Dans le cinquième volume de ses aventures, « Le Grimoire d’Elfie T5 : Les Reflets de Walpurgis », la jeune Elfie découvre le marais poitevin (entre La Rochelle et Niort) et des festivités réservées aux magiciens et sorcières depuis le temps de la mystérieuse fée Mélusine. Une nouvelle enquête pour la jeune adolescente, avec l’apport non négligeable de son grimoire magique, à l’issue de laquelle elle en aura appris beaucoup sur les dangers contemporains qui guettent cette zone humide remarquable et sa propre famille.
Lire la suite...Spécial Sean Murphy
Urban Comics a récemment et simultanément publié deux albums de Sean Murphy qui combleront les fans de cet artiste puisqu’il s’agit de deux créations personnelles, la première qu’il réalisa en 2003 (« Off Road ») et la dernière en date (« Punk Rock Jesus ») qui s’est achevée aux États-Unis en février 2013. Une décade, un grand écart (l’Alpha et l’Oméga de l’auteur, comme les présente l’éditeur) qui nous permettent de juger de l’évolution de cet artiste de plus en plus en vue…
On commence donc avec cette œuvre de jeunesse réalisée en 2003 et parue chez Oni Press en 2005. Une œuvre de jeunesse dans tous les sens du terme, puisque Sean Murphy n’avait que 23 ans lorsqu’il la réalisa et qu’elle a pour sujet l’amitié adolescente. Le sujet est simple : trois amis s’embarquent à bord de la jeep de l’un d’entre eux et finissent par s’embourber en faisant du tout-terrain alors qu’ils se rendaient à une fête. Coincés au beau milieu d’une rivière boueuse, loin de tout, ils vont devoir surmonter leurs différences et retrouver confiance en leur amitié pour se sortir de cette situation inconfortable… « Off Road » est un récit assez court, dynamique et contrasté, où l’humour adolescent laisse souvent la place à des émotions plus difficiles, typiques de celles rencontrées à cet âge de la vie, à la croisée de l’enfance et du monde adulte. Sur ce point, « Off Road » plaira avant tout aux ados, donc, mais aussi aux fans de Sean Murphy qui pourront lire sa première œuvre d’auteur complet. À l’époque, il avait déjà fait ses premiers pas dans le monde des comics chez Dark Horse, notamment sur « Star Wars » ou « Crush », et allais par la suite travailler pour DC (« Batman », « Teen Titans ») et dans le secteur de l’animation et du jeu vidéo. Mais « Off Road » tient une place à part, s’éloignant des normes de comics de super-héros pour proposer une narration où l’on sent à la fois ses influences américaines et européennes (Sean Murphy ne cache pas son admiration pour Sergio Toppi et Bill Watterson, par exemple). Évidemment, lorsqu’on lit « Off Road » aujourd’hui, on voit combien le style de Murphy était encore à l’époque hésitant, n’ayant pas la maturité qu’il a joliment atteinte depuis. Mais c’est bien cela qui intéressera les fans de l’auteur, l’album témoignant des racines graphiques de son travail. Une œuvre touchante et naïve à la fois que certains pourront trouver trop adolescente dans son propos mais qui n’est pas dénuée de qualités quant au découpage et à la mise en pages. Sean Murphy le dit lui-même, à l’époque il avait déjà en tête son projet de « Punk Rock Jesus », mais il lui semblait trop ambitieux par rapport à ses capacités narratives et artistiques et a finalement préféré faire ses premiers pas en tant qu’auteur complet avec ce récit quelque peu autobiographique… Il se félicite aujourd’hui de ce choix, et on en peut que se féliciter à notre tour de sa lucidité et de sa sagesse, car nul doute que « Punk Rock Jesus » n’aurait pas pu être le chef-d’œuvre qu’il est s’il l’avait réalisé alors, ne bénéficiant pas d’une décennie de progrès et de savoir-faire patiemment acquis…
Lorsque l’on compare « Off Road » et « Punk Rock Jesus », on est en effet assez bluffé par les progrès énormes que Sean Murphy a faits en termes de narration et de style graphique, de découpage et de mise en pages. En 2010, il s’était déjà montré très impressionnant dans sa réalisation de « Joe, l’aventure intérieure » scénarisé par Grant Morrison, à mon avis un tournant dans sa carrière et son évolution graphique qui trouve dans « Punk Rock Jesus » une sorte d’accomplissement. Dès les premières pages, dès la première planche, on ne peut qu’admirer son sens de la composition, du rythme, de la mise en scène, et son talent pour allier hachures, trames et contrastes forts du noir et blanc. La scène d’ouverture prend à la gorge et nous