Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...L’érudit et populaire Victor Mora s’en est allé…
Né le 6 juin 1931 à Barcelone, capitale de la Catalogne (Espagne) où il vient de décéder, Victor Mora Pujadas, scénariste de célèbres séries comme « El Capitán Trueno », « El Jabato », « El Corsario de Hierro », « Dani Futuro », « Sunday », « Félina », « Les Inoxydables »… nous a quittés le 17 août 2016.
À l’âge de vingt ans, il commence par publier traductions, articles journalistiques, nouvelles et romans, tout en signant sous le pseudonyme de Victor Alcázar ses premiers scénarios de bandes dessinées pour les fascicules populaires de l’époque.Coordinateur et traducteur des magazines des éditions Bruguera, il y signe ses principaux scénarios.
Notons « Capitan Kerr » qu’il dessine lui-même de 1949 à 1950, « Dr. Niebla » (1949-1953) avec Francisco Hidalgo (voir notre « Coin du patrimoine ») pour qui il écrit aussi « Al Dany » aux éditions Cliper en 1953, « El Cachorro » avec Juan GarcÃa Iranzo (1956), « Angel Audaz » ou « Operacion Satélite » avec Rumeu, « El Justeciero errante » avec Antonio Parras, « Vendaval » avec Bernal, « El Sheriff King » avec Francisco DÃaz, « Victor Heroe del Espacio » avec Juan MartÃnez Osete, « El Cosaco Verde » avec Fernando Costa (1960)… et surtout « El Capitán Trueno » pour Ambros (en 1956), « El Jabato » pour divers dessinateurs (dont Francisco Darnis, dès 1958) et « El Corsario de Hierro » (toujours pour Ambros, en 1970) : trois séries au succès considérable, également publiées par les journaux des éditions Bruguera.
Membre du parti communiste de Catalogne depuis 1956, il connaît les prisons et la torture franquiste.
Exilé en France de 1962 à 1976, il propose « Dani Futuro » dans Gaceta Junior entre 1969 et 1975 (traduit dans Tintin en France) avec Carlos Giménez – voir « Paracuellos » de Carlos Gimenez -, l’un des dessinateurs de « Delta 99 » : une autre série qu’il scénarise à partir de 1968.
On lui doit aussi des séries comme « Galax » avec Ramos et Fuentes Man dans Bravo (le nouveau magazine de Bruguera, en 1968), « Sunday » avec Victor et Ramón de la Fuente (un western réalisé pour l’agence internationale de Josep Toutain, entre 1968 et 1970) – voir Victor de la Fuente -,
« Ray 25 » encore avec Giménez (traduit dans Tintin, en 1971), « Roldán sin miedo » (dans DDT, en 1972), « Supernova » avec José Bielsa (dans Súper Mortadelo, en 1972) ou « Astroman » (dans DDT, en 1973) pour divers artistes comme Adoldo Usero, Antoni Borrell, Adolfo Buylla, Manuel Cuyás, Edmond…
Avec les années 1970, il entame une fructueuse collaboration avec les revues françaises : créant « Les Chroniques de l’innomé » pour Luis Garcia (1973-1980) ou « Arcane » pour Brocal Remohi (1974-1979) dans Pilote et « Les Commandos de la nature » pour Aldoma Puig dans Spirou (1973-1975), puis collaborant à L’Histoire de France en BD des éditions Larousse, à partir de 1977.
Pour Pif gadget, il propose « Les Compagnons d’Univerzoo » avec Adoldo Usero (1974-1975) ou « Oujourou » avec Aldoma Puig (1975), adapte le feuilleton « Amicalement Votre » dessiné par Raphaël « Carlo » Marcello (1975-1977), dessinateur qu’il retrouve, toujours dans Pif gadget, avec les aventures du jeune gaulois Taranis, à partir de 1977.
Deux ans plus tard, il signe aussi « Félina » pour Annie Goetzinger – voir Annie Goetzinger : des premiers pas déjà tout en élégance… et Annie Goetzinger : l’élégance est à Blois ! - dans Circus (série poursuivie dans Pilote en 1982 et dans Charlie mensuel en 1985) et « Gigantik » dessiné par Josep Maria Cardona dans Zack en Allemagne (et Super As en France).
On lui doit également des collaborations avec ses compatriotes Alfonso Font (« Sylvestre » ou « Tequila Bang » dans le magazine espagnol La Calle, « Les Compagnons d’Atlantis » dans Zack/Super As en 1980), Antonio Parras (« Les Inoxydables » dans Charlie mensuel en 1982 et dans Pilote & Charlie de 1987 à 1989), Victor de la Fuente (« Les Anges d’acier » dans Pilote en 1983 et dans Charlie mensuel en 1984, « La Sibérienne » dans L’Écho des savanes en 1986 et « CÅ“ur de fer » dans Okapi), Jesús Redondo (« Five on the Pacific » dans I Love English)…
De retour en Espagne, il scénarise un ouvrage célébrant le cinquantième anniversaire de la Guerre civile aux éditions Norma et devient le rédacteur en chef de TBO pour Ediciones B (en 1987), où il reprend « Capitan Trueno » en 1989 (dessiné notamment par Jesús Blasco, Luis Bermejo, Jesús Redondo et, plus tard, J. M. Burns), puis collabore aux nouvelles revues espagnoles : Zona 84, Cimoc... En Espagne, il est aussi le traducteur des aventures d’Astérix.
Victime d’un AVC, il signe un ouvrage sur sa maladie, tout en poursuivant ses activités.
Aussi à l’aide dans l’écriture de séries populaires que d’ouvrages plus sérieux, ce chevalier des arts et lettres (en 1998) avait été un temps le compagnon de la dessinatrice Annie Goetzinger.
Henri FILIPPINI