Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Paul Dini présente Batman T1 : La Mort en cette cité » par Don Kramer, J.H. Williams III, Joe Benitez et Paul Dini
Parmi les nombreuses séries « Batman » proposées par Urban Comics, celle consacrée aux épisodes écrits par Paul Dini dans le mythique « Detective Comics » est l’une des plus intéressantes et réjouissantes. Un titre prévu en trois tomes.
Fort de son succès dans le comic book « Detective Comics » où il débarqua au printemps 1939 dans le n°27, Batman eut droit à son propre titre l’année suivante ; mais la « revue mère » cousine d’« Action Comics » (où sévissait Superman) reste pour tout le monde comme une référence absolue de l’univers DC – DC étant justement l’abréviation de Detective Comics, faut-il le rappeler… Cette aura et cette dimension historique n’ont pas échappé à Paul Dini lorsqu’il commença à écrire les scénarios de « Batman » dans ce titre en 2006 à partir du n°821, bien au contraire, s’inscrivant dans la tradition originelle de la série plus proche du polar noir que du récit super-héroïque flamboyant. À l’époque, notre homme était surtout connu dans le monde de l’animation, notamment – et justement – pour « Batman : la série animée », en compagnie de Bruce Timm, où il créa le personnage d’Harley Quinn… nous étions en 1992. 14 ans après, donc, on imagine le plaisir et le trac que dut ressentir Dini à l’idée d’écrire des histoires de Batman pour « Detective Comics », et le moins qu’on puisse dire c’est qu’il releva le pari haut la main, respectant totalement l’esprit initial du titre tout en lui insufflant une modernité bienvenue car n’étant pas exempte de noirceur ni d’humour, faisant preuve de pas mal de finesse…
Pour son entrée en lice, Dini collabora avec le génial J.H. Williams III qui – comme d’habitude – offrit son style polymorphe et son goût pour les découpages dynamiques et atypiques au service du récit. Une histoire donnant le ton aux épisodes à venir, nous plongeant dans la haute société décadente de Gotham. Une histoire où Batman va devoir affronter Façade dans des ambiances extraordinaires où le rouge éclate çà et là dans un contraste sublime avec la noirceur alentour… Malheureusement, J.H. Williams III ne réalisera que ce seul épisode, mais heureusement Don Kramer lui succéda avec talent, dans un style assez ciselé qui convient bien au réalisme fantastique de ces histoires. Dans cette série, donc, pas de longs moments passés dans la Batcave ni de Batman constamment mis en avant dans une atmosphère où la dimension super-héroïque serait le visage principal de l’œuvre. Certes, on y retrouve notamment Robin et certains des ennemis les plus célèbres de Batman, comme le Joker ou le Pingouin, mais aussi des figures féminines emblématiques comme Poison Ivy, Harley Quinn ou Zatanna, mais tout ce beau monde n’est là que pour exprimer la noirceur de la société gothamienne, son âme noire et criminelle. Nous sommes foncièrement dans une sorte de super-polar, et non dans une dimension expressément super-héroïque, ce qui donne à cette série une saveur toute particulière et un intérêt évident, se démarquant des autres titres par sa dimension plus humaine qui – c’est vrai, l’éditeur nous le rappelle – n’est pas sans rappeler ce mélange d’humour et de polar noir et fantasque cher à Eisner, un auteur que Dini vénère…
À part l’histoire en deux parties où Batman et l’irrésistible et charmante et sublime Zatanna (oui, j’adore Zatanna) affrontent le Joker, le reste des enquêtes de ce premier volume se déclinent en un épisode, ce qui ajoute au plaisir spécifique de cette série et se démarque de la plupart des aventures à suivre de Batman, le lecteur abordant chaque histoire comme une facette de l’univers de Gotham. L’unique épisode dessiné par Joe Benitez – où le personnage principal est la vénéneuse Poison Ivy – est très chouette esthétiquement, et n’oublions pas le très beau travail de couleurs de John Kalisz qui donne à l’ensemble des histoires une cohérence chromatique et une identité atmosphérique qu’on ne peut que saluer. Voilà  ! En conclusion, ces aventures de Batman le super-détective sont savoureuses à souhait, et on passe vraiment un très très bon moment de lecture en leur compagnie !
Cecil McKINLEY
« Paul Dini présente Batman T1 : La Mort en cette cité » par Don Kramer, J.H. Williams III, Joe Benitez et Paul Dini
Éditions Urban Comics (22,50€) – ISBN : 978-2-3657-7534-2