immerge immédiatement dans une atmosphère intense et sombre qui ne cessera de se déployer tout au long de l’album. Le propos et l’action sont rudes, sans concessions, résolument adultes. « Punk Rock Jesus » est même une petite bombe de révolte humaniste, courageuse et culottée qui – je l’espère bien – dérangera les fondamentalistes de tous poils. Critique frontale de notre société actuelle, de la manipulation des masses par les médias et les religions, brûlot contre la télé-réalité et le cynisme de l’argent, cette œuvre pose irrémédiablement des questions fondamentales sur la nature de notre monde et de ce qui le fait tourner si mal. Œuvre de révolte contre le fondamentalisme et l’intégrisme où Sean Murphy pointe du doigt le terrorisme, les guerres de religions et tout ce qui engendre la violence, « Punk Rock Jesus » est basée sur une idée folle et géniale qui aurait pu être caricaturale ou stigmatisante et gratuite si l’auteur ne l’avait pas traitée avec autant de cœur et d’intelligence…
Car l’histoire est un peu dingue, jugez plutôt : dans un futur proche, un grand groupe médiatique aux moyens financiers considérables entreprend de cloner le Christ via l’ADN prélevé sur le saint suaire de Turin afin de faire une émission de télé-réalité intitulée J2. Une jeune femme vierge est choisie afin de porter l’ovocyte contenant cet ADN et donner naissance à ce clone christique sous les caméras et les micros de la télévision, coincée dans un complexe bâti sur une île située dans les eaux internationales. Les téléspectateurs vont donc assister à la naissance de ce Christ cloné puis le regarder grandir auprès de sa mère dans cette prison dorée, année après année, sous l’égide de l’instigateur du projet, un certain Rick Slate, aussi machiavélique et violent que sans aucun scrupules. La mère et l’enfant, encadrés par le Dr Epstein et protégés par Thomas McKael (un ancien terroriste repenti de l’IRA), vont très vite se rendre compte à quel point ils sont les pions et les victimes d’un odieux stratagème médiatique et financier qui engendre aussi des tensions et des révoltes chez tous les fondamentalistes et croyants n’acceptant pas ce clonage du Christ. Mais ce n’est que le début de la catastrophe, puisqu’en grandissant, le jeune Chris va non seulement refuser d’incarner ce qu’il est censé être, mais se révolter violemment contre la foi et toutes les religions du monde en devenant le chanteur d’un groupe punk dont le message athée et radical entend bien briser l’idée même de croyance et de foi religieuses. Oh my God !
Cette œuvre est d’autant plus intéressante et courageuse que Sean Murphy est un ancien croyant devenu athée, ce qui lui donne encore plus de poids que si elle avait été réalisée par un auteur ayant toujours été athée et anticlérical. En effet, Sean Murphy avoue avoir été croyant jusqu’en 2003 (une date décidément importante pour lui…) avant de cesser totalement de prier et de perdre la foi. La grande force de « Punk Rock Jesus » est d’être aussi radicale qu’humaniste, puissante mais pleine de nuances, engendrant une réflexion sur notre libre-arbitre et le devenir de notre humanité via notre courage à penser et agir avec discernement. Totalement blasphématoire mais miraculeusement jamais irrespectueuse, elle a l’intelligence de mettre les pieds dans le plat et d’appuyer là où ça fait mal sans être extrémiste. Ça fait du bien de lire quelqu’un qui dit enfin ces choses-là ainsi, et redonne de l’espoir à un progrès humain possible, à des lendemains moins aveuglés par nos peurs et nos croyances ineptes. À l’heure où ce 21ème siècle balbutiant n’en finit plus de voir continuer et naître des guerres de religions, une œuvre telle que « Punk Rock Jesus » s’avère plus que jamais nécessaire, et espérons qu’elle donne le courage à d’autres auteurs de s’engouffrer dans la voie de la révolte lucide et militante en faveur de la paix et de la vie dans ce qu’elle a de plus fondamentale. Je ne finirai pas cet article sans dire combien cette œuvre est tout simplement magnifique esthétiquement, d’une beauté et d’une puissance visuelle rares, bijou graphique brut et subtil qui est sans doute la plus grande réussite de Sean Murphy. À lire absolument, de toute urgence…
Cecil McKINLEY
« Off Road » par Sean Murphy
Éditions Urban Comics (15,00€) – ISBN : 978-2-3657-7253-2
« Punk Rock Jesus » par Sean Murphy
Éditions Urban Comics (19,00€) – ISBN : 978-2-3657-7260-0