Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« August Moon » par Diana Thung
Le premier roman graphique de cette jeune auteure australienne mérite vraiment le détour.
Il nous entraîne dans la petite ville de Calico (que l’on ne trouve sur aucune carte), ceinturée par une forêt que chacun a à cœur de préserver. Oui, il fait plutôt bon vivre à Calico où les habitants sont attentifs les uns aux autres et où l’on s’apprête à fêter le « festival des feux follets ».
Le récit est porté par deux magnifiques personnages adolescents, sortes de Peter Pan contemporains, qui ont chacun dans le cœur, à leur façon, un Pays de nulle part. L’on découvre tout d’abord Jaden, jeune homme singulier, qui s’exprime en chantant et en peignant des symboles étranges sur les murs. Quand vient la nuit, Jaden parcourt la ville et vole sur les toits, à la rencontre de lapins ours que lui seul voit. Ces sortes de nounours en peluche, qui portent de belles lanternes dans leurs pattes, sont des entités bienveillantes, protégeant discrètement leur ville des turpitudes du monde extérieur en l’éclairant à leur façon.
Puis il y a Fiona Gan, dit Fi, une jeune fille presque mutique, qui arrive à Calico avec son scientifique de père. Ils séjournent chez l’oncle maternel de Fi, homme adorable et pâtissier de son état. Fi porte en permanence des écouteurs sur les oreilles. Mais elle n’écoute pas de musique, elle s’isole du monde qui lui a fait du mal et lui a enlevé sa mère trop tôt. Son père dit d’elle qu’elle « est très mûre pour son âge ». À voir …
Fi et Jaden vont se trouver, s’apprécier, s’aider à grandir. Fi va apprendre à –presque- voler et Jaden à l’écouter. Avec les nombreux amis du garçon, le duo s’attaque à d’antipathiques hommes en noir aux mines inquiétantes. Pourquoi ces « men in black » ont-ils loué en ville un local qui reste vide ? Que manigancent-ils au cœur de la forêt avec leurs engins destructeurs ? Pourquoi poursuivent-ils les lapins ours ? Les réponses arrivent au fil de ce gros roman passionnant de quelque 320 pages.
Diana Thung s’affirme d’emblée comme une créatrice talentueuse. Elle met en place très vite un univers à la fois réaliste et onirique, où le lecteur doit se laisser porter et guider. Les personnages, principaux et secondaires, existent avec force dans leurs différences, et sont magnifiques d’humanité et d’émotions contenues. Elle compose un noir et blanc maîtrisé, dans un style graphique qui absorbe différents genres et influences, entre manga et comics, qu’elle revisite à sa façon. On referme le livre avec le regret de l’avoir fini, tout en gardant dans le cœur Fi et Jaden, qui n’avaient pas envie de grandir.
Diana Thung est née à Jakarta, en Indonésie. Elle émigre ensuite à Singapour où elle vit treize ans. Elle arrive enfin à Sydney, en Australie, où elle suit des études d’art et où elle vit toujours.
Catherine GENTILE
« August Moon » par Diana Thung
Éditions Sarbacane (17,90 €) – ISBN 978 2 84865 705 9