Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Covergirls, les héroïnes de DC Comics » par Louise Simonson
Les super-héros, c’est bien… mais les super-héroïnes, c’est mieux ! Enfin moi j’trouve… Il se passe quelque chose d’assez extraordinaire, quand c’est la gente féminine qui reçoit des super-pouvoirs et les utilise… Elle en fait souvent autre chose que ses congénères testostéronés, et le port du costume lui va si bien qu’elle incarne avec délice, charme et sensualité, le good girl art, devenant de véritables pin-ups – surtout en couvertures de comics. C’est bien le sujet de ce beau livre signé Louise Simonson qui revient sur les figures féminines les plus emblématiques de DC, abondamment illustré par de très nombreuses couvertures de toutes époques…
L’intérêt de cet ouvrage, c’est indubitablement son iconographie assez riche qui nous fait voyager dans l’univers féminin de DC avec générosité. Un vrai plaisir, que de pouvoir admirer toutes ces couvertures qui ont émaillé l’histoire de DC Comics depuis ses débuts, avec ses plus fières héroïnes mises en majesté dans des visuels tour à tour charmants, glamour, tragiques, sexy, envoûtants… Avec une ironie mordante, dans sa préface, Adam Hughes (l’un des meilleurs dessinateurs de super-pin-ups) rappelle combien le sex-appeal d’une super-pépée qu’on met en couverture a toujours été vendeur ! Et c’est vrai qu’il est parfois difficile d’échapper au charme de certaines de ces surhumaines lorsqu’un artiste talentueux et inspiré lui consacre une couverture, la mettant en avant et participant à sa dimension iconique. Amateurs de good girl art, de pin-ups, vous ne serez pas déçus en parcourant cette très belle galerie de super-dames venues de tous les horizons DC. Souvent reproduites en pleine page, certaines couvertures reprennent toute leur ampleur et nous permettent d’en admirer toute la beauté graphique et esthétique. Par contre, on regretta la dichotomie souvent gênante entre le texte majoritairement chronologique de Louise Simonson et les couvertures qui l’illustrent et qui sont souvent de dates très différentes, cassant le suivi du texte par le ressenti d’un joli foutoir temporel en termes d’images… Ainsi, il n’est pas rare que des couvertures réalisées à plusieurs décennies d’intervalle se côtoient – se confrontent, dirais-je plutôt – sans réel lien thématique, brisant l’évolution du texte et le cadre nécessaire à ce genre d’exercice. Je trouve ça vraiment dommage, même si le plaisir brut de la beauté de ces visuels et de celles qui l’habitent reste évident et grandement suscité par la richesse de l’ensemble.
Autre bémol (eh oui, j’adore ce livre tout autant que j’en regrette les défauts, mais d’une manière générale je vous le conseille, sinon je n’écrirais pas dessus !) : le texte même de Louise Simonson. Dieu sait que j’adore Louise Simonson, mais là , honnêtement, elle est passée à côté de son sujet. On aurait espéré qu’un texte sur les super-héroïnes DC écrit par une femme – qui a de surcroît été l’une des très rares scénaristes et rédactrices ayant compté dans l’histoire des comics – engendre autre chose que cela, un texte de structure inégale et hétérogène qui ne parle finalement que très rarement des super-héroïnes DC au profit d’une approche plutôt généraliste sans saveur – mais néanmoins intéressante. Plus précisément, lorsqu’il s’agit d’un chapitre entièrement consacré à une héroïne (comme c’est le cas pour Wonder Woman, Lois Lane ou Supergirl), là nous avons droit à un texte présentant de manière chronologique les différents paramètres inhérents au personnage, que ce soit sur le plan historique, artistique, éditorial, et bien sûr s’agissant de la nature et du caractère même de la super-héroïne (mais même là , on aurait aimé un peu plus d’analyse, d’implication et de description de la part de l’auteur : à part quelques anecdotes peu connues et détails passionnants et érudits, Louise Simonson reste malheureusement très en recul, factuelle, semblant ne pas oser aller trop loin dans son approche de la femme au sein de ce medium plutôt masculin). Mais lorsqu’il s’agit des « filles de Gotham », de « Vertigo & co » ou de la nouvelle génération, patatras, Louise s’éloigne définitivement du sujet pour nous parler de l’histoire et de l’évolution de DC Comics, avec seulement quelques trop concises insertions concernant les super-héroïnes dont il est question en filigrane. C’est au final une grande frustration, et une déception ; on était en droit d’attendre autre chose de cette chère Louise !
Ça m’embête, d’écrire des choses si critiques sur un livre qui par ailleurs m’a procuré beaucoup de plaisir, mais c’est ainsi ! En fait, tout dépend de ce que vous attendez d’un pareil ouvrage. Si vous êtes novices, que vous ne connaissez rien à l’histoire de DC Comics et que vous adorez les super-héroïnes de cet éditeur, alors n’hésitez pas, ce livre est fait pour vous, il vous permettra à la fois d’apprendre beaucoup de choses sur l’histoire et la nature de DC tout en ayant le plaisir de lorgner sur des créatures de rêve souvent fascinantes. Si vous n’êtes qu’un fétichiste de la super-héroïne et que vous voulez vous rincer l’œil, pas de problème, il y a matière à cela (miam). Par contre, si vous attendez un ouvrage qui traite en en long et en large des super-héroïnes afin de mieux les cerner et d’accéder à une connaissance approfondie d’elles, alors vous risquez d’être déçus… En conclusion, je dirais que cet ouvrage exprime une belle intention mais qu’il n’est pas à la hauteur du sujet tout en offrant un merveilleux spectacle… Gasp ! Que voulez-vous faire de ça ? Personnellement, je ne peux m’empêcher d’être content d’avoir ce livre dans ma bibliothèque, car je sais qu’en l’ouvrant je pourrai néanmoins me plonger dans la dimension féminine de DC Comics avec à l’appui de sublimes couvertures que je ne me lasse pas de contempler longuement…
Cecil McKINLEY
« Covergirls, les héroïnes de DC Comics » par Louise Simonson
Éditions Urban Comics (29,00€) – ISBN : 978-2-36577-654-7
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