Vivant depuis 25 ans avec Tanie — qui est aveugle d’un œil et qui, en conséquence, doit se démener tous les jours pour s’adapter de son mieux aux charges du quotidien —, le dessinateur et scénariste Marc Cuadrado a repris ses crayons pour nous expliquer comment sa courageuse femme fait face à sa déficience visuelle. Pour l’occasion, cet adepte du style gros nez — « Norma » chez Casterman et « Parker & Badger » chez Dupuis ou « Je veux une Harley » pour Frank Margerin chez Fluide glacial et Dargaud (1) — renoue avec la discipline graphique qu’il avait abandonnée depuis une dizaine d’années : passant à autre trait, plus semi-réaliste, où sa plume se fait alors tendre et émouvante… même s’il insuffle toujours sa lumineuse touche d’humour personnelle !
Lire la suite...« Le Journal de Jules Renard » par Fred

Plutôt qu’un voyage, contentons-nous d’une promenade, dans les pas d’un promeneur solitaire, un homme à chapeau melon conversant avec un corbeau au gré d’une forêt hivernale et battue par les vents… Deux promeneurs, en fait, Jules Renard et Fred !
Le journal que tint Jules Renard est connu pour ses aphorismes, son humour cinglant, son désenchantement. Fred, en admirateur, a tenu il y a quelques années à en illustrer la sève, publiant dans le journal Le Matin, planche après planche, ces « vacheries » d’un promeneur solitaire. Cela devint, en son temps, en 1988, un album, en noir et blanc reprenant les pages du Matin, mais redécoupées au format « roman ». « Roman graphique » dirions-nous aujourd’hui pour séduire. La preuve que l’appellation est stupide puisque revoilà ces pages au format d’un album traditionnel : le roman graphique est redevenu bande dessinée au format 48 pages ! Un coup de baguette que n’aurait pas renié Fred !
Qu’importe, ce qui compte c’est de retrouver l’auteur, son corbeau inquisiteur et son promeneur cynique et désabusé, dans un décor rarement optimiste et des errances quelquefois nocturnes. Que de ciels cotonneux, orageux, brumeux, lumineux, vertigineux… Un incroyable catalogue de ciels ! C’est aussi un voyage dans les planches savamment déstructurées, moins souvent que dans « Philémon », certes, mais de temps en temps un arbre se superpose sur plusieurs cases, un visage est découpé en plusieurs vignettes, des lignes d’horizon unissent plusieurs arrière-plans… Du Fred de la grande époque, mêlant sa poésie à la fantaisie d’un Renard, à moins que ce ne soit l’inverse ! Et c’est sans compter sur les jeux de mots ! D’ailleurs, le corbeau s’est invité parce que Jules est un renard (et que les deux sont associés depuis La Fontaine) !
François Morel, invité en préface, constate que « la promenade n’est pas très gaie », mais souligne qu’« à chaque instant, on nous rappelle la fragilité des choses et de la vie ». Heureusement, les mots ont la peau dure et le Renard de 1925 comme le Fred de 1988 retrouvent vie dans cette édition complétée de deux planches inédites, grâce aux images !
Les choses, les mots, les images, la vie, quoi ! Alors, bon voyage…
Didier QUELLA-GUYOT ([L@BD->http://www.labd.cndp.fr/] et sur Facebook).http://bdzoom.com/author/didierqg/
« Le Journal de Jules Renard » par Fred
Éditions Dargaud (13,99 €) – ISBN : 978-2-2050-6730-9