Désormais privé de son regretté scénariste et ami Hubert, le dessinateur Zanzim nous revient en auteur complet, quatre ans après le succès public et critique de leur « Peau d’homme » (1), avec un roman graphique aussi drôle que tendre et profondément humaniste. Il nous narre l’histoire tragico-comique de Stanislas : un petit – 1,57 m — vendeur de chaussures introverti, complexé et fétichiste, rejeté par tous. D’autant plus qu’il n’est également pas très grand dans sa tête, car il se comporte, la plupart du temps, de façon carrément maladive par rapport aux femmes (surtout si elles sont de grandes élégantes !) et que son gabarit va encore diminuer après avoir fait le vœu de devenir « un grand homme », au point de n’être pas plus grand qu’un insecte… : mais, au fait, que signifie être un grand homme ?
Lire la suite...« Nains T1 : Redwin de la Forge » et « T2 : Ordo du Talion » par Pierre-Denis Goux, Stéphane Créty et Nicolas Jarry
Inscrits dans le même univers Fantasy que la foisonnante série à succès « Elfes » (11 volumes déjà parus depuis 2013), voici désormais les « Nains » ! Soit 5 nouveaux titres programmés de juin 2015 à août 2016, tous scénarisés par Nicolas Jarry en compagnie d’illustrateurs différents, dont Pierre-Denis Goux pour « Redwin de la Forge » et Stéphane Créty pour « Ordo du Talion ». Le premier titre illustre la quête de pouvoir d’un jeune forgeron capable de créer des armes chargées d’une magie destructrice, et le deuxième celle d’un apprenti-assassin, guidé par la vengeance contre ses sombres maîtres…
Il suffit d’avoir parcouru des œuvres aussi légendaires que « L’Anneau du Nibelung » (Wagner, 1849 à 1876) ou « Le Seigneur des anneaux » (Tolkien, 1954 – 1955) pour savoir l’essentiel sur ceux que l’on nomme les « Nains ». Décrits dans un grand nombre de contes et légendes comme des créatures humanoïdes imaginaires et souterraines de petite taille, leur figuration actuelle est principalement issue de la mythologie nordique et des croyances germaniques médiévales. Comme le lutin, le gobelin et le gnome, avec lesquels il est souvent confondu, le nain fait partie du « petit peuple », généralement confronté à ces autres espèces que sont les Géants, les Fées, les Elfes, les Orcs… et les Humains. Associés au monde infra-terrestre et aux connaissances des métaux (dans les récits nordiques, les nains créent Mjöllnir, le marteau de Thor), on les verra assez régulièrement représentés – via le Jeu de rôle (dont « Warhammer » et « Donjons & Dragons ») ou le Cinéma de genre (« Willow ») – comme des mineurs ou de très habiles forgerons (voir Bès et Ptah dans la mythologie égyptienne ou Héphaïstos/Vulcain), de farouches gardiens de trésors (ou de secrets) insondables sous la montagne ; ou plus simplement comme de redoutables guerriers, puissamment armés de marteaux, de haches ou de lourdes épées !
Intrépide et rarement neutre, le nain (dont le caractère sempiternellement bourru est connoté par sa longue barbe…) peut aussi guider et conseiller, voire deviner partiellement l’avenir, par sa relation aux forces telluriques. Sous cet angle surnaturel, Nicolas Jarry forge (sic) son scénario en imaginant un forgeron apte à dominer les runes pour créer des armes destructrices, inversement aux préceptes donnés par père. S’ensuivra une descente aux enfers amorcée dès le visuel de couverture du tome 1 (paru en juin 2015), dans la mesure où Redwin (dont le nom traduit la victoire sanglante) apparaît face à ses adversaires au cœur d’une gigantesque arène, invincible, sur une pile d’armes diverses et de bouclier qui le placent d’emblée sur le podium/trône. Réduit à une lointaine silhouette à l’arrière-plan, le roi des Nains ne peut – comme on le devine – que céder sa place au nouveau « maître des runes ».
En couverture du tome 2 (paru en septembre 2015), et tel qu’imaginé par Stéphane Créty (dessinateur déjà connu pour « Hannibal Meriadec et les larmes d’Odin » ou sa reprise de « Le Sang du dragon » depuis 2011 aux côtés de Jean-Luc Istin), le nain nommé Ordo du Talion (par référence à l’antique pièce d’or utilisée par les Nains) apparaît également sous un angle peu engageant : l’ancien apprenti-assassin, devenu adulte et expert dans l’art – furtif… – de faire passer de vie à trépas, est juché sur les toits d’une cité, sous un croissant de Lune venant désigner l’atmosphère nocturne, favorite de ses actes. À la main, une dague fraichement ensanglantée ne laisse plus aucun doute sur l’habileté criminelle du personnage, tandis que cet ensemble graphique pourra évoquer quelques univers similaires : notamment la série romanesque « L’Assassin royal », adaptée chez Soleil depuis 2008, ainsi que les sagas de jeux vidéo « Thief: The Dark Project » et « Assassin’s Creed ».
Ces deux tomes de « Nains » déroulent la trame du récit d’apprentissage et de la vengeance avec énergie et conviction, parfaitement desservi par la mise en images. On se laissera donc embarquer sans difficultés entre la Cité des Sang-Mêlés et Fort Draz, en découvrant successivement au fil des albums proposés les cinq ordres du peuple Nain : la Forge, le Talion, le Temple, le Bouclier et les Errants. Nul doute que les rôlistes et bédéphiles seront désireux de s’aventurer dès le prochain titre (« Aral du Temple », à paraître en février 2016) un peu plus loin, en bordures ou au Milieu de ses Terres de Fantasy.
Philippe TOMBLAINE
« Nains T1 : Redwin de la Forge » et « T2 : Ordo du Talion » par Pierre-Denis Goux, Stéphane Créty et Nicolas Jarry
Éditions Soleil (16, 45 €) - ISBN : 978-2302046443, ISBN : 978-2302047648