Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Blacksad » on the road …
Avec près de 1,5 millions d’exemplaires vendus de ses 4 premières enquêtes, on peut affirmer sans se tromper que la parution d’un nouvel album mettant en scène le détective félin John Blacksad est toujours un événement. Après 3 ans d’absence, « Amarillo » entraine le héros de Juan Diaz Canales et Juanjo Guarnido dans un énergique road-movie de papier, le long de la mythique Route 66.
Dès le début de ce nouvel album, le ton est donné : Blacksad en a marre de faire le détective et voudrait se trouver un « boulot tranquille » ! Vous y croyez, vous ?  Et c’est parti pour un album aux couleurs lumineuses, ce qui ne signifie pas moins sombre pour autant (vous me suivez ?) : « C’est un récit de voyage, qui se déroule de jour, d’où cette impression d’un propos moins noir, en comparaison des précédents épisodes », nous indique le scénariste Diaz Canales, « mais le côté dramatique reste totalement présent », insiste-t-il. Ses propos sont d’ailleurs confirmés par Guarnido : « Ça commence comme si on donnait à Blacksad du calme dans sa vie mouvementée, mais l’intrigue tourne vite au polar. »
En Louisiane, Blacksad, qui en a donc marre de faire le détective, se voit confier, par un riche propriétaire texan, la mission de rapatrier une superbe Cadillac Eldorado jaune à demeure. Prenant la route le sourire aux lèvres, John – manque de bol ! – se fait voler la voiture par deux écrivains beatniks qui cherchent à rejoindre Amarillo, au Texas. Il se lance alors à leur poursuite… On pourrait, dans ce 5ème volet, avoir l’impression que les auteurs placent un peu leur héros en retrait de l’intrigue : « C’est l’histoire qui veut ça puisqu’il a toujours un temps de retard », expliquent-ils. « Dans ce double road-movie, deux voyages s’entrecroisent. Blacksad n’entreprend le sien que pour retrouver sa voiture. Il se situe donc toujours à la suite d’événements qu’il ne connaît pas et qui se sont déjà produits. »
Totalement en phase sur leurs intentions, le scénariste et le dessinateur, qui « échangent à toutes les étapes de l’écriture du scénario et se soumettent le travail de l’un à l’autre pour validation permanente », ont donc décidé ensemble d’envoyer leur héros manger du bitume, au rythme de la célèbre chanson « Route 66 » : « On veut éviter de se répéter », indique Juan Diaz Canales, « pour ne pas ennuyer le lecteur, ni nous-mêmes. » Les références sont évidemment nombreuses à commencer par « Sur la route », de Jack Kerouac, mais aussi « L’Équipée sauvage » ou encore « Sous le plus grand chapiteau du monde ». On y croise aussi les personnages de la Beat Generation : « J’avais très envie de parler de cette génération avec du recul sur leur comportement, notamment la consommation de drogue ou l’utilisation des armes », indique Juanjo Guarnido. « Nous nous sommes basés sur des faits réels. Jack Kerouac, bien qu’ayant un talent unanimement reconnu, s’est auto détruit. Je suis très interpellé par ces pulsions créatrices jusqu’au boutiste. »
Un grand bol d’air et d’espace, donc, dans une série qui devrait, par la suite, retrouver l’atmosphère de films noirs qu’on lui connaissait auparavant : « Nous avons une vision à long terme », dit Guardino. « Il ne faut pas s’attacher particulièrement à cette histoire, qui fait partie d’un tout. L’ambiance du prochain « Blacksad » sera d’ailleurs celle d’un polar plus classique. Comme nous souhaitons élaborer une histoire plus développée, ce futur épisode sera sans doute un diptyque. »
Laurent TURPIN avec un tout petit peu de Gilles Ratier
« Blacksad T5 : Amarillo » par Juanjo Guarnido et Juan Diaz Canales
Éditions Dargaud (13,99 €) – ISBN : 978-2205-07180-1