On vous a déjà dit tout le bien que l’on pensait de la saga ébouriffante, délirante et jubilatoire « The Kong Crew » d’Éric Hérenguel… (1) Or, voilà que les éditions Caurette sortent une très belle intégrale de luxe de la trilogie (224 pages, dans sa version originale en noir et blanc grisé et en français) : une incroyable épopée hommage aux comics, aux pulps et aux vieux films fantastiques des fifties ! Ceci alors que le tome 3, cartonné et en couleurs, vient aussi à peine de paraître chez Ankama… La totale en noir et blanc ou les trois volumes en couleurs, vous avez donc le choix ! L’essentiel étant de ne pas passer à côté de ces aventures follement drôles, débridées et imaginatives, sous couvert de fable épique et écologique !
Lire la suite...« Le Lotus bleu », histoire d’une première édition originale…
Si vous avez envie de vous plonger dans l’univers du « Lotus bleu », au début des années 1930, si vous voulez comprendre ce chef d’œuvre d’Hergé, il est un film documentaire indispensable : « Shanghai, les années folles ». Tout y est. Vous y retrouverez l’univers insufflé par Tchang : https://www.youtube.com/watch?v=cx4K6SClB7U. Tout a déjà été écrit sur la genèse de cette aventure, collaboration incroyable de Georges Rémi et d’un jeune étudiant chinois… En revanche, l’histoire de l’édition N & B par Casterman, la première vraie originale pour cette maison d’édition, mérite d’être détaillée…
Les 6 000 exemplaires du premier tirage mettront plus de 3 ans à s’écouler, d’octobre 1936 à fin 1939. Et ce qui est considéré, à tort, comme la seconde édition de 1937 dans le « BDM » fait partie du tirage original. Cette édition, montée avec les pages de garde bleues de 1937, était même conservée par Louis Casterman dans ses archives comme la seule édition originale aboutie faisant référence.
Dans les correspondances entre Hergé et Casterman, on trouve mention pour la première fois de cette aventure dans un courrier de Charles Lesne en date du 21 janvier 1935. Il fait part de la réaction de ses enfants à la lecture de Tintin dans Le Petit Vingtième : « Es-tu fou de rendre Tintin fou : mes gosses en pleurent. Finis donc au plus tôt cette atroce plaisanterie. » À quoi Hergé répond le 22 :« Pour Tintin, rassure-toi !… Sous le sceau du secret le plus absolu, je te confie qu’il n’est pas fou !… Et sais-tu pourquoi ?… Parce que s’il était fou, l’histoire serait finie ! »
Casterman demande la priorité pour la publication des aventures de Tintin en album et l’obtient sans difficulté… pour les 80 années suivantes !
Ce n’est que 11 mois plus tard que Louis Casterman écrit à Hergé pour évoquer sérieusement le sujet, le 6 novembre 1935 : « Voilà Tintin sur le chemin du retour, après de palpitantes aventures en Extrême Orient : (…) quand comptez-vous vous mettre en mesure de réaliser ce nouvel album ? » Le même jour, dans un second courrier, Charles Lesne, probablement mandaté par son patron inquiet, aborde avec son ami la question préoccupante des droits sur la publication en album : « La maison Casterman s’est acquis une sorte de droit de priorité, d’ordre moral, sur l’édition d’autres albums (…) Je te demande de ne pas tarder à demander à ton directeur du Vingtième quelles sont exactement ses intentions. »
Ce point ne fera finalement pas de difficultés pour Étienne de la Vallée Poussin, nouveau dirigeant du Vingtième siècle et un accord sera trouvé dans les semaines qui suivront. En effet, le journal, à ce moment-là, subit des changements de direction et d’actionnaires. La prééminence de Casterman pour la publication des aventures de Tintin sera ainsi établie pour les 80 années suivantes…
Le véritable travail commence, Hergé étant très satisfait de la couverture qu’il a conçue et du titre qu’il a trouvé !
