Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
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Une fois de plus, le Belge immigré en Espagne Zidrou démontre, avec ce nouveau thriller d’anticipation haletant — mais aussi avec son autre actualité, le premier tome du plus nostalgique diptyque « La Mondaine » illustré par l’excellent Jordi Lafebre chez Dargaud (1) —, qu’il est, vraiment, un scénariste réaliste de premier plan : capable de passer, sans ambages et avec autant de brio, d’un genre à l’autre…
C’est d’autant plus remarquable que cela ne date pas d’aujourd’hui : ce scénario — dont la narration et le graphisme moderne font très comics —, ayant longtemps été refusé, comme beaucoup d’autres, par tous les éditeurs en place, du temps où ces derniers ne voulaient que du Zidrou humoristique à destination des plus jeunes…
            Dans un futur proche, Rosko Timber, flic privé proche de la retraite qui travaille pour la société de sécurité P.Pol, arrête en pleine action Per Svenson, monstrueux tueur en série qui s’apprête à éliminer sa quatre-vingt-treizième victime : une gamine de sept ans. Six ans plus tard, son exécution, qui sera retransmise en direct par Pimento TV, va être déterminée par le vote du public, sous contrôle du ministère de la Justice. En effet, cette chaîne de télévision propose aux téléspectateurs de choisir la manière dont ils veulent voir mourir celui qui se surnomme lui-même « Le rédempteur » : pour la mort par combustion composez le 991, pour le bain d’acide le 882, pour la dénucléarisation le 773…
La course à l’audimat va même inciter les patrons de la chaîne à mettre en scène un scénario d’évasion : une chasse à l’homme où un journaliste-fouille-merde retrouve la trace de celle qui a survécu à Per Svenson, où ceux qui tirent les ficelles vont être très vite dépassés par les événements et où Rosko va se rendre compte peu à peu de la machination…
Le trait efficace et expérimental d’un jeune dessinateur (avec qui Zidrou a déjà publié une histoire courte dans Fluide glacial, en 2009, laquelle est reprise dans le recueil « Joyeuses Nouvelles pour petits adultes et grands enfants ») est parfaitement adéquat pour mettre en images ce portrait au vitriol, mais non dénué d’humour, de notre société de consommation et du spectacle.
« Rosko T1 : Per Svenson doit mourir aujourd’hui » par Alexeï Kispredilov et Zidrou
Éditions Delcourt (15,50 €) – ISBN : 978-2-7560-4028-8
(1) En effet, ces enquêtes de la brigade des mœurs, au 36 quai des Orfèvres dans le Paris de l’entre-deux-guerres, où le scénariste dévoile la face cachée de la IIIe république, bénéficient du superbe dessin semi-réaliste de l’Espagnol Jordi Lafebre, avec qui Zidrou avait déjà réalisé un petit chef-d’œuvre : « Lydie », chez le même éditeur, en 2010. Dans ce premier tome de « La Mondaine », il est évident que les auteurs s’amusent à multiplier les personnages pittoresques et les situations tour à tour cocasses, grivoises ou tragiques pour animer cette fantaisie joyeusement crue, à déguster sans modération…