Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...De nouveaux auteurs pour la série « Chlorophylle »
Dans l’histoire de la bande dessinée, nombreux sont les héros qui ne comptent plus leurs pères adoptifs. Dans la grande famille de la bande dessinée franco-belge, « Chlorophylle et Minimum » figurent parmi ceux qui en possèdent le plus : et en voilà encore deux nouveaux pour un retour particulièrement réussi ! Zidrou et Godi, les deux auteurs de « L’Élève Ducobu », bien qu’ils n’aient plus rien à prouver, ont accepté le challenge par admiration pour Macherot.
C’est le 14 avril 1954, dans l’édition belge de l’hebdomadaire Tintin (il faudra attendre le 1er décembre 1955 pour le croiser dans l’édition française) que le personnage fait son apparition sous le crayon enchanteur de Raymond Macherot ; voir « Clifton », l’autre Macherot. Dès les premières planches, le courageux lérot, flanqué de son comparse le mulot Minimum, râleur et pas très futé, vont affronter Anthracite, le flamboyant rat noir. En quelques planches, Macherot met en place l’univers campagnard où il fait bon vivre qui servira de Bible à tous ses successeurs. C’est lui aussi qui imagine l’île de Coquefredouille où les animaux vivent harmonieusement sous le règne du roi Mitron. Harmonie brisée par l’arrivée d’Anthracite et de nos deux héros.
Quittant Tintin pour Spirou en 1963, Raymond Macherot finit par céder les droits de ses personnages aux éditions du Lombard qui souhaitent répondre aux demandes des lecteurs qui exigent le retour de la série. C’est Hubuc qui ouvre les hostilités en 1968, en écrivant les scénarios d’une reprise graphique assurée par Pierre Guilmard. Hubuc propose, seul, une nouvelle version prometteuse l’année suivante, hélas rapidement interrompue par son décès en 1970.
Greg, grand admirateur de Macherot et nouveau rédacteur en chef de Tintin, prend le relais au scénario en 1972, confiant les dessins à Dupa, membre de son studio et créateur de « Cubitus ». Débordé par ses multiples activités, Greg cède la place à Bob de Groot en 1976, alors que Dupa à son tour débordé est remplacé en 1983 par Walli (André van der Elst) dont le trait épouse servilement celui du créateur. Alors que Michel de Bom a remplacé de Groot au scénario depuis 1984, Walli signe un ultime épisode en 1988 dans l’éphémère Tintin reporter. Épisode dont seule la première partie sera publiée : « Le Retour des rats noirs », bien qu’annoncé, ne sera jamais proposé aux lecteurs.
Depuis ce départ peu glorieux, on pouvait penser que le lérot et le mulot en avaient terminé de leur combat avec Anthracite et goûtaient à un repos bien mérité.
C’est alors qu’il hiberne que nous retrouvons Chlorophylle, 25 ans plus tard, réveillé par un message du roi Mitron qui l’invite à se rendre sur Coquefredouille afin d’assister à la première du film consacré à ses exploits. Flanqué de son fidèle Minimum, notre lérot retrouve avec plaisir son costume de héros, d’autant plus que l’ombre sinistre d’Anthracite le rat noir plane une fois de plus sur la ville….
Tous ceux qui ont dévoré ses albums seront comblés par les planches de Godi à la fois fidèle au créateur et innovant, passionnés par le scénario de Zidrou qui renoue avec la dramaturgie bon enfant des épisodes d’antan.
Une reprise parfaite qui espérons-le annonce un bel avenir à Chlorophylle et Minimum.
Henri FILIPPINI
« Une aventure de Chlorophylle T1 : Embrouille à Coquefredouille » par Godi et Zidrou
Éditions du Lombard (10,60 €) — ISBN : 978-2-8036-3438-5
On dirait que Coquefredouille veut concurrencer Cannes et son festival! Mais le plus drôle, c’est que dans le film sur Chloro, son copain Minimum est remplacée par une souris femelle, alors que l’acteur qui incarne Chloro est gai comme un pinson! arf arf!°)