Pour faire démarrer Hergé sur ce travail, il faut la pression et l’insistance habituelles de Charles Lesne : le 3 janvier 1936 « Et le nouvel album de Tintin, on le réclame en librairie… » puis le 8 janvier 1936 : « Et pour Tintin en Extrême Orient, j’attends clichés et couverture ! » Car Hergé priorise à cette époque bien d’autres travaux : réalisation de hors-texte pour un livre sur le roi Albert, d’un catalogue livre de prix 1936 et surtout d’une nouvelle aventure dans Cœurs vaillants, « Jo Zette et Jocko »… sans compter « L’Oreille cassée » dans le Petit Vingtième.
C’est encore Lesne qui a l’initiative le 11 février 1936 : il suggère l’utilisation de la couleur, d’une part pour la couverture, en pleine page, d’autre part pour l’intérieur : soit encarter 4, 5 ou 6 hors textes, soit introduire la couleur dans chaque dessin… Et Lesne demande à Hergé de trouver un titre à cet album, comme pour « Les Cigares du pharaon »…
Enfin, Hergé réagit, le 12 février 1936, il propose : « Pour le titre, là, je suis un peu là ! Juges-en : « Le Lotus bleu !… C’est court, ça fait chinois, et ça fait mystérieux. Bon ? »
Hergé répond aussi sur la question de la couleur : il préfère garder une cohérence à la présentation des couvertures (il a peur d’un procédé couleur trop économique) et pour l’intérieur, il juge les dessins non adaptés au passage couleur et préfère nettement l’encartage de grands dessins… Il joint à ce courrier un premier projet de dessin de couverture qu’il avait fait il y a quelque temps…
Lesne répond le 15 février : « Ton projet (que je te renvoie) est épatant et peut parfaitement être réalisé au trait. Le titre “Le Lotus bleu” est excellent aussi. »
Les discussions s’engagent afin de déterminer la technique d’impression de la couverture. Hergé se heurte aux nécessités économiques imposées par Louis Casterman…
Hergé aimerait cependant que le dessin de couverture soit réalisé en trichromie. Et il s’aperçoit qu’il faudra qu’il refasse des dessins adaptés au cours de l’histoire pour les hors-texte. Le 19 février, il écrit : « En effet, ceux-ci vont tomber inévitablement (M. de la Palisse dixit) entre deux pages de dessins. (…) Corollaire : il faudra que j’en mette un sérieux coup ! Il est vrai que la nuit n’a pas seulement été faite pour les colimaçons. » À la suite de cet échange, plusieurs courriers montrent Hergé insistant pour recourir au procédé de la trichromie pour la couverture. Le 22 février 1936 : « Il doit y avoir des dégradés, des teintes fines, par exemple dans le vase et dans le lampion. Ces dégradés (…) sont nécessaires pour rendre l’atmosphère mystérieuse propre à attirer les gosses (…) j’insiste des deux mains pour que vous me laissiez au moins cette trichromie-là. (…) alors, en considération de l’effort que je fais pour vous, vous m’accorderez la trichromie ! … Et la vente vous le rendra au centuple, comme il est prouvé par les Saintes Écritures ! »
Mais Lesne objecte que le procédé est périmé, et garantit à Hergé le résultat… Alors Hergé se rend. Le 13 mars 1936, il écrit : « Sois satisfait bourreau !…La couverture de Tintin est terminée, du moins le dessin central, car le texte n’est pas encore fait. (..) J’espère aussi avoir bientôt terminé les hors-texte : il ne m’en reste plus qu’un à terminer, et puis à les mettre tous en couleurs ».
