition savante, signé Andreas !
Andreas nous a habitué aux longues sagas enchevêtrées, quelques fois un peu compliquées à décoder : notamment « Rork », « Arq » et, surtout « Capricorne ». On le retrouve ici sur un one-shot tout en tension et en compositions savantes : un récit policier aux contours d’apparence un peu plus classiques, mais où l’exigence narrative et graphique de cet auteur, qui se joue avec habilité des codes, résulte sur un jeu de piste vertigineux.
La fille d’un homme politique, éminence grise des trois précédents présidents de la République française, mais qui a été mis sur la touche après la victoire de l’extrême droite aux élections, est kidnappée. Serait-ce une vengeance personnelle destinée à porter préjudice à cet homme influent, mais à la carrière pas toujours très claire ? Quoi qu’il en soit, le ministère de l’intérieur a dépêché sa meilleure spécialiste en kidnapping, pour enquêter sur cette affaire qui piétine. D’autant plus que la jeune fille est retrouvée en Argentine, seulement 48 heures après son enlèvement, mais elle ne se souvient de rien.
Alors que son père reçoit l’ambassadeur argentin avec qui il partage, manifestement, de nombreux secrets, l’activité cérébrale de sa mère, dans le coma depuis sa naissance, s’accélère brusquement… Les révélations, toutes plus surprenantes les unes que les autres, s’enchaînent alors jusqu’à un final ouvert où l’on découvre que, comme souvent dans l’œuvre d’Andreas, tous les éléments disséminés au fil des pages sont imbriqués : ce procédé nécessitant obligatoirement une seconde lecture.
Né en Allemagne en 1951, Andreas Martens a suivi les enseignements d’Eddy Paape et de Claude Renard, à l’institut Saint-Luc de Bruxelles, et compte, aujourd’hui, parmi les plus grandes signatures contemporaines du 9e art. Il entre, aujourd’hui, au sein du prestigieux catalogue des éditions Futuropolis, comme ce fut aussi le cas, tout récemment, de son homologue suisse Cosey.
On retrouve ici tout son savoir-faire narratif, sec et nerveux, et son style de dessin, subtil mélange de comics, de mangas et de traditionnelles BD franco-belges… Même si ce dernier semble toutefois un peu plus épuré et stylisé. En effet, il laisse une grande place aux touches élégantes de couleurs de sa collaboratrice Isa Cochet sur des planches aux multiples cases muettes qui jouxtent des séquences beaucoup plus bavardes et explicatives, et dont il faut prendre le temps de lire pour en apprécier toute la substantifique moelle.
(1) Sur Andreas, voir aussi sur Bdzoom.com: « Capri… corne », c’est fini : mais voilà qu’arrive une somptueuse intégrale en noir et blanc…, Un entretien avec Andreas (1ère partie), Un entretien avec Andreas (2ème partie), Un entretien avec Andreas (3ème partie) et Rencontre avec Andreas.
« L’Argentine » par Andreas
Éditions Futuropolis (18 €) — ISBN : 978-27548-2605-1