Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...Des touts petits aux plus grands, de bonnes bandes dessinées jeunesse pour l’été…
Un ours et un lapin philosophes, le journal intime d’une adolescente rebelle — forcément rebelle —, des trolls irascibles, une jeune détective perspicace et trois petits cochons musiciens sont au menu de cette chronique. De quoi vous mettre en appétit de lecture avant notre pause estivale.
Nous détaillerons, dans cette chronique, quelques titres dont nous avons apprécié la lecture, qui nous ont amusés, détendus ou transportés dans un autre univers. Des bandes dessinées dont nous conseillons la lecture à de jeunes et de moins jeunes lecteurs. Nous allons maintenant les détailler, en commençant par celles qui s’adressent prioritairement à un public ado-adulte et en terminant par celles pour les plus jeunes.
D’abord, un coup de cœur pour un livre et un auteur rare, « Gros Ours et Petit Lapin » de Nylso. Dans une nature libérée de toute présence humaine, un ours, bienveillant et débonnaire, discute avec un petit lapin, certes égotiste, mais à l’esprit vif. Ils enchaînent de belles joutes verbales sur les sujets les plus variés ; de l’existence de Dieu à la disparition des abeilles ou de l’importance du respect des règles de savoir-vivre dans une relation amicale à la recherche de soi.
Dans cette fable philosophique, les sujets les plus sérieux prennent appui sur des petits riens du quotidien, avec des dialogues souvent proches du non-sens comme celui-ci :
« Petit lapin : — Tiens, cette nuit, j’ai pensé à un truc pour nous simplifier la vie.
Gros Ours : — J’ai tout lieu de penser que cette décision simplifiera ta vie, pas la mienne.
PL : — Une idée simple qui simplifie tout.
GO : — Le fascisme ?
PL : — Mais non ! tais-toi,
GO : — Je veux bien.
PL : — Ah ! Tu veux bien te taire ? Mais c’est parfait.
GO : — C’était ça ton idée géniale pour nous simplifier la vie ? »
Fin de la planche, case muette.
On prend vite goût à ces dialogues amusés lors de déambulations poétiques et philosophiques dignes des penseurs grecs de l’Académie et du premier Lycée. L’auteur y fait preuve d’une grande sensibilité pour jeter, sur ses planches, ses questionnements intimes sur le sens de la vie, la peur de la solitude ou les difficultés à devenir soi-même. Ses méditations sont régulièrement ponctuées de planches muettes, contemplatives, dans lesquelles la nature reprend ses droits, n’y sont représentés que les éléments naturels, vent, roches, végétaux ou cours d’eaux.
Graphiquement, Nylso est minimaliste, mais même quand il fait le minimum, il réussit à étonner : son dessin fluet au Rotring taille 0,1, ses cases sans cadre de taille réduite et ses dessins pleine planche faite de hachures, de touches minuscules, donnent à ces pages un charme indiscutable. Ses deux personnages, qui plus est, ont quelque chose d’attendrissant : le duo de caractères opposés fonctionne on ne peut mieux. Quant aux décors en pattes de mouche, ils ont l’indiscutable capacité à faire rêver sur cette nature vivante, que les hommes ont trop souvent tendance à négliger et à oublier.
Contre les moments d’anxiété voire d’angoisse, nous conseillons la lecture de « Gros Ours et Petit Lapin », une bande dessinée apaisante, naturellement profonde, fruit de six longues années de travail d’un auteur trop rare. Vous pouvez retrouver les travaux de Nylso sur son blog.
Le vingt et unième volume de « Trolls de Troy » confirme le succès de cette série d’heroic-fantasy, dérivée de « Lanfeust de Troy ». Succès mérité tant Christophe Arleston réussit à nous surprendre par de nouvelles inventions dans le monde de Troy.
Sur cette planète, les humains disposent tous d’un pouvoir magique aléatoire. Ils sont cependant dominés par des peuplades trolls, « Quand le troll parle, l’homme avisé l’écoute » : devise trolle bien connue. Les trolls sont des créatures velues, toujours affamées, d’une force phénoménale qui ne craignent qu’une chose : l’eau qui pourrait les laver et chasser leurs précieuses mouches.
Dans cet épisode, la jeune Waha est obligée d’accepter la présence de chercheurs d’or près du village de Phalompe, car deux jeunes trolls sont menacés de baignade par des prospecteurs. La fièvre de l’or s’empare alors de toute la région, des hordes d’humains creusent des trous jusqu’au milieu du village troll.
Réfugiés dans la montagne, le troll Teträm et sa tribu vont trouver le moyen de récupérer leur village. Pour cela, à l’aide d’un trésor protégé par un dragon, ils réussissent à dévaluer le cours de l’or pour que l’économie de la ville d’Eckmül s’écroule. Tout finira bien lors d’un banquet bien garni. À noter, pour cette série qui se déroule 300 ans avant les aventures de Lanfeust, la qualité du dessin de Jean-Louis Mourier : dynamique, inventif dans les décors et précis dans l’expression des émotions humaines et « trolliennes » !
