Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Deathco » T1 & 2 par Atsushi Kaneko
Un nouveau manga d’Atsushi Kaneko est toujours un événement. Que de chemin parcouru depuis la publication de son premier titre en France : « Bambi », chez l’éditeur IMHO ! C’est dorénavant la prestigieuse maison Casterman qui s’occupe de l’auteur, lequel revient à ses premiers amours : un univers complètement déjanté où la violence gratuite règne en maître. Avec « Deathco », on est très loin de son polar « Wet Moon » (prix Asie de l’ACBD de 2014). Bienvenu dans un monde d’horreur où le meurtre est omniprésent.
Deathco est une jeune fille à l’allure grunge gothique, en permanence sous amphétamine. Elle n’aime personne et personne ne l’aime, sauf peut-être Madame M. qui apprécie en elle ses talents d’assassin. Sous ses airs d’ado en crise, Deathco est une tueuse sanguinaire. Elle vit avec Madame M. dans un château médiéval au bord d’une falaise où elle passe son temps à confectionner des armes improbables à partir de poupons de plastiques. De quoi étrangler, scier ou exploser ses adversaires. Deathco ne choisit pas ses cibles au hasard, dans le monde où elle vit, c’est la Guilde qui régit qui doit vivre ou mourir. L’organisation envoie simplement des dossiers sur les personnes à trucider à tous les tueurs susceptibles d’accepter le contrat. Tout le monde peut se prétendre tueur d’un jour : il suffit d’être habillé de manière improbable et de ne pas avoir peur de la concurrence. Personne ne connaît la Guilde, personne ne sait quelles sont ses motivations, même si, apparemment, ses demandes semblent légitimes vis-à -vis du profil mafieux des victimes. En revanche, la personne ayant exécuté le contrat se voit rémunérer comme il se doit. Un travail somme toute banal dans le monde de Deathco.
L’univers d’Atsushi Kaneko flirte avec le punk rock depuis ses débuts. Son graphisme, qui joue sur les ombres bien noires et la lumière crue, laisse peu de place aux trames, contrairement aux autres mangas. Il faut plutôt chercher les influences de ce dessinateur auprès des meilleurs auteurs américains. « Deathco » est un récit déjanté qui tranche avec le calme paisible et torturé de son précédent titre : « Wet Moon ». « Deathco », c’est du divertissement à l’état pur, sans prise de tête, mais aussi sans réelle cohérence avec notre monde. La mort y est banale, les protagonistes improbables et les animaux, à l’instar de la chauve-sourie à longues pattes de l’héroïne, fantasmagorique.
« Deathco », c’est Bella Lugosi jouant dans « Orange mécanique », une série Z critique de la société de consommation, un exutoire au milieu de la production trop formatée des mangas mainstream. À lire pour le plaisir d’une violence malsaine, mais esthétique.
« Deathco » T1 & 2 par Atsushi Kaneko
Éditions Casterman, collection Sakka (8,45 €) – ISBN : 9782203098428