Apparue pour la première fois dans le mensuel Tchô ! en 2003, Lou est devenue un best-seller de l’édition, avec plus de trois millions d’albums vendus, une série d’animation, un long métrage, des traductions dans le monde entier… Un tel succès méritait bien cet ouvrage anniversaire, qui nous propose — en plus de 300 pages — de revenir sur l’histoire de l’héroïne qui a grandi avec ses lecteurs. Tout en ouvrant généreusement ses carnets de croquis, Julien Neel évoque — au cours d’un long entretien — son propre destin, lié depuis 20 ans à celui de la petite fille blonde devenue grande.
Lire la suite...Suite et fin de l’Interview d’Etienne Davodeau
(Première partie en rubrique interview).
«Rural !» est une des meilleures surprises de l’année. Nous avons rencontré l’auteur de cette BD documentaire/reportage pour qu’il nous parle de son album, de cette nouvelle façon de faire de la BD, des gens et de … José Bové (qui préface « Rural! »)
BD ZOOM : Quand on regarde vos récits précédents, on constate une affection particulière pour les gens, et également pour la campagne. Les défendre, c’est votre croisade ?
ETIENNE DAVODEAU : Ce n’est absolument pas une croisade ! Qu’on fasse une BD, un film, un roman, on travaille toujours depuis quelque part, on raconte un endroit et mon endroit à moi, celui que je montre, c’est où je suis là.
BDZOOM : Mais vous semblez exprimer malgré tout une certaine méfiance du monde urbain, et des grandes entreprises en particulier, comme dans « Rural ! », la société qui construit l’Autoroute ?
ETIENNE DAVODEAU : Je ne crois pas . Non, non. Je parle des endroits que je connais le mieux. Je suis né à la campagne, j’y vis et j’espère honnêtement y mourir car c’est là que je préfère vivre et les histoires que je raconte viennent de là. Encore une fois, c’est une question de point de vue. C’est vrai que je suis mal à l’aise pour dessiner la ville parce que cet univers ne m’est pas quotidien. J’y vais bien évidemment souvent car on ne peut pas se passer de la ville et je ne fais pas de rejet particulier à ce sujet. Mon attitude n’est pas aussi tranchée. C’est une question de choix et de priorités.
BD ZOOM : Prenons un exemple. Dans « Rural ! », vous ne donnez pas la parole aux responsable de la société qui construit l’autoroute puisque vous expliquez que vous n’auriez eu accès qu’au responsable de la communication qui vous aurait fourni un discours « officiel » ?
ETIENNE DAVODEAU : Oui, j’en suis convaincu.
BD ZOOM : Dans « Anticyclone », le personnage principal est un directeur des Ressources Humaines , une fonction que vous ne ménagez pas ?
ETIENNE DAVODEAU: J’ai fait de Samuel Faure, le personnage principal d’Anticyclone, un être très humain et très chaleureux et très mal à l’aise dans le poste qu’il occupe. Il n’est pas taillé pour ce métier. Quand je vois les plans sociaux comme ceux de Marks & Spencer ou Danone, je me dis que je n’aimerais pas être DRH. Ca doit être difficile à assumer de mettre tous ces gens dehors parce qu’on est payé pour ! J’imagine que les gens qui font ça ont été formés et qu’il font ce métier, qui est le leur, sans état d’âme. En fait je n’en sais rien. Mais c’est une question que je me pose. D’où Samuel Faure que j’ai créé pas taillé pour et encombré par ce métier. Je porte un regard critique, pour gratter là où ça fait mal.
BD ZOOM : Est-ce que ce n’est pas un peu facile de ne pas interroger les responsables de l’autoroute au prétexte que de toute façon ils vont servir un discours officiel ?
ETIENNE DAVODEAU : On peut le voir comme ça mais je suis réellement convaincu que je n’aurais rien obtenu d’autre. Il n’y avait pas d’autres solutions. Si j’avais été voir ce responsable, il aurait logiquement fait son métier et aurait parlé de l’A87 au nom de son entreprise, et pas comme individu. Il m’aurait donc fourni les arguments de l’entreprise. Une rencontre que je jugeais d’avance inutile. Mais je tenais à préciser quand même que je n’allais pas le voir et pourquoi.
