Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Commissaire Raffini » T10
Initiée graphiquement par Jacques Ferrandez et reprise avec brio par l’illustrateur pour l’édition jeunesse qu’est Christian Maucler, « Raffini » est certainement (avec le trop méconnu « Cliff Burton »), l’une des meilleures créations du prolifique scénariste Rodolphe : surfant sur une ambiance rétro à la Simenon, les scénarios sont toujours très bien ficelés et les dessins remarquablement expressifs !
Pourtant, malgré ses évidentes qualités graphiques et narratives, cette série a connu, jusque-là , pas mal de déboires éditoriaux. En 1980, de larges extraits noirs et blancs du premier épisode furent publiés, à l’origine, dans Télérama ; puis, le suivant fut proposé, en couleurs, dans Métal Hurlant, en 1982 ! Quatre albums furent publiés aux Humanoïdes associés jusqu’en 1988. Ensuite, c’est Christian Maucler qui a repris, avec un charme certain, le dessin, en 1994, lors d’un album édité par les éphémères éditions Hélyode, lesquelles rééditèrent l’ensemble de la série. Suite au dépôt de bilan de ce dernier éditeur, Claude Lefranc a publié le sixième tome en 1997, avant que l’éditeur québécois Les 400 coups propose la réédition des deux premiers tomes et la septième enquête, en 2002 ; cette dernière ayant connu, deux ans auparavant, une première version sous la forme d’un roman chez Neo. Peu après, c’est chez Albin Michel, grâce au responsable éditorial de l’époque (un certain Hervé Desinge) que les enquêtes de « Raffini » trouvent asile, le temps de deux beaux albums parus en 2005 et 2006 !
C’est donc avec un plaisir non dissimulé que l’on retrouve cette série située dans les années 1950 chez Desinge (tiens, ce nom me dit quelque chose !) & Hugo & Cie : le vieux commissaire quittant pour une fois Paris pour assister au mariage d’un ancien collègue à Cogounan, près de Cassis. Avec sa cinquantaine marquée par une paire de bonnes moustaches et quelques rares cheveux, ce membre de la police judiciaire qui appartient à la vieille école (celle des Maigret ou des Nestor Burma) va faire la connaissance d’une charmante jeune fille dont le fiancé disparaît mystérieusement. Raffini va alors prolonger son séjour marseillais pour mener une enquête remplie de rebondissements délectables et de seconds degrés, avec calme et obstination : le talentueux scénariste prenant, visiblement, un malin plaisir à brouiller les pistes, sans trop embrouiller le lecteur… Voilà donc une bande dessinée passionnante, pas si classique qu’elle en a l’air, soutenue par un dessin mature, agréablement aquarellé, qui dépeint parfaitement lieux insolites et personnages étonnants : à soutenir absolument !
Gilles RATIER
« Les Enquêtes du commissaire Raffini » T10 (« Si tu vas à Rio ») par Christian Maucler et Rodolphe
Éditions Desinge & Hugo & Cie (13,95 €)