Cependant, Lesne rencontre le photograveur Malvaux dans la semaine qui suit, avec les dessins d’Hergé, pour une réunion technique. Et finalement, retournement de situation, la trichromie s’impose ! Le technicien a tranché… Jusqu’au 27 mars, où la mauvaise nouvelle tombe, le prix prohibitif de 1 150 fr pour faire le cliché. Lesne demande alors à Hergé de refaire son dessin de telle façon qu’il puisse être exécuté au « trait-couleur ». Hergé très déçu en réfère à Louis Casterman.
Celui-ci lui répond le 2 avril : « Je comprends parfaitement votre point de vue ; c’est celui de l’artiste qui désire donner à son œuvre un maximum de rendement. Je vous demande de comprendre le nôtre, qui est beaucoup plus terre à terre… »
Hergé, découragé se rend à nouveau. Le 7 avril à Louis Casterman :« Que vouliez-vous qu’il fît contre deux ? », « Qu’il mourût !… », « Je me rends donc !… » (…) ce second but me paraissait pouvoir être plus facilement atteint par un dessin créant, au moyen d’ombres et de dégradés, une atmosphère très mystérieuse, un peu louche même, qui aurait frappé les enfants. Ayant les deux dessins en présence, vous pouvez juger vous même de la différence qui existe entre celui traité de cette façon (trichromie) et celui exécuté au trait (projet) (…) Mais ici, comme il ne s’agissait pas d’une œuvre célèbre, et que je ne suis ni Rubens ni Rembrandt… »
Le 14 avril 1936, Lesne attend toujours les hors-texte en couleur. Hergé les promet en retour, ainsi que les titres « Le Lotus bleu » et « En Extrême Orient », puis les envoie le 16 avril.
Le 17, Lesne accuse réception et informe Hergé : « Nous n’avons pas encore reçu le cliché du “Dragon”, parlant ainsi de la couverture… » Ce cliché est finalement envoyé par Lesne le 28 avril : « Un seul défaut : la teinte gris sale du sol, de la tête de Milou et de celle de Tintin »….
L’album est publié, Hergé très satisfait, le contrat signé avec Casterman pour 5 800 exemplaires hors passe.
Et le 24 juin 1936, Lesne reparle de l’album : « Notre pauvre Tintin “Lotus bleu” est en panne, consécutivement à la grève des papeteries. Je veux pour cet album un papier meilleur (pur blanc) que pour les précédents… »
Le papier de l’édition originale est effectivement très blanc, légèrement vergé, et d’une qualité incroyable. Le même type de papier a été réutilisé ultérieurement pour l’impression des éditions alternées. Peut-être un stock résiduel du « Lotus » ?
Enfin, les choses s’accélèrent : le 1er juillet, envoi d’un jeu d’épreuves à Hergé. Le 3 juillet, il les renvoie avec ses corrections au crayon rouge. Le 12 août : Casterman écrit à Hergé : « Le volume sortira incessamment de presse ». L’album est imprimé et fabriqué courant septembre pour être envoyé à Hergé début octobre qui écrit le 8 : « Je viens de recevoir l’album de Tintin et j’en suis resté comme deux ronds de flan !… C’est du haut luxe et mon cri du cœur a été : “C’est trop beau pour des gosses !” Le superbe papier jaune de la couverture. Le dessin central bordé de ces minces filets rouges, les reproductions en couleur impeccables, les gardes, le beau papier de l’intérieur… »Puis le 10 octobre, Lesne adresse 25 exemplaires à Hergé pour ses « hommages d’auteur » et propose à Hergé de venir à Tournai pour des dédicaces… Le 19 octobre, Hergé témoigne qu’on lui a dit croire que les albums étaient des exemplaires de luxe.
On retrouve dans les correspondances le contrat concernant l’album « Le Lotus bleu » : 6 000 exemplaires dont 200 de passe, vendus 20 francs, dont 3 pour Hergé en droits d’auteur.
L’album, publié en octobre 1936 en librairie, mettra plus de 3 ans à s’écouler !
Le 3 novembre, Lesne témoigne de l’accueil enthousiaste de la nouvelle présentation de l’album et demande des hors-texte à Hergé pour « Les Cigares » et l’« Amérique ».
