Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Davantage l’envie de comprendre que de se venger dans les yeux de Lya …
A 21 ans, après quatre années d’études de droit, Lya commence un stage dans le plus prestigieux cabinet d’avocats de sa petite ville de province. Elle y entre pour travailler mais surtout pour mener une enquête secrète afin de connaitre le nom du chauffard qui l’a renversée et laissée paraplégique quatre ans auparavant. Discrétion et détermination sont ses maîtres mots.
Lya a peu de souvenirs de l’accident qui a bouleversé sa vie : renversée sur la chaussée, presque inconsciente, elle distingue les chaussures d’un homme debout à côté d’elle puis l’arrière d’une grosse berline qui démarre dans la nuit puis, plus rien. Le chauffard qui l’a renversée a pris la fuite sans appeler les secours. A 17 ans, elle sort de l’hôpital en fauteuil roulant, paraplégique. Sa famille la protège, aménage son pavillon pour qu’elle puisse déambuler sans problème d’une pièce à l’autre et poursuivre normalement ses études.
Quatre ans plus tard, Lya est une étudiante en droit sérieuse qui commence un stage dans un bureau d’avocats réputé.
Pour faciliter ses déplacements, elle quitte pour la première fois la maison familiale pour une colocation au centre-ville avec son ami Antoine.
Mais derrière cet argument de bon sens se cache une soif de vengeance inexpugnable. Elle a appris que ses parents ont accepté un compromis avec le responsable de son handicap : une grosse somme d’argent contre leur silence.
C’est le cabinet DV associés qui s’est chargé de la transaction, et c’est précisément en son sein que l’étudiante stagiaire va pouvoir enquêter.
Il faut à Lya agir très discrètement pour mettre la main sur un dossier bien caché. Elle aura besoin de l’aide désintéressée d’Adèle, une secrétaire compréhensive, et d’Antoine, indispensable factotum qui peut prospecter dans des archives qui se refusent à l’étudiante, protégées par un étroit escalier infranchissable pour son fauteuil roulant. De multiples obstacles se dressent ainsi entre l’étudiante et le nom du responsable de l’accident. Lya et ses amis sauront les surmonter avec de la témérité et de la chance aussi, mais la chance ne sourit qu’aux audacieux …
Ce premier volume d’une trilogie annoncée est mené de main de maitre par Carbone (Bénédicte Carboneill). L’ancienne professeure des écoles est devenue une scénariste recherchée de la bande dessinée pour la jeunesse avec des séries comme « Les Zindics anonymes » ou « La Boîte à musique », cette dernière récemment primée au festival d’Angoulême.
Dans ce polar pour collégiens, elle construit patiemment un huis-clos anxiogène en ménageant de nombreux rebondissements et chausse-trapes. Dans le même temps, elle s’empare du sujet du handicap sans effet mélodramatique et larmoyant avec distance et justesse de ton.
Pas de compassion mal placée mais une jolie héroïne déterminée dont le fauteuil roulant n’entrave pas les ambitions ni les actions les plus risquées.
Nous aurons grand plaisir à retrouver Lya, une héroïne têtue à la détermination sans faille, dans les deux volumes suivants de sa quête de vérité.
Laurent LESSOUS (l@bd)
« Dans les yeux de Lya T1 : En quête de vérité » par Justine Cunha et Carbone
Éditions Dupuis (12,00 €) – ISBN : 979-1-0347-3263-0