Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Napo et nous… T3 : Le Blouze de l’Aigle » par Jean-Pierre Dirick
Il y a des chefs de guerre qui ont marqué l’Histoire. Napoléon est de ceux-là : à la tête de ses grognards, il a diffusé dans toute l’Europe les idéaux de la Révolution française. Il existait un rapport particulier, de proximité, entre l’empereur et ses vieux soldats. Ce rapport est au cœur de la série « Napo et nous… », qui plonge le lecteur au sein de la Grande armée, sous les pinceaux amusés de Jean-Pierre Dirick, amateur d’histoire et d’humour décalé, à base d’anachronismes et de clins d’œil à notre actualité.
Durant les onze années de son règne, de 1804 à 1815, Napoléon 1er a presque toujours mené des guerres contre des monarques européens réunis dans des coalitions internationales. Les meilleurs éléments de sa Grande Armée étaient réunis aux seins de régiments de grognards, vieux soldats aguerris qui pouvaient d’aller se plaindre directement auprès du « petit caporal » qu’ils côtoyaient depuis longtemps, parfois depuis les guerres de la Révolution française, à la fin du XVIIIe siècle. Le caporal Célestin Lampion est l’un de ces soldats, fier de se battre pour la France et pour l’empereur, conscient de défendre les acquis de la révolution chèrement arrachés aux puissants.
Le caporal Lampion forme les jeunes recrues. Or, de jeunes recrues, il y a en a de moins en moins alors qu’il en faudrait de plus en plus pour compenser les pertes au combat. Au lieu d’une compagnie, il n’a que le soldat Lebleu à entraîner. C’est bien peu pour préparer une contre-attaque après une offensive de l’ennemi. Devant ce manque d’effectifs, le général déprime et même l’empereur n’a plus le goût à rien, il a le « blouze » !
L’ambiance est au découragement dans le camp impérial. Napoléon reste prostré. Si « Ceux-d’en-face » l’apprennent, la Bérézina n’est pas loin. Le médecin-major Lamputte est inquiet mais il entrevoit une solution médicale à ce problème. Lors d’une précédente campagne, il a connu en Autriche un de ses confrères qui soigne la mélancolie en se servant des mots : il fait parler ses patients de leurs problèmes afin que ceux-ci les évacuent. Cette thérapie semblant efficace, le major confie au caporal la mission de convoquer auprès de l’empereur le docteur Gismund Freud.
La caporal Lampion et le soldat Lebleu traversent l’Europe pour rencontrer, dans son cabinet, ce singulier médecin qui doit remettre sur pied l’empereur et par la même assurer l’avenir du Premier Empire. La tache est rude mais exaltante pour un grognard qui sait défendre, à l’occasion, le bilan globalement positif de l’ancien Premier consul ; la diffusion dans toute l’Europe de valeurs comme la liberté, l’égalité ou la fraternité, ce n’est pas rien.
Sur BDzoom.com, nous vous avons entretenu du talent de Jean-Pierre Dirick dans un article précédent à propos de sa série « Inspecteur Klebs ». C’est aussi l’auteur d’une série pour Pif gadget : « Les Énigmes de Tim ». Il développe maintenant son humour caustique et référencé dans « Napo et nous… ». Après « Ça empire d’empire en pire » et « La Pyramide de l’Aigle », « Le Blouze de l’Aigle » est le troisième volume d’une série qui s’attache aux héros obscurs de la Grande Armée, aux sans grades qui ont permis à Napoléon de se couvrir de gloire sur les champs de bataille.
Le style frais, non réaliste et même parfois caricatural, simple, moderne et vif du bédéiste permet de rentrer facilement en empathie avec des héros de BD aux pensées très contemporaines.
De nombreux clins d’œil anachroniques et des allusions à des faits politiques du XXIème siècle parsèment les planches pour le grand bonheur du lecteur, avide de s’amuser d’un détail graphique parodique caché dans une case ou d’un dialogue à double-sens.
Amateur d’histoire, bon connaisseur du contexte historique, Jean-Pierre Dirick nous fait partager sa passion en s’amusant de quelques ressemblances entre le début du XIXe siècle et notre époque, où le président de la République s’imagine en Jupiter tenant le foudre. Il défend avec raison les principes et valeurs républicains pour mieux dénoncer certains dévoiements. « Le Blouze de l’Aigle » est une bande dessinée amusante, sans prétention qui peut être lue dès les années du collège. Un quatrième volume de la série « Napo et nous… » est d’ores déjà prévu pour 2018, le caporal Lampion visitera le nouveau monde dans « L’Aigle américain ».
Laurent LESSOUS (l@bd)
« Napo et nous… T3 : Le Blouze de l’Aigle » par Jean-Pierre Dirick
Éditions Arcimboldo (11,90 €) – ISBN : 978-2-9552084-1-0