Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Batman a 75 ans !
Bien évidemment, votre rubrique comics n’allait pas laisser passer ce mois de mai sans souhaiter un bon anniversaire au Chevalier Noir ! Ce bon vieux Bruce Wayne/Batman vient en effet de fêter ses 75 ans (selon la date inscrite en couverture du fameux Detective Comics #27 où il fit sa première apparition, même si ce numéro sortit en réalité fin mars 1939). Aujourd’hui, je ne vais pas vous proposer un hommage à Batman, car la chose a été faite et refaite à satiété depuis des décennies, mais plutôt une petite sélection des ouvrages batmaniens récemment parus, dont certains spécialement édités pour cet anniversaire…
5 récits majeurs en noir et blanc
Proposer des rééditions en noir et blanc de certains des plus emblématiques récits de « Batman » pour fêter les 75 ans de ce super-héros aussi sombre que célèbre est une bonne idée, apportant quelque chose d’assez intéressant – en tout cas de cohérent. Malgré des mises en couleurs pouvant être somptueuses, certaines Å“uvres méritent d’être redécouvertes dans leur plus brut état graphique afin de pouvoir accéder à la simple réalité du trait du dessinateur, un noir et blanc dont quelques artistes ont fait un art à part entière… En ce qui concerne Batman, ce personnage et son univers sont tellement ancrés dans une réalité sombre que le noir et blanc sied à merveille à son identité ainsi qu’à ses racines narratives. Au départ, la série baigne plus dans le polar qu’autre chose, et mis à part la période kitsch des sixties due à la fameuse série TV, cette dimension a toujours été légitimement exploitée par les différents auteurs et artistes qui ont Å“uvré sur le Chevalier Noir de Gotham City. On avait apprécié cette belle adéquation entre l’esprit de « Batman » et le traité en noir et blanc dans l’album « Batman – Black & White » (édité en France chez Éditions USA en 1997). Aujourd’hui, donc, à l’occasion des 75 ans de Batman, Urban Comics vient de rééditer cinq récits présentés comme essentiels, en format un peu plus grand que celui des comics et en noir et blanc. Il s’agit de : « The Dark Knight Returns » par Frank Miller, « Batman – Année Un » par David Mazuchelli et Frank Miller, « Batman – Silence » par Jim Lee et Jeph Loeb, « Batman – Amère Victoire » par Tim Sale et Joeph Loeb, et « Batman – La Cour des Hiboux » par Greg Capullo et Scott Snyder. La redécouverte du dessin en noir et blanc procure de vraies belles sensations à la lecture de ces albums, certains d’entre eux avec plus d’évidence que d’autres (on sera plus admiratifs de la beauté fascinante du noir et blanc de Tim Sale dans « Amère Victoire » que celui du pourtant immense « The Dark Knight Returns » où les lavis gris ne sont pas ce qu’il y a de plus intéressant). Quel plaisir de voir aussi les dessins de Jim Lee ou de Scott Snyder dans leur plus simple apparat, noirs, blancs, sombres, classes… Tirages limités.
« Les Tourments de Double-Face » par Jae Lee, Sean Phillips et Paul Jenkins
Si comme moi vous aimez les dessins de Jae Lee et Sean Phillips, alors cet album risque fort de vous allécher, ces deux artistes s’étant relayés sur ce « Batman – Jekyll & Hyde » très sombre. Cette noirceur batmanienne dont je vous faisais part plus haut trouve ici une nouvelle occasion de s’exprimer, jusqu’à la terreur comme ce fut le cas dans le génial « Arkham Asylum » de Morrison et McKean (dont Urban Comics va proposer une réédition augmentée cet été, je vous en reparlerai, bien sûr…). Ici, le jeu de miroirs va se faire entre Batman et Double-Face, confrontation obsessionnelle et inquiétante. Avec ce récit, Paul Jenkins nous offre une nouvelle approche du personnage d’Harvey Dent, cet ancien procureur ayant petit à petit sombré dans la folie après avoir été partiellement dévisagé par de l’acide, en explorant plus avant la détérioration de son état psychique et la dualité interne que celle-ci révèle et exacerbe. Un face-à -face où la tension suinte de toutes parts, la folie meurtrière de Double-Face semblant désormais incontrôlable… Ce duel des ténèbres trouve dans les dessins de Lee et Phillips un écrin idéal pour insuffler la noirceur et l’angoisse, les deux dessinateurs ayant qui plus est trouvé une belle adéquation entre leurs deux styles qui – au-delà de toute attente – engendrent un spectacle visuel tout à fait cohérent et complémentaire. On regrettera juste que la mise en couleurs soit un peu trop « photoshopée » pour le style si particulier de ces artistes, mais sinon cet album contient de très belles choses…
« Gotham Central » T1 par Michael Lark, Greg Rucka et Ed Brubaker
