Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Les 31 ans de bd BOUM : une belle cuvée
Il n’est plus besoin de rappeler l’effervescence que suscite le festival bd BOUM blésois. C’est un rendez-vous annuel qu’on ne manque pas. Chaque année, le festival draine un très large public de fans toujours aux aguets des nouveautés et des rencontres d’auteurs, mais aussi des curieux pour le plaisir de la découverte. Séance de dédicaces, salon, expositions et autres animations font salle comble. Il est vrai que cette année encore, la qualité était au rendez-vous.
Dans la Halle aux grains se tenaient 3 expositions différentes qui nous ont plongés chacune dans des univers bien spécifiques.
Au rez-de-chaussée, l’exposition consacrée à « Yakari », le petit indien de Derib bien connu de tous, nous accueille dans son monde de tipis et de chevaux, mis en scène par le CDSEA pour le plus grand plaisir des enfants.
À l’étage, l’ambiance est plus lourde. Mana Neyestani, dessinateur iranien réfugié politique en France depuis 2011, présente une série de dessins d’actualité en noir et blanc, tous plus poignants les uns que les autres, qu’il a rassemblés sous le titre ironique de « Tout va bien » aux éditions Arte. La série de planches d’« Une métamorphose iranienne » (aux éditions Ça et là ), de la même facture que ses illustrations de presse, retrace de façon édifiante, à travers plusieurs dessins-chocs, une partie de son autobiographie : notamment les moments forts de son emprisonnement.
Dans la salle voisine, nous entrons dans le monde coloré de Gradimir Smudja. Cet auteur yougoslave, qui a lui aussi quitté son pays pour la France, rend un très bel hommage au monde de l’art, et c’est accompagné d’une petite fille et de son chat que nous parcourons ses magnifiques albums, particulièrement « Au fil de l’art » (chez Delcourt) : on aborde avec humour et poésie les époques, les lieux et les tableaux des plus grands artistes de l’histoire de la peinture.
Les planches en grand format subtilement colorées nous transportent instantanément dans un autre monde. Un voyage original et instructif à recommander à tous : jeune public et adultes.
Autre exposition présentée sur trois niveaux à l’espace 41 : « Le Goût des gens », très belle rétrospective de l’œuvre complexe, riche et dense d’Étienne Davodeau, qui est déclinée en 3 parties (les copains d’abord — Chroniques et fictions — Reportages et documentaires).
Le décor appuie la présentation des planches pour traduire l’enracinement d’albums comme « Rural », « Le Constat », « Les Mauvaises Gens », « Les Ignorants » ou encore « Lulu femme nue » dans la culture populaire, et le respect d’Étienne Davodeau pour les gens simples et vrais aux prises avec les difficultés et les drames du quotidien.
La présentation d’un entretien filmé de l’auteur complète agréablement la démonstration.
Enfin, il fallait se rendre à la Bibliothèque Abbé Grégoire où certains ont pu retrouver leurs lectures de jeunesse avec le travail de Bob Leguay, qui fit les belles heures des BD de poche en noir et blanc avec des héros comme Tex Ripper ou Tim l’Audace (voir Bob Leguay (première partie)), ou celui de Crisse et Fred Besson, auteurs de « Kalimbo », récits animaliers pour enfants.
L’organisation et le fonctionnement du festival sont désormais bien établis et après plus de 30 ans on pourrait craindre que les habitudes freinent les initiatives innovantes. Or ce serait méconnaître la détermination des responsables de bd BOUM qui font toujours preuve d’autant d’enthousiasme, de créativité et d’astuces pour rendre ce festival attractif, culturel et festif sans pour autant renier aucun de leurs fondamentaux. Certes leurs préoccupations artistiques sont essentielles, mais elles ne se substituent jamais à leurs objectifs sociaux, citoyens et bien sûr pédagogiques. Bd BOUM c’est un tout, qui survit à toutes les crises grâce à sa qualité permanente et à sa richesse plurielle, ce qui en fait une référence culturelle incontournable pour toute la région Centre, mais également un festival parmi les plus attachants du monde la bande dessinée. On n’en repart jamais déçu et cette année ne déroge pas à la règle. Une fois encore toute l’équipe mérite félicitations et éloges pour cette très belle réussite.
Josy HERMELINE
Photos Joël DUBOS, mise en pages Gilles RATIER