Dix ans après la parution de « Résurrection », la première partie d’un diptyque accouché dans la douleur, voici enfin « Révélations » : conclusion du dernier récit du regretté Philippe Tome, décédé alors qu’il travaillait sur les dernières pages de son scénario. Les éditions Dupuis proposent, enfin, l’intégralité de cette aventure magistralement dessinée par Dan Verlinden, digne successeur de ses deux prédécesseurs : Luc Warnant et Bruno Gazzotti.
Lire la suite...« Paysage au chien rouge » par Bruno Le Floc’h
Bruno Le Floc’h fait partie de ces artistes disparus au moment où ils acquéraient une notoriété tout à fait méritée et dont, nouveauté après nouveauté, le talent et l’originalité sautaient aux yeux. C’est pourquoi la réédition de titres épuisés est une aubaine, et plus encore quand il s’agit d’éditions amoureusement peaufinées et enrichies…
« Paysage au chien rouge », édité pour la première fois en 2007, est d’abord l’histoire d’un tableau qui va faire un drôle de voyage… Quand on sait qu’il s’agit de « L’Origine du monde » de Courbet, le voyage n’en est que plus énigmatique car le récit de Le Floc’h n’a pas pour héros Courbet, mais Gauguin ! Ce Gauguin-là, en 1894, séjourne en Bretagne en compagnie d’Annah la Javanaise. C’est la cinquième fois que Gauguin s’installe à Pont-Aven et c’est là qu’un étonnant commanditaire lui propose un travail farfelu : couvrir de sa peinture le tableau de Courbet pour pouvoir le faire circuler très loin des côtes bretonnes afin de satisfaire un collectionneur d’art turc, Orhan Bey. Gauguin comme beaucoup d’artistes a besoin d’argent et cette commande qui ne valorise pas son art mais peut garnir son porte-monnaie est finalement acceptée, et même honorée.
Quand l’album commence, le voyage du tableau est presque terminé. Il va bientôt être livré au client, près d’Aden, rien de moins ! La chaleur est accablante, les dunes orangées cuisent au soleil et un chamelier attend… Tout avait commencé, en fait, à La Valette, à Malte, où le marin contrebandier Hélias Dall a accepté la commande d’Orhan Bey qui sait qu’avant lui un autre Turc possédait le tableau « scandaleux » et charnel, le diplomate et mécène Khalil-Bey. Mais c’est à Pont-Aven que se situe l’essentiel de l’histoire, en compagnie de Gauguin entouré d’amis, dont est montrés la vie quotidienne, ses amours, ses embrouilles (l’altercation bien réelle à cause d’Annah, femme de couleur), ses doutes…
Pourtant tout cela n’est que fiction, habile, séduisante, ponctuée de détails vrais que relèvent et explicitent Brieg Haslé-Le Gall dans sa postface riche et documentée, agrémentée de crayonnés et de recherches de Bruno Le Floc’h, une postface où l’on découvre notamment origines et anecdotes rattachées au titre de l’album. En avant-propos, Estelle Guille des Buttes-Fresneau apporte d’utiles informations sur l’école de Pont-Aven. Autant dire qu’encadré d’un tel appareil critique, « Le Paysage au chien rouge » n’aura plus de secrets pour ses lecteurs. Mais il gardera toujours sa part de fascination, celle née d’une uchronie facétieuse cachée sous les couleurs éblouissantes de Bruno Le Floc’h.
Alors, bon voyage !
Didier QUELLA-GUYOT : L@BD->http://9990045v.esidoc.fr/ et sur Facebook.
Toutes les chroniques BD Voyages = http://bdzoom.com/author/didierqg/
« Paysage au chien rouge » par Bruno Le Floc’h
Éditions Locus Solus (17 €) – ISBN : 978-2-36833-095-1
Rappel : chronique ici-même de « Chroniques outremers : intégrale »