Dans le cinquième volume de ses aventures, « Le Grimoire d’Elfie T5 : Les Reflets de Walpurgis », la jeune Elfie découvre le marais poitevin (entre La Rochelle et Niort) et des festivités réservées aux magiciens et sorcières depuis le temps de la mystérieuse fée Mélusine. Une nouvelle enquête pour la jeune adolescente, avec l’apport non négligeable de son grimoire magique, à l’issue de laquelle elle en aura appris beaucoup sur les dangers contemporains qui guettent cette zone humide remarquable et sa propre famille.
Lire la suite...Bientôt une fin pour « Rebecca », chef-d’œuvre oublié de Renato Queirolo et Anna Brandoli…
Certaines bandes dessinées étonnantes sont créées à un moment précis par des auteurs inspirés. Ceux-ci voient leurs œuvres publiées, de manière parfois un peu chaotique, mais le temps passant et la vie n’autorisant pas toujours une carrière rectiligne, surtout dans un métier où la présence régulière en librairie est nécessaire pour durer, il se trouve quelques albums qui tombent peu à peu dans l’oubli. « Rebecca », œuvre de grande qualité parue en 1985 chez Glénat, fait partie de ceux-là. Enquête sur une étoile filante du 9e art.
Récit d’une gestation alambiquée
Les années quatre-vingt, dans le domaine de la bande dessinée française, ont été marquées par l’Histoire. La revue Vécu des éditions Glénat et sa collection éponyme d’albums en étaient alors les fers de lance. C’est dans ce contexte et celui d’une presse bande dessinée alors encore en assez bonne santé, avec les principales revues Circus, Vécu, (À suivre), et Spécial USA parmi les plus intéressantes, que « Rebecca », gros récit noir et blanc des Italiens Anna Brandoli et Renato Queirolo, parait chez Glénat en 1985. Les auteurs sont alors connus uniquement des lecteurs italiens, car ce récit est, entre autres, publié dans la revue Linus (en 1981), puis dans Orient-Express et aussi dans Comic Art. Anna Brandoli reçoit le prix Yellow Kid en 1984 pour le premier épisode de la série.
Le parcours de « Rebecca » a été compliqué. Les deux auteurs Anna Brandoli et Renato Queirolo se sont connus en 1968, à Milan, dans un contexte politique extra parlementaire. Ils avaient mis en place un groupe de propagande artistique qui diffusait des affiches, des peintures murales, des chants, des performances improvisées sur les places ou devant les usines (Anna possède une bonne voix et s’accompagne à la guitare).
En 1975, épuisés par cet engagement, tous se sont retrouvés avec des responsabilités familiales à assumer. Renato Queirolo s’intéressait toujours à l’Histoire et continuait à travailler, mais pas assez pour gagner sa vie. Anna avait perdu son boulot de designer publicitaire et avait, en 1976, fait quelques tentatives fastidieuses et sans suite au sein des journaux Corriere dei Ragazzi et Il Giornalino. C’est seulement en 1977 que Renato put faire accepter son projet : une aventure historiquement plausible, de la souffrance d’une femme, poussée à l’assassinat de son père. Avec, en parallèle, les événements d’un « intellectuel » qui traverse la persécution politico-religieuse du XIIIe siècle. Mais le contexte changea pour se redéployer finalement à Byzance, un lieu et un temps faisant écho aux années 1970 des auteurs. C’est l’histoire de « La Sorcière » (traduite aux éditions Désiba, en 1980) qui en résultera.
Le seul éditeur possible, du moins en Italie, était, à ce moment-là, Milano Libri, le responsable des revues Linus et Alter Alter, dont Renato avait admiré les pages extraordinaires de « Costanzo y Manolo » (« Alack Sinner ») de Muñoz & Sampayo et « Colombo » d’Altan. Même si ces auteurs étaient distants, tant au niveau du style et de la langue, leur talent écrasa alors les autres bandes dessinées existantes. D’après Renato, Enrique Breccia a pu cependant, avec ses histoires de Pampas (« La Guerra della Pampa », 1980) confirmer qu’il était possible
de faire une bande dessinée non évasive. Cependant, les éditions Milano Libri payaient trop peu pour leur travail et n’entreprirent pas de le revendre en France. Anna n’a donc pas suivi et Renato a dû revoir son projet en le mutilant. Afin de ne pas rater un partenariat réussi, celui-ci dut trouver un éditeur qui payait mieux et qui était compatible avec leur esprit d’innovation. Le Corriere dei Piccoli fut leur planche de salut.
Queirolo a donc improvisé une médiation ; l’offre était acceptée, mais avec un nouveau personnage évoluant deux siècles plus tard, dans le duché de Milan : une gitane qui va à la découverte des terres les plus avancées (alors) d’Europe, l’année où Colombo veut découvrir les Indes.
L’histoire
Celle-ci commence le 29 février 1480 lorsque Rebecca Cioara des Grisons, gitane tireuse de tarot, recueille dans la grotte où elle avait fait halte, sur les pentes du lac de Piona, un homme nu à demi mort. Mercurio Bragia est un jeune et bel homme, poète de son état, à la langue un peu trop pendue, pourchassé par la police qui l’a torturé.
Tous deux vont se retrouver mêlés à une affaire de corruption et de vol de bijoux ecclésiastiques, fomentée par l’inquisition auprès d’un usurier juif, issu d’une famille de banquiers : Aaron de Mantoue. Une aventure en dix-sept chapitres, très documentés, qui va nous faire découvrir bien d’autres personnages truculents, et surtout, l’Italie de la renaissance, sous un angle rarement vu. Oreste del Buono fut enthousiaste. Il abandonna bien malheureusement la direction de Milan Books deux ans plus tard, ce qui mit un frein à la série.
