Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Prison d’ébène » par Sylvain Combrouze
Alors que notre rubrique « La BD de la semaine » est, la plupart du temps, trustée par des auteurs confirmés, une fois n’est pas coutume, nous allons mettre ici en exergue la première BD d’un jeune dessinateur plutôt audacieux. En effet, Sylvain Combrouze, dessinateur haut-viennois, n’a pas fait dans le facile en réalisant ce petit roman graphique complètement muet où se déroulent deux récits en parallèle : un exercice de style qu’il a quand même mis des années à peaufiner, pour pouvoir mieux le maîtriser…
En prologue, un sorcier vaudou de l’île de Gorée négocie, avec un capitaine négrier, la libération de la « marchandise » au prix inestimable de ce dernier, en échange d’un étrange coffret contenant une bougie enflammée. Commence alors une étrange cérémonie au cours de laquelle un symbole est signé avec le sang sur le front du capitaine…           Ensuite, trois siècles plus tard, l’histoire se concentre sur la rencontre, dans une pièce où se trouve une chandelle allumée, d’un jeune vagabond qui mendie dans les rues de Nantes avec un vieil homme paisible semblant pourtant être victime d’un malaise. De confidence en confidence, l’étonnant passé du vieillard va alors remonter à la surface.           Cette subtile évocation de la traite des noirs, sur fond de sacrifice et d’héritage, bénéficie d’un graphisme qui alterne des traits hachurés très noirs (avec quand même un peu de blanc) sur les scènes se déroulant dans le passé et un style plus fin et plus léger (en bichromie) pour celles du présent : le lien entre ces deux époques se précisant au fur et mesure d’une narration assez poignante et bien menée.           Voilà donc, même si tout n’est pas encore parfait, une première œuvre prometteuse à encourager sans réserve : dotée d’un graphisme puissant et d’une véritable ambiance, elle nécessite toute notre attention, d’autant plus que ce que nous montre à voir l’auteur, qui joue habilement avec cette subtilité, peut être interprété de façons différentes.
Gilles RATIERÂ
« Prison d’ébène » par Sylvain CombrouzeÂ
Éditions La Boîte à bulles (14,99 €) – ISBN : 978-2-84953-146-4