Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...« Death Sentence » par Mike Dowling et Montynero
Ça faisait bien longtemps qu’un comic signé par des auteurs de Grande-Bretagne ne m’avait pas autant plu en terme de bande dessinée rentre-dedans vis-à-vis du système – tel que Moore, Ellis, Ennis, Morrison & co ont su nous en proposer dans leurs meilleurs jours. Presque une marque de fabrique, quand elle n’est pas récupérée superficiellement. Ici, pas de putasserie, c’est du brut. Ce « Death Sentence » est une bonne claque salutaire qui réveille le lecteur, et s’il y a tous les éléments d’une bonne série trash comme il est de bon ton d’aimer en ce moment, celle-ci échappe néanmoins aux clichés lénifiants de rigueur en allant jusqu’au bout de sa sincérité de révolte…
C’est vrai, quoi..! L’avènement du Modern Age des comics au milieu des années 80 fut synonyme de Dark Age, avec son lot de violence remuante. Aujourd’hui, cette violence – au départ plutôt utilisée avec acuité, qu’elle soit outrancière ou non – est devenue une mode, presque une norme. Si vous ne faites pas un comic où l’on se fait au moins décapiter dans une ambiance de rires psychopathes (avec gros plan sur les yeux du dingue avant de découvrir en détails les flots d’intestins qui sortent joyeusement du ventre de la victime), eh bien vous êtes has been. Même au sein de séries mainstream issues de Marvel ou DC, on trouve aujourd’hui des scènes de gore relativement décomplexées. Je ne suis pas contre la violence et le stupre lorsqu’il y a là matière ou moelle suffisantes pour que tout ceci fasse sens et dise quelque chose de vrai ou de fort, mais souvent nous n’avons affaire qu’à un grand déballage de violences en tous genres ne menant à rien sauf au frisson primaire. Ce contexte de facilité morbide rend d’autant plus remarquables les œuvres qui s’extirpent de cette tendance pour faire autre chose de la violence et du sexe qu’un spectacle complaisant et plutôt gratuit. C’est bien le cas avec « Death Sentence » qui renoue avec l’essence même du genre punk, alliant sexe, drogue, rock et révolte ; des outils pleins de sous-entendus, et un récit brut qui nous pousse dans nos derniers retranchements. Où en sommes-nous de nos désirs ? De notre révolte contre un ordre établi faisant de nous des moutons ? Des barrières que nous nous mettons ? De notre capacité à changer les choses ou non, et quelle direction nous voulons prendre ? Brûlot provocateur contre l’inertie humaine et les schémas de pensée normés, cette œuvre est un joli coup de pied au cul à tout ce qui asphyxie tout autant qu’une réelle réflexion sur notre responsabilité ici-bas.
En Angleterre, l’apparition d’un nouveau virus sexuellement transmissible commence à faire parler de lui… Toute personne contaminée acquiert des super-pouvoirs, mais voit son espérance de vie soudainement réduite à six mois. Seriez-vous prêt à mourir si vite, en contrepartie de six mois où vous pourriez faire des choses surhumaines, surnaturelles ? Seriez-vous prêt à être contaminés ? Et si oui, que feriez-vous de ces super-pouvoirs ? Vous feriez le bien autour de vous ou alors vous en profiteriez pour détruire tout ce qui ne vous plaît pas ? That is the question… And « Death Sentence » is the answer. UNE réponse. Mais une réponse qui fait réfléchir. Ici, il y a donc tout ce qui fait une bonne série trash, comme je le disais. Une bonne dose de violence, de cynisme, des scènes de sexe explicites, des histoires de drogues et de rock, des dialogues au couteau, etc. Mais tout ceci est mis en scène avec une intention telle que le récit et les personnages nous touchent directement au ventre, grâce à un ton âpre et juste, mais aussi à une non-complaisance vis-à-vis de ce qui choque. Outils et non résultat, la violence – qu’elle soit morale ou physique – n’est ici jamais anodine ou gratuite, étant plutôt le vecteur de quelque chose qui remet en question notre humanité de surface. Outrance il y a, humour aussi, dans une plongée aussi noire que sarcastique dans ce qui modèle de plus en plus nos sociétés (peopolisation et vedettariat, morale hypocrite et misère affective, uniformisation et individualisme, lâcheté et apparence…).
Tout au long du récit, nous suivons plus particulièrement trois personnes infectées par ce virus G+. Verity, Weasel et Monty. Verity est une jeune femme un peu paumée, dont l’aura est moindre que les deux autres protagonistes mais qui va avoir un rôle prépondérant dans l’histoire. Monty et Weasel, eux, sont des célébrités. Monty est un humoriste grinçant et provocateur, et Weasel un jeune rocker totalement à la dérive, s’enfonçant dans une descente aux enfers médiatique. À travers le fil des intrigues mettant en scène chacun des membres de ce trio, le récit va nous mener à une sorte de fuite en avant où tout le monde va devoir finir par prendre ses responsabilités… Enfin… Normalement, ce devrait être comme ça. Mais je ne vous en dis pas plus, préférant ne pas trop vous en dire pour que vous appréciiez cette petite bombe avec le plus d’innocence possible… No future ?
Cecil McKINLEY
« Death Sentence » par Mike Dowling et Montynero
Éditions Delcourt (16,95€) – ISBN : 978-2-7560-6234-1