Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Dr. DMAT » T1 par Akio Kikuchi et Hiroshi Takano
Encore un manga sur la médecine avec un docteur tout puissant capable de soigner les cas les plus improbables ? Eh bien non, « Dr DMAT » est un titre atypique dans le genre. On est loin de « Monster », « Black Jack » ou autre « Dr. Kôto ». Le héros n’a ici commis aucune faute, il n’est ni un surhomme ni un magicien. Les situations sont traitées avec réalisme. Cette unité spéciale, la DMAT, existe bel et bien au Japon, ainsi qu’aux États-Unis d’Amérique. C’est juste l’histoire quotidienne d’une unité de médecins d’élite, avec son lot de catastrophes qui pimente le récit.
Yakumo Hibiki est un médecin sans spécialité, ce que l’on appelle communément un généraliste. Pourtant, son chef de service va le forcer à incorporer la DMAT (Disaster Medical Assistance Team). C’est une équipe de super médecins triés sur le volet, capable d’intervenir rapidement dans des situations extrêmes. Hibiki ne se sent pas du tout à la hauteur de la tâche. Pourtant, sur le terrain, malgré sa peur, il va, sans s’en rendre compte, dévoiler ses atouts : une faculté à analyser la situation de manière juste et réaliste. Pour sa première sortie, il va ainsi sauver deux hommes, alors que le manque de moyens obligeait forcément à en sacrifier un. Il a pourtant du mal à garder son sang-froid face aux horreurs liées aux accidents : c’est son plus gros point faible.
Dans ce manga, la réalité crue, liée aux accidents graves, bouleverse ce médecin plutôt enclin à soigner les petits tracas de la vie quotidienne. Ici, la vie est dure, la mort est omniprésente et les choix cornéliens. Qui privilégier, qui sauver, qui sacrifier ? Comment trier les blessés sans se tromper ? C’est pour répondre à ces questions que la DMAT a été créée. C’est une unité spécifique au Japon et aux USA. Elle n’existe nulle par ailleurs dans le monde. Il faut bien se rappeler que l’île japonaise est placée à la jonction de deux plaques tectoniques provoquant de nombreux séismes. Les raz de marée, effondrements d’immeubles, de routes ou de ponts, déraillements de trains, éboulements, chutes et plein d’autres accidents plus ou moins graves liés à cette situation géographique peu enviable sont malheureusement monnaie courante. Souvent, il faut commencer à traiter les blessés directement sur le lieu même du drame. Logiquement, il faut des médecins pour ça ; les équipes de secouristes n’étant là que pour évacuer les blessés, ce qui peut leur causer des lésions encore plus graves en cas de mauvais diagnostique.
Au Japon, il y a 700 équipes DMAT répertoriées, composées en tout de 4 300 médecins polyvalents. Ces unités ont commencé à être créées à partir des années 2000 pour faire face aux nombreuses catastrophes qui balayent régulièrement l’île. Leur rôle est de traiter directement les personnes frappées par une catastrophe avant de les renvoyer vers des hôpitaux forcements surchargés en temps de crises majeures. Bien évidemment, le scénariste a consulté de vrais médecins impliqués dans ce genre d’opérations, afin de traiter l’histoire de manière réaliste. Hiroshi Takano n’est pas inconnu en France, c’est un spécialiste des histoires vraies. On lui doit le scénario de « L’Affaire Sugaya » ou encore une participation à l’écriture des tomes 2, 3 et 4 du manga « Ascension ». Il a construit son histoire comme un thriller. C’est peut-être même un peu caricatural par moment. Mais le but est de bien montrer le niveau de stress extrême que ces situations peuvent amener. Il en ressort un personnage et des situations crédibles. Bien évidemment, tout se finit bien dans la plupart des cas. Il n’insiste pas sur les décès inévitables liés à ces catastrophes majeures, ni sur les cas les plus graves et visuellement insupportables. Le suspense ambiant, agrémenté de détails techniques propres aux DMAT, ne fait que renforcer la tension que peut ressentir le lecteur en suivant ces événements.
Les situations dessinées par Akio Kikuchi sont très réalistes. Cela renforce le côté reportage du scénario. Il nous plonge au coeur de l’action. Même si ces médecins arrivent après la catastrophe, même si on ne voit pas le moment fatidique ou tout arrive, le résultat est encore plus prenant. Devant nos yeux s’expose un champ de bataille qu’il faut analyser et investir dans les meilleures conditions. Hibiki ne sait pas sur quoi il va tomber : on stresse avec lui avant l’intervention et on souffle une fois celle-ci finie. La succession des cases et l’enchaînement de plans larges et rapprochés ne font qu’augmenter le niveau de tension de l’histoire. Le lecteur n’a qu’une hâte : voir quel stratagème va déployer ce médecin hors norme pour se sortir de situations à première vue inextricables.
Le premier volume de « Dr. DMAT » plonge le lecteur au cœur d’un terrible accident de la route, puis de l’incendie d’une crèche. L’action est haletante, on est dans l’urgence, il faut soigner coûte que coûte, trouver des solutions à des problèmes de vie ou de mort, trier les patients, ne pas faire d’erreurs… Une bonne dose d’adrénaline pour une histoire très réaliste. La finalité étant de sauver des vies.
Gwenaël JACQUET
« Dr. DMAT » T1 par Akio Kikuchi et Hiroshi Takano
Éditions Kazé manga (7,99 €) – ISBN978-2-82030-765-1