BD ZOOM : Vous même, vous habitez dans cette région ?
ETIENNE DAVODEAU : Oui, tout à fait. Je vis à quatre kilomètres de la ferme.
BD ZOOM : Donc vous connaissiez tout cet environnement ?
ETIENNE DAVODEAU : Oui, un peu. Concernant l’autoroute, c’est une histoire qui a fait beaucoup de bruit dans cette région à l’époque. Ce livre est d’ailleurs aussi une façon de donner la parole à des gens qu’on a juste fait semblant d’écouter. Car il y a des concertations, des réunions , des enquêtes d’utilité publique. Mais tout ça se révèle une sorte de mascarade destinée à donner un simulacre de démocratie. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est le député du coin dans le bouquin. Donc on s’exprime, on discute et puis après, on sort les bulldozers. Ce livre est un témoignage pour expliquer la façon dont ça se passe, qu’il y a des gens qui vont vivre maintenant avec cette autoroute devant leur porte et toute leur vie et que ça ne s’est pas passé de façon démocratique. D’ailleurs ça ne se passe jamais de façon démocratique car les intérêts économiques et financiers en jeu sont tels qu’on ne peut pas passer trop de temps à faire joujou à la démocratie car il faut rapidement passer aux choses sérieuses et commencer le chantier.
BD ZOOM : Qui a eu l’idée de demander à José Bové de signer la préface de votre livre ?
ETIENNE DAVODEAU : Ca a commencé par une boutade avec mon éditeur Guy Delcourt qui m’a dit qu’avec un sujet pareil il fallait une préface de José Bové. J’ai pris Guy au mot. Avec les trois paysans que j’ai suivi et qui appartiennent à la confédération paysanne, nous avons écrit à José Bové qui nous a répondu que le projet l’emballait et que c’est fort volontiers, si ça pouvait nous donner un coup de main, qu’il en signerait la préface. Ca s’est donc passé comme une lettre à la poste.
BD ZOOM : n’avez-vous pas peur du côté partisan que cela peut donner à votre livre ?
ETIENNE DAVODEAU : C’est un livre partisan ! Affiché et revendiqué comme tel ! Je n’ai pas peur de ça. Cette préface est aussi une façon de signaler au gens assez nombreux sensibles aux thèses de José Bové que ce livre parle un peu des options qu’il défend. Bien sur, l?aspect médiatique de José Bové existe aussi. Je n’ai pas sollicité le personnage mais la mouvance et les idées qu’il représente.
BD ZOOM : Allez vous poursuivre dans ce style de BD ?
ETIENNE DAVODEAU : J’ai très envie d’en refaire. C’est très motivant. Il faut d’abord mesurer l’impact qu’aura « Rural ! » auprès du public car c’est une BD différente . Si ça se passe bien en termes commerciaux –voyons les choses en face- et si on m’en donne l’opportunité, je replonge dedans. Ca n’implique pas que je laisse tomber la fiction que j?aime aussi mais que je pratique différentes formes de bandes dessinées.
BD ZOOM : Quel autre thème aimeriez vous traiter de cette manière ?
ETIENNE DAVODEAU : Voilà la difficulté. Quand on traite de sujets de fiction, on se réunit avec soi même et on construit un scénario. Quand on veut faire un reportage, il faut d’abord trouver un sujet, qu’on n’a pas en soi. Il faut être à l’affût pou aller chercher le sujet ou que celui-ci vienne à notre rencontre. Je n’avais pas décidé à priori de faire une BD sur l’agriculture biologique, à laquelle je ne pense honnêtement pas en permanence. Je cherchais un sujet digne d’être le thème d’une BD de reportage et je suis tombé sur celui-là. S je veux recommencer, il faut que je trouve un nouveau sujet. Donc je cherche, je rencontre des gens. Mais je ne peux pas le décider à priori. Il faut que je trouve une matière et des gens.
BD ZOOM : Le prochain album sera donc une œuvre de fiction ?
ETIENNE DAVODEAU : Oui, j’ai envie d’en refaire. Et elle sera en couleur ! Mais j’ai en tête de refaire une BD du genre de « Rural ! » rapidement.