Cet ancien volume noir et blanc des éditions Glénat, que l’on aborde aujourd’hui avec emphase et un grand respect, vu la qualité du dessin et du scénario, n’a pas à l’époque dû provoquer le même émoi en France. Il faut dire que les lecteurs étaient alors abondamment fournis en récits d’aventures du type des « Passagers du vent », et qu’Hugo Pratt, à qui l’on pourra faire allusion évidemment sur ce genre d’aplats noirs aérés, est encore très présent en librairie, tout comme d’autres auteurs sachant aussi très bien manier le noir et blanc. C’était notamment le cas avec Casterman et sa revue (À suivre), où l’on trouvait Jacques Tardi, Claude Auclair, Didier Comès, etc., ou même les éditions Futuropolis, avec Edmond Baudoin par exemple.
Deux autres tomes compléteront ce premier volume de « Rebecca » et la ligne des albums plus classiques et en couleurs, façon collection Vécu impliquera, à un dessin pourtant magnifique qui s’en serait bien passé, une suite colorisée et scindée en deux tomes (1). Tant pis ! Suivront les séries « Alias » et « Cuba 42 », se déroulant durant la Seconde Guerre mondiale, avant qu’Anna Brandoli n’arrête la bande dessinée.
32 ans plus tard, le hasard d’une (re)découverte fortuite de cet album en festival réenchante le lecteur que je suis. Cette série brillante m’a particulièrement touchée, surtout après avoir lu au préalable la superbe série contemporaine finlandaise « Nicholas Grisefoth », de Juha Ruusuvuori et Hannu Lukkarinen, en cours de parution aux éditions Mosquito, depuis 2011, à laquelle on pourra la comparer.
Il se trouve que l’association italienne ComicOut a réédité l’année dernière l’autre ouvrage « classique » dessiné par Anna Brandoli : « Le Magicien d’Oz » (2), en l’augmentant, et le site fumettologica.it s’est fendu d’une belle interview des deux auteurs de « Rebecca », revenant sur leur carrière. Interview dont sont issues la plupart des informations de ce texte. (3)
Où l’on explique comment Anna Brandoli qui a créé « Rebecca » a quitté le monde de la bande dessinée quelques années après, travaillant le graphisme pour des revues ou des entreprises, et retournant dans sa ferme familiale afin de s’occuper de sa famille. Néanmoins, elle revient aujourd’hui avec Renato Queirolo, afin de conclure cette superbe histoire commencée il y a 40 ans.
Rêvons que cet album, une fois achevé, verra une traduction en France, associé à une intégrale de « Rebecca », tout du moins, espérons-le.
Franck GUIGUE
(1) La revue Vécu pré publiera intégralement ces deux histoires dans ses numéros 23 à 27 et 31.
(2) Paru originellement en 1980 chez Rizolli Editore après avoir été prépublié en épisodes dans Il Corrierre di piccoli.
(3) Interview : http://www.fumettologica.it/2016/02/renato-queirolo-anna-brandoli-intervista-strega-rebecca-oz/.
PS : ComicOut a aussi publié, fin 2016, un recueil broché très intéressant consacré à Anna Brandoli, contenant de courtes histoires noir et blanc inédites en album, publiées dans diverses revues : « Corti e crudi » par Anna Brandol, et divers, aux éditions Comicout (3 novembre 2016, en Italien).
Merci à toi pour la découverte de cette petite pépite patrimoniale en cette nouvelle année 2018.
Meilleurs vœux et longue vie à la bande dessinée italienne !
Merci Quentin, et meilleurs voeux à toi aussi. Oui, la bande dessinée italienne est belle et riche. Espérons que l’on verra un jour une intégrale noir et blanc de Rebecca.
Rebecca est et reste splendide. je me rappelle l’avoir acheté à sa sortie; il est vrai fan de HP.Il me manque Alias ou l’autre (je ne sais plus) mais votre article est très instructif sur l’absence de suite. Cela aurait pu cartonner même en France et Belgique (surtout quand on voit les séries « historiques » depuis lors ; bien que le roy des Ribauds est dans la même veine)
Pour avoir lu en édition originale les différents tomes parus en France, je me souviens avoir beaucoup aimé cette bande dessinée. Tout en regrettant la mise en couleurs criardes des derniers tomes parus.
Il me semblait bien que cette histoire n’avait pas eu la conclusion qu’elle méritait.
J’espère vivement relire moi aussi cette histoire en intégrale, et s’il vous plait, messieurs les éditeurs, en noir et blanc !
C’est tout à fait vrai. Si j’ai aimé les deux autres histoires de « Rebecca » publiées chez Glénat, cette mise en couleur a « tué » le dessin de l’auteure. Croisons les doigts pour qu’un travail patrimonial de qualité soit réalisé afin de donner enfin l’écrin qu’elle mérite à cette série exceptionnelle.
Un détail : ComicOut, la maison d’édition qui a sorti ces dernières années les deux albums de Brandoli que vous citez (« Corti e crudi » et « il Mago di Oz »), n’est pas du tout liée à « Comic Art », la revue. (ComicOut publie une revue, mais il s’agit de « Scuola di fumetto ».)
Bonjour Bernard. Oui, vous avez bien sûr raison. Je me suis embrouillé dans ces précisions de détail, qui ont néanmoins leur importance. Je vous remercie de votre perspicacité et apporte donc cette correction. Bien cordialement,
Vivement , vivement !!! trente ans que j’espère ce chef d’oeuvre ! grazie mille