Dans un courrier du 6, Hergé est d’accord pour faire ces hors-texte et il suggère pour la réimpression prochaine du « Lotus » de « donner au côté “pile” de la couverture la liste des ouvrages déjà parus ». Lesne répond le 7 novembre : « Oui, c’est une faute si on a omis de rappeler les autres albums au verso de la couverture. On réparera… » Et le 1er décembre : « “Le Lotus bleu” se vend très bien. Il faudra, je crois bien, refaire une nouvelle édition pour la St Nicolas de l’an prochain »
Pourtant, cet optimisme sera démenti par les ventes qui décroîtront d’année en année :
— Au 1er mars 1937, il reste, sur les 6 000 exemplaires du tirage (dont 200 de passe), 2 645 exemplaires en stock magasin, 359 exemplaires au dépôt et 470 exemplaires à Paris. Donc 2 326 ont été vendus les 6 premiers mois.
— Au 30 septembre 1937, sur les 3 474 exemplaires restants de mars, 2 198 restent en stock magasin, 236 en dépôt et 513 à Paris. Seulement 527 ont donc été vendus les 6 mois suivants…
— Au 31 mars 1938, il ne reste plus que 1 743 exemplaires du « Lotus ». Donc 1 204 ont été vendus en 6 mois.
— Au 30 septembre 1938, il reste encore 956 exemplaires du « Lotus » en Belgique et 609 à Paris. Donc 178 seulement vendus les 6 mois suivants !
— Au 31 mars 1939, il en reste 355 exemplaires en Belgique et 548 à Paris. Donc 681 vendus en 6 mois…
— Et au 30 septembre 1939, il reste 287 exemplaires en Belgique et 416 à Paris. Soit 200 vendus en 6 mois. S’y ajoute un nouveau tirage de 3 730 ex. ayant eu lieu courant septembre.
Pendant ces 3 années, « Le Lotus bleu » exista en 2 versions, sans ou avec les fameuses pages de garde bleues.
En effet, le 23 juillet 1937, Lesne suggère le dessin des gardes : « Nous voudrions améliorer la présentation des gardes des couvertures. Il nous semble, à Monsieur Louis Casterman et à moi même que l’impression ton sur ton, d’un cliché représentant en une succession de dessins, les scènes les plus typiques des différents Tintins serait une bonne chose… », idée que Hergé juge excellente. Lesne engueule Hergé le 24 août : « Ou bien tu te f… de moi, ou bien… », « Je te demande aussi instamment, de ne pas tarder à m’envoyer une planche pour l’impression de la garde des albums… »
Mais Hergé part le 1er septembre en vacances une semaine sans livrer ce travail. Lesne relance le 25 septembre à propos des gardes, car rien n’est fait : « Est ce oui ou non ? Tu sais, on imprime fin de la semaine prochaine et si c’est oui, il faut te dépêcher. » Sous la pression, Hergé s’y met le 29 septembre et envoie le dessin le 5 octobre.
Le 4 novembre, les albums vont bientôt sortir. Le 10 novembre, Hergé reçoit le « Congo » avec gardes bleues et l’« Amérique » suit… Le 2 décembre, Lesne envoie 5 « Lotus » à Hergé sur sa demande. Le 16 décembre, la vente a bien marché et s’est répartie assez bien sûr les 5 volumes et pas seulement sur les 2 nouveautés : « Amérique », « Congo », « Oreille », « Lotus » et « Quick et Flupke ».
Comment l’édition avec page de gardes bleues s’est-elle substituée à celle avec pages de garde grises en octobre 1937 ? S’est-elle d’ailleurs vraiment substituée ? Et finalement, quelle partie du tirage fut réalisée sans et avec pages de garde bleues ?
