Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Le retour d’Akira Toriyama…
Star des années 1980 avec « DragonBall », Akira Toriyama se faisait discret dans l’univers du manga depuis la fin de sa poule aux œufs d’or. Les fans sont d’ailleurs « plus ou moins » ravis de voir Sangoku et ses amis revenir dans une nouvelle série télé diffusée au Japon depuis cet été. Sobrement intitulée « Dragon Ball Super », elle reprend l’histoire là où les spectateurs l’avaient laissée, c’est à dire avec Goku revenu d’entre les morts (encore) et marié avec Chichi. La terre fut sauvée, soi-disant grâce à Mister Satan qui récolte tous les honneurs. Les habitants ayant eu leur mémoire effacé, ils ne savent pas que c’est plutôt un Saiyan en kimono orange qui a protégé l’univers. Mais revenons au manga, Toriyama ayant donné le meilleur de lui même (et parfois le pire, mais les fans appréciant, pourquoi s’arrêter ?) a décidé d’expliquer la genèse de sa série que Glenat nous propose enfin aujourd’hui en langue française.
Ce n’est donc pas un, mais deux beaux mangas d’Akira Toriyama qui sont sortis cet été : « Jaco The Galactic Patrolman » et « Katsuraakira ». Ces recueils sont lisibles indépendamment l’un de l’autre, voir même de la série « Dragon Ball » puisque ce sont des histoires courtes autoconclusives. Enfin, courtes, tout est relatif, cela oscille entre une vingtaine de pages à plus d’une centaine. Cela reste du manga avec une pagination toujours élevée. Concernant la présentation, il n’y a quasiment aucune des pages couleur d’origine, et c’est bien dommage. Néanmoins, le format, identique à celui des volumes de la collection Dragon Ball Perfect Edition, est grand, soit 14,5 x 21 cm.
Quid du contenu ? Commençons par « Jaco The galactic patrolman ». Un autocollant rouge est positionné bien en évidence sur la couverture pour informer que ce manga présente les origines de « Dragon Ball ». En effet, les aventures de Jaco se passent sur terre dans un environnement qui est familier pour les fans. Bulma n’est encore qu’une enfant et n’apparaît que vers la fin du volume. La première partie nous permet de suivre les pérégrinations de Jaco, un patrouilleur galactique s’étant malencontreusement écrasé sur notre planète. Même s’il se présente comme l’élite de la surveillance de l’espace, cet extraterrestre semble un peu simplet malgré sa force incommensurable. Du coup, son attitude et sa suffisance serviront de relent comique tout au long de l’aventure. Afin de remettre en marche son vaisseau accidenté, il faudrait trouver une quantité considérable d’un métal rare, le Skygold. Dans cette quête, il va être aidé par un vieux scientifique qui vit en ermite sur une île isolée depuis la mort de sa femme. Toriyama semble apprécier les personnages de vieux sage, ce qui n’est pas sans nous rappeler Tortue Géniale ou Senbei Norimaki de « Docteur Slump ». Ce qui est plaisant avec « Jaco The galactic patrolman », c’est que l’on retrouve ce qui faisait la force de « Dragon Ball » à ses débuts : de l’humour, des personnages étranges, mais charismatiques, des filles fortes, des décors soignés et des véhicules étonnants. En fin de volume, une histoire de 16 pages présente les vraies origines de Sangoku. Les fans ne découvriront rien, tout a déjà été dit sur le sujet, mais c’est pourtant la première fois que c’est mis en image dans une histoire indépendante. Ces origines rappellent étrangement celle de Superman sauf qu’ici, le peuple extraterrestre des Saiyans est loin d’être pacifique contrairement aux Kryptoniens.
Quant au second manga, c’est un travail à quatre main entre Akira Toriyama au design et scénario et Masakazu Katsura au dessin. D’où le titre « Katsuraakira » reprenant le nom des deux auteurs. Dans ce recueil de deux histoires, il est également question de patrouilleur galactique dans l’univers de « Dragon ball ». Katsura et Toriyama sont de grands amis de longue date et le premier avait toujours souhaité dessiner sur un scénario de son aîné. Le résultat est à la hauteur de la réputation de ces deux géants du manga. Les deux histoires imaginées par le créateur de « Dragon Ball » sont proches de ce qu’il faisait à l’époque dans « Dr Slump », c’est à dire déjanté tout en étant extrêmement cohérent. Le dessin de Masakazu Katsura est lui, toujours impeccable. Ce n’est ni un graphisme à la « Video Girl » ni à la « Zetman », pourtant, la patte du maître est bien là , immédiatement reconnaissable. La première histoire, très courte, narre les aventures d’une peuplade extraterrestre type céphalopode, pacifiste. Ne sachant se battre, elles ont envoyé sur terre deux émissaires devant rentrer en contact avec un champion des arts martiaux qui pourrait vaincre les trois malfrats qui terrorisent leur planète. Sachié, une jeune fille un peu gourde va embarquer avec eux après leur avoir fait croire qu’elle était très forte, car descendant d’une lignée de ninjas. En effet, l’histoire nous montrera qu’elle sait s’y prendre avec les bandits, malgré son air nonchalant. Pour cette histoire, Katsura a adapté son trait afin de coller à l’univers de Toriyama. Il est clair, anguleux, mais rempli de pleins et de déliés exagérés. Les protagonistes sont cerclés d’un gros trait noir et leurs attitudes sont disproportionnées. Bien sûr, Katsura oblige, le fan service est omniprésent, l’héroïne montrant sa culotte à la moindre occasion. Il faut dire qu’elle a la particularité d’avoir une tache de naissance reprenant le logo de la patrouille galactique sur la fesse gauche.
La seconde histoire, bien plus longue, nous ramène toujours du côté des patrouilleurs galactiques. Jiya, membre de ce corps d’élite, est envoyé sur terre suite à un rapport accablant d’un de ses collègues. Or, ce rapport semble bien loin de la réalité, la terre n’est pas la planète médiocre qui lui avait été décrite. Confronté à des bandits de grand chemin, il sauve une riche héritière et son majordome. Cette rencontre est sujette à de nombreux quiproquos rendant le côté naïf de l’extraterrestre hilarant. Là encore, le scénario de Toriyama fait mouche, tout comme le graphisme. Katsura est au meilleur de son art, il s’éclate dans un univers qu’il affectionne, celui des super héros, tout en transcendant le côté burlesque de certaines situations. Un mélange entre « Zetman » pour la maturité du trait et « Wingman » pour la mise en scène.Â
Si vous êtes fans de Toriyama, vous vous devez de prendre ces deux volumes. Cela faisait des années que l’on attendait en français ces histoires. Les amateurs de « Dragon Ball » retrouveront le charme de la série d’origine. Les fans exclusifs de Katsura ne prendront que le second recueil « Katsuraakira ». Mais, quel que soit votre choix, vous passerez, assurément, un bon moment.
Gwenaël JACQUET
« Jaco The Galactic Patrolman » par Akira ToriyamaÂ
Édition Glénat (10.75 €) – ISBN : 978-2-344-00660-3
« Katsuraakira » par Masakazu Katsura et Akira ToriyamaÂ
Édition Glénat (10.75 €) – ISBN : 978-2-344-00648-1