Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Morocco Jazz » par Julie Ricossé
En se glissant dans la lignée esthétique et thématique d’un Jacques Ferrandez, Julie Ricossé réussit à nous émouvoir avec ce beau one-shot situé dans le Maroc des années cinquante, à la veille de l’indépendance. Elle y met en scène le quotidien mouvementé, entre insouciance et drame, de trois amies françaises, raconté en flash-back par l’une des protagonistes devenue une vieille dame : ses souvenirs du passé expliquant, en partie, certains événements historiques peu connus.
En cette fin du protectorat, Louise travaille comme chanteuse de jazz dans un bar de luxe à Casablanca, profitant de sa jeunesse avec ses amies Camille et Sybil. Elle fait tourner la tête de beaucoup d’hommes, mais elle est amoureuse d’Henri : policier français chargé de la lutte contre les indépendantistes arabes. Les rebondissements politiques — les tensions entre le pouvoir français et les indépendantistes débouchent alors sur des attentats quotidiens — vont impacter leurs relations et leurs destins. Quand le mari marocain de Sibyl, jeune avocat en vue, est arrêté sans ménagement par la police et est enfermé, avec une quarantaine de manifestants dans une pièce sans eau et sanitaires, leur camaraderie et leur insouciance face à la vie commencent à en prendre un sacré coup…
Habilement narré et dessiné (les aquarelles sont particulièrement très réussies), ce roman graphique se lit avec beaucoup plaisir, et l’on pardonnera très vite quelques petits défauts de vraisemblance. Qu’importe, car on se laisse happer par l’ambiance, la finesse du trait, les mises en situation originales… Julie Ricossé, qu’on avait déjà remarquée sur l’inachevé « Prospero » écrit par Jean-Blaise Djian et Olivier Legrand chez Vents d’ouest en 2014 (après « Les Mystérieux Mystères insolubles », une série jeunesse de sept albums scénarisés par Grégoire Kocjan et publiés à L’Atelier du poisson soluble, entre 2012 et 2015), a véritablement du talent : il semble évident que le monde du 9e art va devoir compter sur elle dans les années à venir…
 « Morocco Jazz » par Julie Ricossé
Éditions Vents d’ouest (14,99 €) – ISBN : 978-2-7493-0797-8