Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Polina »
Depuis qu’il nous avait livré son remarquable « Goût du chlore », on se demandait bien quand le talentueux et inventif Bastien Vivès allait confirmer qu’il est bien « la » révélation bédéesque de ces dernières années?
Voilà qui est fait avec cette ode à la création artistique qu’est « Polina » ! Non pas que ces précédentes œuvrettes fussent négligeables (autant « Dans mes yeux » qu’« Amitié étroite », par exemple, ont un charme évident) mais, avec cette chronique de l’éclosion d’un caractère mature et adulte dans le milieu de la danse classique et contemporaine, le jeune auteur nous surprend vraiment par sa finesse psychologique, par la densité de son histoire et par son trait jeté, magnifié à la manière d’un Baudoin ou d’un Blutch…
La jeune Polina Oulinov a le génie de la danse et le réputé professeur Bojinsli, aussi impénétrable que rigoureux, l’a bien repéré ! On suit alors la trajectoire contrariée de cette ballerine : l’inflexibilité de son apprentissage donnant lieu, finalement, à l’explosion de son identité et d’un style personnel. Évidemment, les rapports, souvent sadomasochistes, entre le maître et l’élève sont au premier plan, mais ce qui est encore plus touchant dans l’approche de l’auteur, c’est son discours sur la transmission, sur la passion et sur l’ambition, mais aussi sur l’opposition, pas si manichéenne que l’on peut croire, entre le classique et le contemporain : des thèmes qui transparaissent entre les lignes et qu’il nous assène, lentement, mais sûrement !
Et comme la danse est un art très visuel, même si Bastien Vivès reconnaît qu’il n’y connaissait rien avant d’aborder le sujet, il réussit à nous charmer avec les corps souples et sensuels qu’il dessine de la même façon, faisant exprimer toutes sortes de sentiments : de l’amour à la haine, en passant par la passivité ! Finalement, au bout des deux cents pages en bichromie que totalise cet album totalement réussi, on ne peut que reconnaître que Bastien Vivès a vraiment été, ici, touché par la « grâce »… Tant sur le plan scénaristique que sur le plan graphique !
Gilles RATIER
«Polina» par Bastien Vivès
Éditions KSTR (18 €)