Il y a 10 ans, Marie Desplechin publiait les trois volumes du « Journal d’Aurore ». Ce roman pour la jeunesse narrait les vicissitudes de la vie d’une adolescente ordinaire de 15 ans, râleuse, paresseuse, en butte à des parents injustes, forcément injustes ! Élève en classe de 3ème, Aurore a du mal trouver sa place dans la cellule familiale, coincée entre une sœur aînée franchement rebelle et une petite sœur surdouée. Entre sarcasmes et provocations gratuites, elle cherche à s’affirmer, souvent en pure perte.
Agnès Maupré adapte le journal intime d’Aurore avec le trait vif et stylisé qu’on lui connaît depuis « Milady de Winter » et « Le Chevalier d’Éon ». Voilà une bonne occasion de plonger au cœur des tourments adolescents en suivant les pensées d’Aurore sur son année de troisième, de la rentrée jusqu’au brevet, de la morosité de l’automne aux premières fois de juin ; première fugue, première fête, premier concert, avec une question qui demeure : Comment je vais m’habiller ? Comment je vais m’habiller ? Comment je vais m’habiller ?
Beaucoup d’humour et de tendresse dans ce journal intime bientôt adapté au cinéma par Émilie Deleuze. Après avoir obtenu le Prix du public au Festival de Berlin, catégorie jeune public, la sortie du film sur les grands écrans hexagonaux est prévue pour le début de l’année 2017.
Philippine Lomar est une jeune fille plus jeune, mais plus décidée qu’Aurore. À treize ans et demi, elle sait ce qu’elle veut faire plus tard : détective privée. Elle a déjà trouvé sa devise : « J’écrabouille les embrouilles »
Une jeune collégienne d’origine chinoise, Swong, lui demande de la dépêtrer d’une histoire de racket dont elle est victime. Philippine commence ses investigations et découvre une affaire d’extorsion beaucoup plus grave que du simple harcèlement à la sortie de l’établissement scolaire. Pour dénouer tous les nœuds de l’intrigue, la jeune détective dispose d’atouts non négligeables : son sens de la répartie, sa qualité d’observation, des amis atypiques et serviables (Gégé, le gérant de casse automobile et Mok, le colosse fan de hockey-surglace).
Les amoureux de la série noire auront fait le rapprochement : le nom Philippine Lomar est une référence en forme d’hommage au détective créé par Chandler, Philip Marlowe. L’auteur de théâtre et de polars pour adultes Dominique Zay s’est plu à créer cette jeune détective qui peut tromper ses adversaires en maniant le verbe comme une héroïne des films dialogués par Michel Audiard dans les années 1960-1970. Parfois inspiré par l’univers graphique du manga, Greg Blondin apporte son trait dynamique, simple sans être caricatural, à ce polar qui dispose d’une vraie intrigue. Il respecte donc l’intelligence des jeunes lecteurs.
Scénariste italien de bandes dessinées jeunesse d’excellentes factures comme « Cruelle Joëlle » ou « 10 Petits insectes », Davide Cali nous conte l’histoire de trois petits cochons musiciens dans « Les Bacon Brothers ».
Dans cette version décalée et drolatique des « Trois Petits Cochons », Somkey, Pinky et Angus, trois cochons amateurs de chips, forment un groupe de Rock-à -Billy improbable en tournée aux États-Unis, 20 ans après leurs précédents concerts. C’est leur manager, un loup finalement sympathique, qui a organisé ce road-trip de la côte atlantique au littoral pacifique des USA.
Ronan Badel apporte sa palette de couleurs pastel aux dessins tout en rondeur qui illustre ce conte moderne et bon enfant destiné aux jeunes lecteurs. Bassiste passionné, Davide Cali, fournit une chanson officielle à cet ouvrage musical, « Let the Good Times Roll » est disponible ici .
Il est temps pour moi de vous laisser profiter de vos vacances et de jouir des miennes. Pour les lectures de vos chères têtes blondes, n’hésitez pas à consulter les chroniques de l’année écoulée. On se retrouve à la fin du mois d’août pour les bandes dessinées jeunesse de la rentrée. Bonnes vacances à tous.
Laurent LESSOUS (l@bd)
« Gros Ours & Petit Lapin » par Nylso
Éditions Misma (20 €) – ISBN : 978-2-9162-5450-0
« Le Journal d’Aurore T1 : Jamais contente… toujours fâchée »
par Agnès Maupré et Marie Desplechin
Éditions Rue de Sèvres (15 €) – ISBN : 978-2-36981-227-2
« Trolls de Troy T21 : L’Or des Trolls » par Jean-Louis Mourier et Christophe Arleston
Éditions Soleil (12,50 €) – ISBN : 978-2-3020-5207-9
« Philippine Lomar T1 : Scélérats qui rackettent » par Greg Blondin et Dominique Zay
Éditions de la Gouttière (12,70 €) – ISBN : 979-10-92111-36-1
« Les Bacon Brothers » par Davide Cali et Ronan Badel
Éditions ABC Melody (14 €) – ISBN : 978-2-36836-079-8