Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Décés de Yoshihiro Tatsumi
Yoshihiro Tatsumi, l’un des premiers mangakas édités en France, est décédé ce samedi 7 mars 2015. Alors qu’au Japon le manga n’était qu’un média infantile trusté par un certain Osamu Tezuka, Yoshihiro Tatsumi a choisi une voit plus adulte en lançant, avec d’autres auteurs, un courant toujours d’actualité : le Gekiga.
Yoshihiro Tatsumi avait 79 ans. Né le 10 juin 1935 à Osaka, il a réalisé son autobiographie « Une vie dans les marges », entre 1995 et 2006. Ces deux pavés, qui totalisent plus de 800 pages, sont édités en français chez Cornelius, depuis 2011. « Une vie dans les marges » fut récompensé par le prix Regards sur le monde au festival d’Angoulême 2012, ainsi que par le Prix Asie de l’ACBD la même année. Dés 2005, en France, il a été reconnu comme un auteur majeur de la bande dessinée avec l’attribution d’un prix pour l’ensemble de son œuvre décerné lors du festival d’Angoulême.
Un film, inspiré de son autobiographie, a été réalisé en 2011 par le réalisateur singapourien Eric Khoo. Sobrement appelé « Tatsumi », il met en image son parcours et le travail laborieux d’un créateur de manga alternatif au Japon. Ce film adopte une animation minimaliste, respectant toute la force du dessin original du mangaka.
En France, Yoshihiro Tatsumi a d’abord été publié par Atos Takemoto dans la revue Le Cri qui tue (entre 1978 et 1981). Puis, une adaptation de son travail sur les méfaits de la guerre et du bombardement allié fut publiée en 1983 dans le recueil « Hiroshima » des éditions Artefact. Cette bande dessinée cartonnée fut l’une des premières à réellement être éditée en France, du moins en album style franco-belge.
En langue anglaise, le dessinateur Adrian Tomine s’est associé avec l’éditeur canadien Drawn and Quarterly pour publier de manière régulière ses oeuvres, depuis 2002.
Si, au départ, le Gekiga est désapprouvé par le public et les professionnels comme Osamu Tezuka qui considérait que le manga devait être avant tout un divertissement, ce genre a fini par s’imposer naturellement. En 1959, deux ans après en avoir inventé le concept, Yoshihiro Tatsumi crée l’Atelier du Gekiga avec d’autres dessinateurs indépendants : Fumiyasu Ishikawa, Masahiko Matsumoto, Kei Motomitsu,Shōichi Sakurai, Takao Saitō, Masaaki Satō et Susumu Yamamori. Cette association n’a réellement duré que 8 mois, mais a donné une légitimité à ces auteurs jusqu’ici méconnus. Depuis, Yoshihiro Tatsumi a reçu en 2009, dans son pays natal, le 13e Prix culturel Osamu Tezuka. Reconnaissance ultime pour son autobiographie « Une vie dans les marges », cette récompense est décernée par le plus grand quotidien de l’archipel : l’Asahi Shimbun.
Tatsumi a commencé sa carrière à 17 ans avec « Kodomo jima » (L’Île des enfants) et ne s’est arrêté de dessiner qu’il n’y a que très peu de temps, même si sa vie a été émaillée de longue période de doutes, de remises en question et de soucis avec les éditeurs. Avec « Une vie dans les marges » et le reste de son œuvre, il nous laisse un grand témoignage sur la vie de mangaka.
Gwenaël JACQUET