Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« DMZ » T8 par Brian Wood & co
Le 8ème volume de « DMZ » vient de sortir, et comme d’habitude je ne peux que vous conseiller la lecture de cette ?uvre passionnante dont la qualité et l’intérêt ne faiblissent pas?
« Bienvenue » dans la DMZ, une fois de plus… Le contenu de ce 8ème volume en fait un numéro un peu spécial, s’écartant de la continuité du récit régulier : en ouverture, rompant la chronologie éditoriale, nous avons le n°50 où officient différents artistes se penchant sur une facette particulière de la DMZ, puis nous pouvons lire une histoire en trois épisodes, « No Future », dont le héros n’est pas Matty Roth mais un certain Tony. Brian Wood continue donc d’établir un univers en son entier plutôt que de faire de sa série un prétexte à mettre en scène son héros principal. Tout au long de ces pages, Matty Roth n’apparaît en effet que très rarement, ce qui démontre naturellement combien Wood veut avant tout dresser un portrait de notre société contemporaine, loin des alibis et des systèmes. La lecture de « DMZ » reste donc toujours aussi passionnante par cette radiographie d’un monde à la dérive qui tente de se relever en trouvant une issue humaniste. Utopie ? Peut-être. Reste les efforts insensés de certains activistes et l’instinct de survie de ceux qui n’ont rien demandé à part le droit de vivre en paix. C’est bien cela que Wood ne perd jamais de vue, et c’est cela qui fait de « DMZ » une série à part, aussi juste qu’étonnante, sachant parler des tabous meurtriers sans démagogie ni manichéisme. Wood traque nos derniers instincts, la nature de notre souffle, il dissèque le merdier politico-social menant à l’inhumain, il dénonce – en le décortiquant plutôt qu’en le vilipendant – les scandales à peine voilés qui construisent notre perte annoncée. On sent que Wood se paye le luxe d’aborder un thème ultra difficile sans faire aucune concession, libre, comme si lui-même échafaudait ses scénarios au sein de la tourmente de la DMZ…
Le n°50 fait partie de ces numéros spéciaux qui proposent des récits courts et des illustrations commentées censés nous donner des éléments supplémentaires pour mieux comprendre les êtres et les faits qui traversent la DMZ. Plusieurs artistes dont Lee Bermejo, Dave Gibbons, Jim Lee, John Paul Leon ou Eduardo Risso (beau générique) se sont donc attelés à cet exercice, et le résultat est plus que plaisant. Ces photographies et courts-métrages complètent avec bonheur ce que nous savions déjà , enrichissant notre vision du contexte. Et puis cela nous donne l’occasion d’admirer les dessins de Riccardo Burchielli – le dessinateur de la série régulière – pour une fois en noir et blanc, ce qui n’est loin d’être facultatif, car son trait, ses à -plats et son sens du contraste méritaient bien d’apparaître sans fioritures, bruts, pour en capter toute la saveur.
L’histoire « No Future », quant à elle, se penche sur le destin de Tony, un ancien flic ayant perdu sa famille durant une évacuation qui a mal tourné et qui fait maintenant partie d’un groupuscule sectaire terroriste. Avec son intelligence habituelle, Brian Wood n’écrit pas un récit de guerre où priment le spectacle de la mise en scène et l’approche héroïque du protagoniste, mais se sert de cette histoire afin d’apporter un éclairage possible sur ce qui détermine l’émergence du terrorisme. Comment un type peut se retrouver à devenir une bombe humaine ? Qu’est-ce qui pousse quelqu’un à devenir kamikaze ? Les raisons sont bien sûr multiples, mais Wood s’arrête sur l’une d’entre elles, assez symptomatique pour éclairer par rebond les autres explications possibles. Quoi qu’il en soit, ces épisodes sont très réussis, avec un Ryan Kelly au dessin qui s’en sort plutôt bien. À lire !
Cecil McKINLEY
« DMZ » T8 (« Notes de l’autre monde ») par Brian Wood & co Éditions Panini Comics (11,00€)