Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Irena T3 : Varso-Vie » par David Evrard, Jean-David Morvan et Séverine Tréfouel
La ville de Varsovie a été pratiquement entièrement détruite pendant la Seconde Guerre mondiale. L’insurrection du Ghetto et le soulèvement de la ville par la résistance ont été sévèrement réprimés par les troupes d’occupation nazies. Et pourtant, comme le rappelle avec grande pertinence le titre de cet album « Varso- vie », si la vie continue dans une Pologne martyrisée, c’est en grande partie grâce à l’action de belles et humbles personnes comme Irina Sendlerowa. Juste parmi les nations, elle a sauvé 2 500 vies dans un anonymat presque total. Cette série nous permet de faire connaissance avec cette grande dame.
En 1947, la Seconde Guerre mondiale est achevée depuis deux ans mais ses stigmates marquent toujours une Pologne désormais sous le joug d’une dictature communiste. Dans une petite église délabrée, sans toit, on s’apprête cependant à faire la fête. Devant l’autel, plusieurs enfants vont célébrer leur première communion. Soudain, le silence tombe, un homme entre par le porche en ruine. Il parle aux parents paniqués de la petite Oliwka. Dehors, devant un cimetière aux tombes fraiches, la toute jeune polonaise apprend que son vrai nom est Astar Berkenbaum, qu’elle est juive et non pas chrétienne. Dans la maison familiale, on lui explique vite la terrible vérité, ses parents adoptifs aimants doivent se séparer à tout jamais d’elle car le mouvement sioniste Berih’ah, « évasion » en hébreu, la prend en charge jusqu’à son arrivée en Palestine. Avant de quitter le pays à tout jamais elle apprend le nom de celle qui lui a sauvée la vie et préservée son identité : Irina Sendlerowa.
En 1983, à Jérusalem, au mémorial Yad Vashem érigé en l’honneur des victimes de la Shoah, Astra, devenue mère, présente à sa fille celle pour qui un arbre est planté et porte son nom, la désormais Juste parmi les nations ; une toujours souriante et humble Irina.
Astra peut lui raconter son périple après son départ de Pologne : Passage à l’Ouest cachée sous les marchandises d’un camion puis enfermement par les Alliés dans les anciens camps allemands, embarquement pour la Palestine sur un vieux rafiot rebaptisé en cours de voyage Exodus 1947 – l’Exodus popularisé par le film d’Otto Preminger en 1960 -, retour forcé par les troupes anglaises sur le littoral français avant une installation définitive dans un état Israélien nouvellement créé.
Elle peut, pour la première fois, remercier celle qui a permis cette vie nouvelle, une vie nouvelle parmi 2 500 vies sauvées.
La vie de l’infirmière Sendlerowa a été durablement impactée par son action au sein du mouvement de résistance Zegota. Elle est arrêtée après avoir sauvé du ghetto des centaines d’enfants. Dans la prison de Pawiak, elle est torturée pendant des mois par la Gestapo Si elle a les pieds et les jambes brisés, le moral, lui, est toujours bon, elle ne livre aucun nom aux SS. La résistance réussit à la faire évader pour qu’elle fasse bénéficier de son expérience les membres novices de nouveaux réseaux. En cette année 1944, l’Armée polonaise de l’intérieur prépare le soulèvement général de Varsovie contre les troupes allemandes.
Jean-David Morvan et Séverine Tréfouël se sont inspirés de la vie et du combat humaniste d’Irena Sendlerowa pour écrire le scénario de cette série biographique exceptionnelle. Dans notre article sur le tome 1, nous écrivions : « Le récit est intelligent, il traite d’un sujet mortifère et complexe en évitant toute lourdeur. Le dessin tout en rondeur de David Evrard permet aux plus jeunes, dès 10 ans, de s’attacher au parcours de cette femme d’exception. Beaucoup d’émotions transparaît dans des moments forts, parfois d’une grande violence, grâce à un trait sensible, tout en retenu et douceur et aux couleurs pastel de Walter. Quel que soit votre âge, nous vous encourageons à lire cette série, œuvre poignante qui témoigne d’un remarquable travail de mémoire. Or, comme le disait Churchill : « Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre » ; une phrase à méditer en ces temps de montée des extrêmes et de banalisation de discours de brutalité et d’exclusion. »
Cette émouvante série connaissant un succès mérité, les éditions Glénat ont décidé de poursuivre l’aventure. La trilogie devient tétralogie, le tome 4 s’intitulera « Je suis fier de toi ».
De quoi en apprendre beaucoup sur Irena en particulier et l’humanité en général dans un récit savamment construit mais facilement lisible, qui mêle avec justesse et intelligence humour et émotion dans un contexte historique respecté.
Laurent LESSOUS (l@bd)
 « Irena T3 : Varso-Vie » par David Evrard, Jean-David Morvan et Séverine Tréfouel
Éditions Glénat (14,95 €) – ISBN : 978-2-344-02276-4