Dix ans après la parution de « Résurrection », la première partie d’un diptyque accouché dans la douleur, voici enfin « Révélations » : conclusion du dernier récit du regretté Philippe Tome, décédé alors qu’il travaillait sur les dernières pages de son scénario. Les éditions Dupuis proposent, enfin, l’intégralité de cette aventure magistralement dessinée par Dan Verlinden, digne successeur de ses deux prédécesseurs : Luc Warnant et Bruno Gazzotti.
Lire la suite...La face cachée des étés !
Revenir sur les lieux de son enfance est toujours risqué. On pressent d’avance que tout y a changé et qu’on n’y retrouvera guère le goût des années d’insouciance. Dani décide portant d’y retourner, dans ce village balnéaire de Catalogne qui a marqué toute sa jeunesse. Cet été là, Dani a probablement découvert une part de lui-même qu’il a longtemps ignorée et mis des années à accepter…
Au-delà des lieux qui se sont transformés ou qui ont tout simplement été gommés par des constructions, des aménagements, il y a ces copains, ces amis d’un été, entrevus, perdus de vue et dont on se demande ce qu’ils sont devenus. Une de ces rencontres de jeune adolescent hante Dani. C’est d’ailleurs ce que révèle la première phrase de l’album : « De tous les chemins que je n’ai pas parcourus… Le tien est celui auquel je songe le plus ».
On peut regretter ce que l’on a fait, mais il y a rien de pire que de regretter ce que l’on n’a pas fait, ou d’imaginer ce qui aurait pu être, en sachant pertinemment qu’il aurait fallu peu de choses quelquefois pour que la vie change de direction. Peut-être, car rien n’est sûr. Seul le doute l’est ! Obsédé par cette idée, Dani, à la veille de se marier, décide de retourner sur ses pas d’enfant dans les rues de la station balnéaire où, 20 ans plus tôt, il a pris quelques photos, des photos qu’il entend bien confronter au réel. Mais le réel est sans pitié.
Régulièrement des pages transparentes superposent à la page suivante une version passée de tel ou tel lieux, en couleurs car, ici, c’est le passé qui prend des couleurs. Dani explore ainsi sa ville et fait des rencontres qui font resurgir des pans de mémoire ou de simples anecdotes. Mais tout est bon à prendre quand c’est de soi-même qu’il s’agit ! Dès l’arrêt de bus où il descend, il revoit déjà ce gamin rouquin replié sur lui-même, moqué par ses camarades. Partout, c’est lui qu’il tente de faire revivre, ce « Poil de Carotte », copain de jeux et de secrets partagés, cet ami disparu qu’il revoyait tous les étés et qui l’oblige à faire ce pèlerinage.
D’année en année, d’échappée forestière en bal de l’été, les deux copains se sont constamment côtoyés avec chez son ami une difficulté à aborder les filles. Dani se souvient de la petite Maria et de la jalousie de son copain, jusqu’à cette scène mémorable qui décidera Dani, adolescent, à ne plus jamais revenir dans la station…
Le récit est sensible, joliment construit, bien dialogué, nostalgique évidemment, avec un final particulièrement touchant qui redonne peu à peu des couleurs au présent… De façon délicate, discrète, l’auteur aborde l’homosexualité qu’il a refoulée puis, manifestement, acceptée. Enfin, semble-t-il, car tout n’est pas dit, ce qui laisse au lecteur sa part d’interprétation…
À noter que les éditions Paquet publieront du même auteur, au printemps, sa biographie de Freddy Mercury.
Didier QUELLA-GUYOT ([L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook).
http://bdzoom.com/author/didierqg/
« Le dernier des étés » par Alfonso Casas
Éditions Paquet (25 €) – ISBN : 978-2-8889-0953-8