« Gotham Central » fait partie de ces séries dont l’édition française partielle ou/et chaotique a réussi à exaspérer les fans… Publiée en trois formats différents chez deux éditeurs successifs (dommage que Semic ait dû laisser la place à Panini), on aura mis un certain temps avant d’aller au bout de l’aventure, entre 2004 et 2008. Pourtant, cette série aurait mérité tous les honneurs, et c’est donc avec joie qu’on accueille cette nouvelle édition intégrale en quatre tomes qui bénéficie d’un vrai suivi. L’idée de « Gotham Central » est aussi simple qu’excellente, se consacrant non pas à Batman mais aux policiers du commissariat central de Gotham City, décrivant leur quotidien où ils doivent faire face non seulement à des criminels mais aussi à des super-criminels alors qu’ils n’ont pas de super-pouvoirs… Batman n’est pas constamment derrière leur dos et le rapport de force est faussé, ce qui engendre des situations parfois difficilement supportables. Sur le toit du commissariat, il y a le certes Bat-signal que les policiers peuvent actionner pour appeler Batman à la rescousse, mais si certains flics l’utilisent avec soulagement et respect, d’autres ont du mal à envisager de collaborer avec ce super-justicier… Hommes et surhommes dans une même poudrière, avec de lourdes conséquences… Lorsqu’ils reprirent avec talent « Daredevil » à la suite de Bendis et Maleev en 2006, Brubaker et Lark avaient fait leurs armes ensemble depuis 2003 sur « Gotham Central », insufflant déjà cet esprit polar dans l’univers des super-héros. Car c’est là tout le sel de cette série : être une vrai et bon polar pur et dur dans un contexte super-héroïque sans que jamais l’un des genres n’entache l’autre. L’ombre de Batman est là , hantant la série, les super-dingues sont là , violentant la ville, mais la focale se fait sur ces hommes et ces femmes qui doivent gérer la sécurité de tous au sein de cette réalité. L’une des grandes qualités de la série est son approche intime et psychologique des policiers, souvent d’une belle justesse, ce qui amplifie le contraste entre hommes et surhommes. L’un des exemples les plus connus est la révélation de l’homosexualité de l’inspectrice Renée Montoya, mais bien d’autres traits de caractères et de faits de vie sont dépeints de belle manière par Brubaker et Rucka, rendant leurs personnages éminemment humains… Une très belle série que je vous conseille vivement, donc !
« Batman Anthologie », collectif
Enfin, je ne peux m’empêcher de vous rappeler qu’Urban Comics avait édité en toute fin d’année dernière une « Batman Anthologie » que je vous conseille vivement elle aussi, que vous soyez novice ou aficionado. Proposant 20 récits légendaires du Chevalier Noir par ordre chronologique de 1939 à 2013, cette anthologie est un excellent moyen de faire connaissance avec ce super-héros ou bien de retrouver des récits mythiques qui font toujours plaisir à lire ! Quel délice, que de pouvoir lire des histoires des années 30, 40, 50, avec leur belle patine et leur charme jouissivement désuet… Quant aux récits plus contemporains, ils donnent une bonne idée de l’évolution moderne du personnage. Regroupés en cinq parties, les épisodes choisis ont tous droit à leur fiche de présentation riche d’enseignement, et des textes sont consacrés à chaque période traitée ainsi qu’à des événements particulièrement marquants dans la carrière de Batman. Tout au long de l’album, on retrouvera évidemment les grandes signatures qui ont participé au mythe de Batman, comme Bob Kane, Bill Finger et Jerry Robinson, mais aussi Gardner Fox, Carmine Infantino, Dennis O’Neil, Neal Adams, Archie Goodwin, Alex Toth, Frank Miller, Alan Davis, Greg Rucka, Paul Dini ou J. H. Williams III. Bref, une bonne introduction au personnage et un bel hommage à la série (et à ceux qui l’ont faite !).
Cecil McKINLEY
« The Dark Knight Returns » par Frank Miller
Urban Comics (29,00€) – ISBN : 978-2-3657-7519-9
« Batman – Année Un » par David Mazuchelli et Frank Miller
Urban Comics (19,00€) – ISBN : 978-2-3657-7518-7
« Batman – Silence » par Jim Lee et Jeph Loeb
Urban Comics (39,00€) – ISBN : 978-2-3657-7277-8
« Batman – Amère Victoire » par Tim Sale et Joeph Loeb
Urban Comics (39,00€) – ISBN : 978-2-3657-7517-5
« Batman – La Cour des Hiboux » par Greg Capullo et Scott Snyder
Urban Comics (39,00€) – ISBN : 978-2-3657-7520-5
« Les Tourments de Double-Face » par Jae Lee, Sean Phillips et Paul Jenkins
Urban Comics (29,00€) – ISBN : 978-2-3657-7525-0
« Gotham Central » T1 par Michael Lark, Greg Rucka et Ed Brubaker
Urban Comics (22,50€) – ISBN : 978-2-3657-7521-2
« Batman Anthologie », collectif
Urban Comics (25,00€) – ISBN : 978-2-3657-7273-0
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