L’exemplaire avec pages de garde bleues conservé par Louis Casterman (comme le mentionne le tampon « bureau de Monsieur Louis ») était chez Casterman le seul exemplaire du « Lotus bleu » N & B référencé avec l’édition de 1939. Louis Casterman devait sans doute considérer cette version comme l’édition originale de référence, aboutie, puisque comportant les pages de garde bleues. Cet exemplaire est d’ailleurs annoté par Charles Lesne, celui-ci ayant compté le nombre de pages, au total 140 (132 pages d’histoire incluant les 5 dessins hors-texte + 8 pages de garde et titre, intitulées « H.T ».), probablement au moment de calibrer à la baisse le tirage suivant qui fera 130 pages. Une dizaine d’années plus tard, Gérard, frère de Louis, entreprit de classifier tous ces albums. La numérotation date de cette époque, fin des années 1940, alors que le tampon et les mentions manuscrites datent de 1937 ou 1938…
Hormis les pages de garde, aucune différence ne caractérise les 2 versions de l’édition originale, que ce soit le nombre de pages, la position des hors-texte, la qualité du papier, les pages blanches de début et de fin (parfois manquantes sur nombre d’exemplaires), la reliure en dos tissu rouge…
Deux hypothèses peuvent expliquer la présence de cette version dite « de 1937 » :
1- Le stock magasin non vendu fin 1937 (2 198 exemplaires) n’était pas encore relié et ce reliquat fut monté avec les pages de garde bleues à partir de cette date. Plus de 2 000 exemplaires seraient donc en pages de garde bleues. À l’encontre de cette hypothèse, il faut être conscient que l’ensemble du tirage (5 800 exemplaires hors passe) était, depuis 1936, soit en stock magasin, soit en dépôt, soit en France, comme le montrent les relevés ci-dessus. Or nous avons interrogé Étienne Pollet à ce sujet. Il pense que les recensements en stocks magasin ou au dépôt concernaient des albums complets : « Le “Magasin Edition” (l’appellation est restée jusqu’à la fin du siècle) était le lieu principal de stockage et de préparation des commandes des libraires, à la rue des Sœurs noires. Il doit s’agir d’albums complets, dans tous les cas. » Pourtant Marcel Wilmet, que j’ai consulté sur ce sujet, favorisait spontanément cette hypothèse : « Je suis à peu près certain que c’est la première hypothèse qui est correcte. L’assemblage final se faisait souvent à différents moments de la production générale de Casterman, un peu, en effet, selon les ventes. C’était un travail manuel et je pense qu’on faisait appel aux “assembleuses” quand on calculait les besoins pour les livraisons. Le tirage original de 6000 exemplaires était en fait gigantesque, vu les ventes de l’époque. Tout monter en une fois, n’avait pas beaucoup de sens, une fois qu’on savait que les commandes ne suivaient pas. » Et force est de reconnaître qu’on trouve nombre d’éditions N & B avec des cartonnages de différentes époques, ne serait-ce que celle du « Lotus » de 1939… De plus, des demandes de consommation de papier datant de la guerre, que nous avons consultées, évoquent bien des « volumes en feuilles en magasin » (voir document en photo). Cette pratique semblait donc bien exister.
2- Les albums avec pages de garde bleues seraient des exemplaires défectueux du tirage de 1936, dans lesquels les pages 10 (page à la carte) et 11 avaient été inversées, mis de côté lorsque l’erreur fut identifiée, pour être montés (ou remontés) en 1937 avec remise en ordre des pages. Cette dernière hypothèse, mentionnée au « BDM » depuis une quarantaine d’années nous paraît également possible. Dans l’exemplaire 1937 de Louis Casterman, nous observons d’ailleurs une mention manuscrite page 11 ayant peut-être trait à ce remontage (nous n’avons pas pu la déchiffrer). On parlerait dans ce cas d’un petit nombre d’exemplaires.
