Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Bug » T1 par Enki Bilal
Dans un futur proche, un bug informatique efface toutes les données numériques, comme si Internet avait été aspiré par une force indicible… Plus rien ne fonctionne : les avions s’écrasent, les codes bancaires (et pas que…) ont disparu, l’électricité ne va pas tarder non plus à manquer, car les centrales sont toutes informatisées… La société semble perdue ! En effet, dans ce monde à dominante virtuelle, les cerveaux n’étaient plus utilisés : les ingénieurs, les médecins, les pilotes ou tous autres employés étaient devenus de simples exécutants. Il n’y a donc plus de savoir-faire en cette année 2041 !
Seules pourraient s’en sortir les personnes d’un certain âge : ceux dont la mémoire n’est pas qu’informatique. Toutefois, un homme en apesanteur au-dessus de la Terre, mais qui se retrouve dans une tourmente planétaire, porterait en lui toute la mémoire du monde : l’espoir renaît et son rapatriement devient alors la priorité de plusieurs nations, organismes et sociétés… Toutefois, ce sauveur serait également porteur d’un mystérieux insecte mi-organique mi-robotique, qui pourrait bien être à l’origine du grand bug.
Enki Bilal revient en pleine forme avec ce formidable récit d’anticipation où l’humanité, privée de son addiction au numérique, est plongée, non sans une certaine dérision, dans un monde de désarroi et d’enjeux multipolaires : rappelant ainsi, à ceux qui auraient pu en douter, qu’il est un incontournable auteur visionnaire de notre époque, sachant traiter avec autant d’habilité narrative ou graphique toutes sortes de sujets, qu’ils soient politiques, écologiques, culturels ou sociétaux.
Coupée en deux (dans un très agréable format 18,4 x 26 cm, entre comics et romans) pour d’évidentes raisons commerciales – mais cela permet aussi de faire une pause bienvenue pour mieux digérer un sujet si important —, cette dystopie sur la transmission des connaissances est, bien sûr, remarquablement dessinée : l’auteur des « Légendes d’aujourd’hui » ou de « Nikopol » privilégiant des mises en scène serrées centrées sur les personnages. Bref, ce « Bug » est un grand Bilal et rendra le lecteur avide d’en connaître la suite prévue pour 2019… Mais d’ici là , tout peut arriver !
Gilles RATIER
« Bug » T1 par Enki Bilal