Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Les Manchots sont de sacrés pingouins ! » par Philippe Coudray et Jean-Luc Coudray
En janvier 2005, un documentaire animalier, « La Marche de l’empereur », réalisé par Luc Jacquet, sortait sur les écrans et s’intéressait à un animal étrange vivant en Antarctique, le manchot empereur. Cet oiseau, qui nage mais qui ne vole pas, devint ainsi une star et le film totalisa presque deux millions d’entrées en France.
Mais ce que le public ignore, c’est que les frères Coudray, dont on connaît l’intérêt certain pour la gente animale (« L’ours Barnabé », c’est eux !) avaient aussi arpenté ces terres antarctiques, avec leurs crayons, leur papier et leur regard joliment aiguisé. Le fruit de leur expédition est un premier album, « L’Empereur nous fait marcher », destiné à un très large public, né dans les années 1980, publié en 2006 et préfacé par le réalisateur Luc Jacquet. Ce premier ouvrage a vite conquis une génération de lecteurs, en France, mais aussi en Chine et surtout au Japon où il demeure l’un des plus gros succès de la bande dessinée française traduite. Il s’y est vendu à plus de 60 000 exemplaires. Il est aujourd’hui réédité dans la collection La Malle aux images, sous le titre au malicieux jeu de mots « Les Manchots sont de sacrés pingouins ! », reprenant les planches de l’album initial et enrichi de 50 planches inédites.
Le dictionnaire Larousse définit le manchot comme un « oiseau marin (sphéniscidé) de l’hémisphère austral tout à fait adapté à la vie aquatique, incapable de voler du fait de la transformation de l’aile en organe de nage ».
Dans ce gros album à l’italienne au dos toilé de rouge, Philippe et Jean-Luc Coudray enrichissent la définition quelque peu laconique du dictionnaire de nombreux et précieux détails sur les mœurs de ces sphéniscidés.
L’on y apprend toutes sortes de choses inédites sur leur vie sociale, sur la manière dont ils règlent les questions de pouvoir et d’hégémonie, sur leurs modes de pêche, sur la naissance de leurs petits, sur le rapport de l’individu au groupe, sur leurs pratiques artistiques ou sur leur manière de communiquer.
Le principe narratif est toujours le même, simple et efficace : deux grandes vignettes muettes identiques par page, où les manchots sont dessinés dans leur environnement polaire, et un court texte inscrit sous chaque case : la première phrase est une question ou une affirmation cliché, idée reçue ; la seconde propose la réponse ou la réfutation du dit cliché. Le découpage invariant crée un rythme de lecture particulier et une interaction forte entre l’image et le texte, qui renforcent l’humour et le nonsense que les deux auteurs manient avec brio.
« Quand les manchots savent-ils qu’ils sont arrivés au Sud absolu ? Quand il y a marqué Nord partout. »
Logique, non ? …
Cet album à savoureux en famille, semé de jolies notes poétiques, nous offre une plongée revigorante dans ce monde glacé et blanc, que les manchots zèbrent de noir de leur démarche de rappeurs.
Catherine GENTILE
« Les Manchots sont de sacrés pingouins ! » par Philippe Coudray et Jean-Luc Coudray
Éditions La Boîte à bulles (20 €) – ISBN 978 2 84953 181 5