À noter que nous n’envisageons pas une 3ème hypothèse : que Casterman ait procédé à un tirage supplémentaire en 1937 et ait abusé Hergé sur les chiffres de vente de cet album jusqu’en 1939 ! C’est de toute façon une hypothèse fantaisiste, car un second tirage n’apparaît nulle part dans les relevés des correspondances.
Les albums en pages de garde bleues constituent donc bien, quelle que soit l’hypothèse, une petite partie de l’édition originale montée (ou remontée) avec des pages de garde de 1937. Soit l’édition de 1936 avec gardes grises fut en vente en magasin jusqu’en 1939, et la version gardes bleues ne s’y est pas substitué à partir de 1937, mais était seulement une version particulière de l’édition originale sur un tirage limité (hypothèse 2), soit l’édition pages de garde bleues s’y est substitué complètement en 1937 voire plus tard (hypothèse 1)…
Un second tirage de 3 730 exemplaires fin 1939…
Le retirage n’aura lieu qu’en septembre 1939 à 3 730 exemplaires, dont 330 en passe et exemplaires d’auteur, la principale différence étant le nouveau 1er plat avec la signature Hergé en tête de couverture et la disparition du « reporter en Extrême-Orient », un grand dessin de Tintin en page de titre et seulement 4 hors-texte sur 126 pages… Casterman a écoulé pour ce tirage 4 types de 4ème plat – vierge, A5, A9 et A14ter- avec de multiples combinaisons de pages de garde, bleues, blanches ou grises. Casterman a même utilisé un reliquat du 1er plat de l’édition originale pour cette édition (avec un 4ème plat A5).
Ce second tirage ne fut distribué qu’en Belgique (car les relevés de Paris montrent que le premier tirage n’a fini de s’y écouler qu’au 31 mars 1942). Il fut vendu en 18 mois, donc un peu plus vite que le premier…
Telle fut l’histoire de cette édition originale mythique… Une histoire qui garde un parfum de mystère, pour un album qui exercera encore longtemps sa fascination sur les collectionneurs.
Gilles FRAYSSE
Mes remerciements à Étienne Pollet pour ses précieux conseils, sa connaissance et ses souvenirs, vus de l’intérieur de la maison Casterman de l’époque, ainsi qu’à Marcel Wilmet qui, le premier, a permis d’y voir clair dans ces différentes éditions et m’a conseillé aussi pour cet article.
Très intéressant. Mais le problème des BD, c’est le stockage, la place…
https://www.youtube.com/watch?v=3e1Laa2hGe0
J’applaudis la qualité de l’article, c’est du copieux, bravo !
Le Lotus Bleu est sans aucun doute une des plus grandes oeuvres de l’histoire de la BD
Félicitations Gilles.
Commentaires tout à fait remarquables…
Article très bien documenté ,
tant sur le plan graphique ….
Que sur base des documents d’époque ,
Ce qui est fondamental pour mener des recherches pertinentes.
Reçois mes félicitations pour ce remarque travail de recherche,de présentation bien illustrée,de réflexions et d’hypothèses parfois novatrices, dignes d’enrichir de la plus belle manière notre connaissance sur la genèse et les premières années de ce véritable « bien culturel mondial » que représente l’aventure du « Tintin en Extrême -Orient,devenue par la suite « Le Lotus Bleu ».
Bien cordialement
Bernard Soetens
( Librairie SCRIPTURA)
Cet article est un modèle du genre, très impressionnant.
Au plus près de l’oeuvre dans son processus d’impression, documents à l’appui.
Quel chemin parcouru depuis les premiers recensements !
Merci pour ces remarques qui m’encouragent à continuer ce travail. Je prépare une étude de l’ Oreille Cassée en couleur pour la fin de l’année.
Bien à vous, Gilles
Précis , détaillé, passionant. Merci
Excellent ! Etude complète et passionnante. Je suis à la recherche d’un exemplaire neuf du fac-similé paru en 1985 de l’édition d 1936.