Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...Entretien avec Vincent Bernière à propos de Revival : « Réconcilier les anciens et les modernes »…
On ne change pas une tactique qui gagne ! Après avoir relancé Les Cahiers de la BD en s’appuyant sur une campagne de financement participatif, le journaliste Vincent Bernière souhaite développer un nouveau label de BD indépendant, pour faire vivre ou revivre des œuvres oubliées du 9e art, en se basant, pour démarrer, sur la confiance que lui accorderont des internautes donateurs de KissKissBankBank.
Qu’est-ce que Revival ?
Vincent Bernière : Revival est une maison d’édition qui se développe en collaboration avec Les Cahiers de la BD selon deux lignes éditoriales directrices, qui sont également présentes dans la ligne du journal, à savoir réconcilier les anciens et les modernes.
Dans cet esprit, Revival publie des livres épuisés, incunables ou bandes dessinées oubliées des origines aux années 1980. C’est une idée que je porte depuis longtemps. Pour ce qui est du patrimoine, nous avons, disons, trois axes principaux : bandes dessinées des origines, BD anciennes du XXe siècle et titres underground américains, japonais et français des années 1960 à 1980.
Ainsi, nos premières rééditions sont « M. Poche » d’Alain Saint-Ogan, l’inventeur de la BD européenne telle que nous la connaissons aujourd’hui, « La Variante du dragon » de Golo et Frank, un titre emblématique de la BD française des années 1980 et qui est paru dans (À suivre), et « Inner City Romance » de Guy Colwell, un auteur pionnier de la BD underground américaine.
Revival publie également des jeunes auteurs dont c’est le premier, voire le deuxième ouvrage édité. Ainsi « Colville » de Steven Gilbert, que certains considèrent comme le nouveau Charles Burns, et « Sadboi » de Berliac, un auteur argentin qui publie dans Vice et dont l’esthétique est proche des mangas d’avant-garde japonais des années 1960. Lui, il est parfaitement dans la ligne !
Pourquoi lancer une collection patrimoniale puisqu’il existe déjà de nombreuses maisons d’édition sur ce créneau ?
V.B : Vous connaissez une maison qui veut publier « M. Poche », « La Variante du dragon » ou « Inner City Romance » ? Pas moi ! Cela dit, vous avez raison, il y a de nombreuses maisons qui font du patrimoine et beaucoup le font bien. Ce qui veut dire que c’est un segment pertinent. Nous essaierons de faire de même, avec l’ajout à ces éditions patrimoniales d’un texte contemporain en guise de préface et la réédition d’un texte critique ancien en guise de postface.
Les œuvres de création seront laissées telles quelles, de façon à susciter les futures exégèses, s’il y en a !
De plus, nous allons aussi rééditer des essais qui sont aujourd’hui épuisés, et là il y a du boulot que personne ou presque ne fait ! De plus, en novembre 2018, Revival publiera « La Bédéthèque idéale », 99 livres qu’il faut (au moins) posséder dans sa bibliothèque, un livre écrit par 10 critiques de bande dessinée qui décryptent les conditions de production de quelques grands classiques de la BD, du manga et des comics, leur aventure éditoriale, l’accueil du public lors de leur parution et qui expliquent en détail pourquoi ils doivent faire partie de toute bonne bibliothèque. Au sommaire, beaucoup de classiques et aussi quelques auteurs contemporains. Les lecteurs de BD Zoom connaissent sans doute certains rédacteurs de ce livre. Ce sont des Anciens et des Modernes, là aussi, en quelque sorte : Romain Brethes, Lucie Servin, Maël Rannou, Bertrand et Christelle Pissavy-Yvernault, Yves Frémion, Christian Marmonnier, Christian Staebler et Jean-Paul Jennequin. Sur le choix des 99, j’en connais déjà qui vont s’étriper…
Comment seront vos ouvrages sur la forme (nettoyage des fichiers, numérisation, dossiers…) ?
V.B. : Revival publiera des ouvrages majoritairement cartonnés, de façon à les conserver encore et toujours. Il seront également vendus filmés. Mais ça n’est pas une raison pour que Henri Filippini ne les ouvre pas ! Plus sérieusement, un soin tout particulier sera apporté à la numérisation, bien sûr, et autant que possible.
Pour Saint-Ogan, malheureusement, on parle d’un auteur dont les originaux sont difficilement accessibles et nous partons de loin : les pages de Dimanche illustré des années 1930 et les fameux cahiers, où Saint-Ogan publiait tout ce qui paraissait de sa plume et qui sont heureusement conservés au Musée de la bande dessinée, à Angoulême. Cela dit, nous avons retrouvé de nombreuses pages inédites en album de « M. Poche », ce français moyen imbu de lui-même dont Greg s’est inspiré pour inventer Achille Talon. Quatre albums Hachette avec 30 gags chacun ont été publiés et jamais réédités jusqu’en 1938. L’édition Revival comprendra donc 41 gags inédits en album en plus. Et une préface de l’éminent Mr Petch.
Pour « La Variante du dragon », autre complication : Golo avait fait des gris sur des bleus. C’est une technique désormais obsolète et tout rescanner serait fastidieux et cher. Nous sommes en train de chercher une solution…
Pour « Inner City Romance », le travail de restauration a déjà à été fait par Fantagraphics aux USA. Ouf ! Surtout qu’il y a de très belles gouaches de Colwell, qui servaient pour les couvertures des comics et que nous allons également publier.
Comment aider le projet ?
V.B. : En participant à la campagne de financement participatif du site Kisskissbankbank: https://www.kisskissbankbank.com/fr/projects/soutenez-revival-bande-dessinee-d-hier-et-d-aujourd-hui
Car la réédition, contrairement à ce que l’on peut penser, et surtout si on veut la faire bien, ça coûte des sous. Et aussi, nous n’avons pas envie de rester dans le ghetto des collectionneurs. L’idée, c’est vraiment d’apporter une nouvelle vie à des titres que nous jugeons injustement oubliés par le monde de l’édition, et surtout de prouver qu’ils peuvent toucher de nouveaux lecteurs. Dans cet esprit, les livres des éditions Revival seront distribués par Hachette, qui demande à tout nouvel éditeur un dépôt de garantie de 15 000 euros avant de distribuer le moindre exemplaire. C’est normal, il y a beaucoup de margoulins dans l’éditions. Mais nous n’en sommes pas !
Laurent TURPIN
Bonne nouvelle! Mais je ne comprends pas: pourquoi le diffuseur Hachette demande un dépôt de 15 000 euros? Normalement, il ne paie les exemplaires vendus qu’après plusieurs mois.