« Retour au Congo » par Hermann et Yves H.

« Retour au Congo » : retour pour qui ? Et quel Congo ? Eh bien, celui des années 20. À l’époque, le pays est sous domination belge et l’histoire commence d’ailleurs à Bruxelles, en 1928, entre Prison Saint-Gilles et Musée de Tervuren, alors que des journalistes s’apprêtent à couvrir un voyage royal dans la colonie africaine. L’un d’entre eux, un certain Georget, va faire partie du voyage…

Georget vient même de découvrir qu’il a probablement de la famille là-bas, un oncle Célestin qui aurait en son temps offert un lion empaillé au musée et dont il découvre une photo, lui sur ses genoux (de l’oncle, pas du lion !). Alors, d’Anvers part Georget, accompagné de son collègue Lambillon, un enquiquineur de première. Avant même d’atteindre Boma, l’histoire se complique, un certain Albert Lingot (sic !), conservateur du musée du Congo belge, est assassiné dans sa cabine et parce qu’il est au mauvais endroit au mauvais moment, tout accuse le journaliste Georget qu’on met aux fers.

On finit par atteindre le Congo où Georget, plus futé qu’on pense, arrive à fuir, rencontrant peu après un capitaine qui ne crache pas sur la bouteille…Une sorte d’Haddock barbu et solitaire. Haddock ? Mais oui, c’est bien lui, je dirais même plus, c’est bien lui ! Tout comme le collègue balourd est bien Lampion, sans oublier la cantatrice croisée un peu plus loin, une Castafiore déguisée en Maria Pappas, sans oublier Serpolet en guise de Tournesol et des policiers un peu jumelés… Avec au centre de cet univers à clins d’œil, le journaliste Georget, Remy Georget, R. G., Hergé himself, bien entendu ! Dès lors, l’histoire et son titre prennent une autre tournure pour le lecteur, puisque l’on sent derrière ce récit une sorte d’hommage. On comprend mieux dès lors le caractère convenu de certaines situations, des ficelles ou des péripéties dignes de Tintin. Sans qu’on comprenne bien l’intérêt pour Hermann de ce « retour » truffé de références tintinesques – un simple jeu de famille peut-être ? -, il apparaît que le Congo promis dans le titre est celui des savanes, des chutes du Borongo et des bêtes sauvages, un Congo dont les Noirs sont de rares et muets figurants ou danseurs, ce qui est regrettable.

On ne peut s’empêcher de repenser à d’autres travaux d’Hermann, autrement plus africanisés et toniques. « Afrika », par exemple, publié en 2007, l’histoire d’un ancien mercenaire misanthrope, Dario Ferrer, qui garde une réserve naturelle au cœur de l’Afrique avec un zèle efficace. Pour empêcher les massacres absurdes, il traque à balles réelles les braconniers. Pendant ce temps, des hommes politiques corrompus vendent les richesses naturelles au plus offrant et en échange d’une aide militaire contre des rebelles. Alors qu’il accompagne une journaliste européenne, Charlotte, sur la piste de braconniers à la limite de sa réserve, Dario est le témoin d’un crime de guerre. Lui et Charlotte sont alors pourchassés par le pouvoir en place et les militaires européens qui le soutiennent. Ils s’enfuient dans la forêt équatoriale vers la frontière voisine. Une fois Charlotte à l’abri, le nihiliste Dario n’a plus de raison de vivre sinon partir en apothéose dans un acte inutile et vain, proche du terrorisme. Au bilan, un album magnifique et un scénario habile, mêlant enquête policière et politique et étude de mœurs à partir des motivations de ses différents personnages. Dans « Afrika », inspiré par la beauté de la nature du continent, Hermann s’était surpassé dans le rendu graphique de planches en couleurs directes : finitions exceptionnelles, utilisation de la couleur pour marquer la profondeur de champ, réalités d’une vie animale comme sortie d’un documentaire animalier.


On pense aussi à « Missié Vandisandi », paru il y a plus de vingt ans chez Aire Libre. Longtemps après l’indépendance, un certain Karl Vandesande retournait lui aussi en Afrique, mais pour enquêter sur les collections artistiques et la disparition d’Å“uvres d’art importantes. Sur place, dans ce Congo devenu Zaïre, Karl comprenait peu à peu que la réalité, notamment politique, lui échappait. Karl ne saura pas tout mais ira à la rencontre de ce continent, de ses habitants, de ses difficultés, de ses corruptions et du pillage post-colonial qui le caractérise.
Plus ancien encore, Hermann réalisera, en 1982, « Afromerica », un « Jeremiah » puissant doté d’un prologue cinématographique et silencieux qui reste une scène d’anthologie, loin de ce nouvel album finalement assez pataud.

Alors, bon voyage…
Didier QUELLA-GUYOT ([L@BD->http://www.labd.cndp.fr/] et sur Facebook).http://bdzoom.com/author/didierqg/

 

« Retour au Congo » par Hermann et Yves H.
Éditions Glénat (13,90 €) – ISBN : 978-2-72349728-2

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2 réponses à « Retour au Congo » par Hermann et Yves H.

  1. Renaud045 dit :

    Bonjour
    En attendant c’est toujours aussi superbe Hermann…Bien des jeunots aimeraient avoir ce talent

  2. Christophe Cassiau-Haurie dit :

    Ce n’est pas le dessin qui est en cause, Hermann est doué comme jamais, c’est le scénario. Cet album n’est tout simplement pas bon. Il ne s’y passe rien, et le peu qui s’y passe donne lieu à des scènes convenues. On s’y ennuie, tout simplement. Quel dommage !

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