Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...» Elle » T1 et » L’Enfant d’éléphant »
Il y a les voyages réels et les voyages fantasmés. Le continent africain fait partie de ces terres qui ont porté tous les rêves et toutes les craintes comme en témoignent par exemple, au dix-neuvième siècle, le roman de Ridder Haggard, » She « , situé alors en des terres inexplorées.
Publié en 1887, » She » est l’Å“uvre d’un auteur qui connait bien ce continent… puisqu’il a séjourné plusieurs fois en Afrique du Sud dont il offre d’ailleurs une vision certes coloniale mais relativement empathique pour les peuples indigènes. L’histoire se passe en 1880. La découverte d’inscriptions antiques sur des tessons dont il vient d’hériter, conduisent Leo Vincey et son tuteur Horace Holly en Afrique. Ses recherches le mènent à s’intéresser à un royaume secret, situé dans l’actuelle Tanzanie, une civilisation oubliée au cÅ“ur de laquelle vit une femme qui attend depuis deux mille ans l’homme qu’elle aime, Kallikratès, son amant, qu’elle a tué au cours d’une crise de jalousie …
Francis Lacassin disait de ce roman : » Empruntant les accents de la tragédie et les péripéties périlleuses du récit d’aventures, ce livre est un roman d’amour, comme on n’en écrit plus guère depuis que les hommes blasés ont perdu le sens de la passion et le goût des contes de Fées « . Cette dimension fantastique, mythique et onirique, on la retrouve dans l’adaptation que viennent de commencer Elie Chouraqui (oui, l’homme de cinéma !) et Alberto Jimenez Albuquerque. L’un suit fidèlement le roman, l’autre caricature et peaufine à la fois des personnages et des décors étonnants, excellemment rehaussés par les couleurs de Sandrine Cordurié. L’ensemble, d’une densité exemplaire, est frémissant de vie et du sens du spectacle.
Cette Afrique fantasmée et fantasmatique, on la retrouve aussi dans Rudyard Kipling (qui correspondit d’ailleurs avec Haggard) et la toute récente adaptation de » L’Enfant d’éléphant » (extrait d’un de ses plus fameux recueils, » Histoires comme ça » et dont on peut retrouver le texte sur ce site), par Dégruel, qui réinvente graphiquement et joliment le fleuve Limpopo. Un nom qu’on croit inventé et ludique ! Pourtant, il s’agit bel et bien d’un fleuve et d’une province de l’Afrique du sud ! Jolie réussite, là encore, que cette vision animalière et décalée, pour les tout petits qui prouve que l’Afrique reste une inégalable boite à fantasmes surtout quand on puise dans les écrits d’Anglais rêveurs et immortels. À noter que suivra une autre adaptation de ce recueil par Yann Dégruel : » Le Chat qui s’en va tout seul « .
Didier QUELLA-GUYOT
» Elle » T1 de AJA et Elie Chouraqui, Éditions Soleil, 13,50 €
» L’Enfant d’éléphant » de Yann Dégruel, Éditions Delcourt, 10,50 €