Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Innocent » T1 par Shin’ichi Sakamoto
Bourreau, voilà un métier particulièrement conspué. Pourtant, à l’époque de la Révolution française, il fallait bien se rendre à l’évidence, ce personnage était indispensable. Charles-Henri Sanson est le quatrième dans une lignée d’illustres exécuteurs. Plus de 3 000 têtes sont tombées grâce, ou accessoirement, à cause de lui. Mais son nom n’est pas celui qui vient immédiatement en tête lorsque l’on s’intéresse à cette période sombre de notre histoire. Peut-être est-ce la personnalité hors norme de ce bourreau qui a intéressé Shin’Ichi Sakamoto pour décrire son destin, de manière fantasmagorique.
Sakamoto est un auteur extrêmement réputé en France. Son best-seller, « Ascension », a marqué les lecteurs de mangas aussi bien par sa narration, que par son graphisme et surtout la psychologie de ses protagonistes. Ici aussi, nous avons un personnage haut en couleur qui, promis à une belle carrière d’exécuteur, se sent épris de justice et de dégoût envers la mort. Ce qui pose problème a ses parents, notamment. Personnage fascinant à la personnalité trouble, Charles-Henri Sanson a pourtant bel et bien existé. Il fait partie de notre patrimoine culturel hexagonal. Étrangement, c’est au Japon qu’il renaît en manga, sous les traits inattendus d’un éphèbe.
Les Sanson sont bourreaux de père en fils et leur lignée est détesté par la populace qui prédit malheur à celui qui croisera leur route. C’est dans cette ambiance que le jeune Charles est contraint de quitter son école où les autres élèves le traitent en paria. Très vite, le lecteur comprend qu’il refuse la charge d’être un bourreau. Pourtant sa destinée est inéluctable et il devra rapidement faire face à son destin. Son père, affaibli physiquement ne pouvant plus accéder aux demandes d’exécution. Mais sa noblesse de coeur est-elle compatible avec un travail aussi ingrat ?
Il est intéressant de voir le traitement que Sakamoto apporte à cette histoire très librement inspirée de faits réels. Dès la première page, le lecteur connaît la destinée de cet « innocent ». Il va être celui qui devra décapiter le roi Louis XVI. La narration se focalise donc sur le cheminement psychologique qui a emmené ce jeune homme délicat et sensible vers ce funeste travail. En France, nous sommes à ce moment-là en pleine renaissance. Cela signifie une vie d’opulence pour les nobles et malheureusement misérable pour les gueux. Ces excès sont dépeints à merveille. Les personnages sont présentés de manière caricaturale, tout en paraissant tellement réalistes. Au final, on ne sait plus vraiment ce qui est un fait réel ou inventé pour les besoins de la comédie.
Basé sur le livre « les Sanson, exécuteurs de père en fils » de Masakazu Adatchi, ce manga regorge d’anecdotes apparemment véridiques. Magnifiquement mis en images, les jardins comme les bâtiments ou les habits ont indéniablement fait l’objet de vraies recherches historiques. Ce qu’attestent les nombreuses pointures japonaises en matière d’Histoire française qui sont remerciées à la fin de l’ouvrage. L’Histoire ici contée est bien celle avec un grand H, même si c’est une vision légèrement onirique des faits. Même s’il est évident que le héros est magnifié, ce fils à l’allure androgyne que l’on imagine tout droit sorti d’un clip de Mylene Farmer n’en reste pas moins conforme dans sa toilette à ce qui se pratiquait à l’époque. Le trait fin et gracieux de Sakamoto offrant un contrat saisissant avec la froideur et la brutalité de cette tragédie.
Charles-Henri Sanson n’est certes pas le personnage qui vient immédiatement à l’esprit lorsque l’on évoque la Révolution française. Néanmoins, en tant que témoin de cette époque il est très intéressant de  se pencher sur ce jeune homme tiraillé dans son travail et sa destinée. Un manga magistralement écrit et mis en images par un véritable artiste sachant transcender l’Histoire française.
Gwenaël JACQUET
« Innocent » T1 par Shin’ichi Sakamoto
Éditions Delcourt (7,99€) – ISBN : 978-2756070032
© 2013 Shin’ichi Sakamoto / Shueisha / Delcourt Manga
Merci pour ce bel article sur le 1er tome de Innocent, il le vaut bien. Récemment en regardant une histoire sur Danton, j’ai appris que c’était C Henri qui l’avait exécuté et demandé à ce que on montre sa tête au peuple parce qu’elle le valait bien.
Est-ce que ‘autres critiques seront faites pour les volumes suivant? Innocent compte à ce jour 7 tomes.
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