Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
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Et non, ce manga ne parle pas de Lamborghini ni aucune autre voiture de luxe. C’est plutôt d’une tueuse complètement barrée qu’il est question ici. Âme sensible s’abstenir, cette série est un mêlange d’humour noir et de de sexe sur fond d’ultra-violence. Vous voilà prévenu…
Kuroko Kômorui est une tueuse psychopathe ayant à son actif 715 victimes. Autant dire que lorsque la peine capitale est requise à son encontre, cela ne surprend personne. Pourtant, elle ne va pas rester longtemps dans le couloir de la mort car le gouvernement va avoir l’idée saugrenue de l’employer pour régler, de manière expéditive, les enquêtes les plus difficiles.
Autant dire que ce genre de situation n’arrive jamais dans la vraie vie. Tout ce qui se passe dans ce manga est sujet à exagération. Les méchants sont extrêmement méchants tandis que les gentils sont limites stupides. Rien n’est fait dans la finesse. Il suffit de voir la première double page d’ébats. Deux femmes plantureuses et un téléphone en mode vibreur, pas besoin de vous faire un dessin, même si justement l’auteur ne s’est pas gêné pour illustrer cette scène. Le lecteur lui s’en met plein la vue. Deux donzelles pour le prix d’une, voilà pourquoi les récits lesbiens attirent autant jeunes ados. Et ce manga, c’est la fête aux mirettes  : des combats improbables et sanglants, des morts en pagailles, des filles en soubrette, des flingues démesurés, des corps aux proportions outrancières, etc. Ce n’est même plus du fan service, c’est clairement une parodie débridée, complètement assumée.
Pour surveiller Kuroko, le gouvernement l’a affublé d’une partenaire : Hinako Tozakura. Celle-ci également complètement déjantée, mais dans un tout autre domaine. Elle, c’est plutôt le côté lolita candide et amoureuse de sa voiture qui ressort. Bref, un duo de choc classique pour des histoires non moins classiques. La construction scénaristique suit la trame générale des polars bien ficelés avec une introduction, un climax et une conclusion en apothéose avec au passage un twist plus ou moins gros. Là où l’histoire prend un tout autre sens, c’est dans les courses poursuites titanesques, les méchants totalement irréalistes et gonflés aux hormones pour certains et tout le côté surréaliste et improbable des situations. Il n’est pas nécessaire de chercher un semblant de cohérence dans l’action. Seul le résultat final compte comme le disent si bien les grands pontes du gouvernement. Et au final, Kuroko remplit sa part du contrat  : elle éradique la vermine de la société, même s’il y a un peu de casse au passage.
Si parfois le dessin de Yoshimurakana est un peu trop fouillis, il est juste à l’image du récit  : dense, bordélique et décomplexé. Ses personnages sont attachants et leur histoire personnelle est dévoilée par petites brides lors des différents chapitres. De quoi mieux comprendre les motivations des uns et des autres. Derrière ce gentil capharnaüm, il y a une vraie histoire, de vrais personnages qui évoluent et qui se dévoilent donc au fil des épisodes. Yoshimurakana a bien su gérer son récit qui aurait été bien monotone s’il était resté dans la facilité en enchaînant les scènes spectaculaires sans enrichir son univers à côté.
Les deux premiers tomes sont sortis simultanément et offrent des enquêtes assez basiques pour nous mettre en bouche. La série va s’étoffer avec les volumes suivants tout en restant dynamique et toujours aussi déjantée, violente et sexuellement explicite. Les grincheux trouveront que c’est vulgaire à l’image de la production de mangas actuelle tandis que les amateurs apprécieront cette série grand-guignolesque en la prenant pour ce qu’elle est  : un divertissement surréaliste.
Gwenaël JACQUET
« Murcielago » T1 et 2 par Yoshimurakana
Éditions OTOTO (7,99 €) – ISBN : 9782377171545
© 2014 Yoshimurakana / SQUARE ENIX CO., LTD.